Jean-Claude Delgènes (Technologia) : "Si on peut comprendre la nécessité du télétravail pour éviter la contamination, il faut aussi prendre en compte la lassitude des salariés"

Spécialisé dans les ressources humaines et la vie en entreprise, Jean-Claude Delgènes se penche depuis le début de la crise sanitaire sur la question du télétravail. Alors que le gouvernement annonce un renforcement des contrôles pour vérifier que le télétravail est respecté, de plus en plus de Français se relâchent. "On est passé de 1,7 million de télétravailleurs en mars 2020 à 5,8 millions après le premier confinement. Nous sommes actuellement à 2,8 millions dans les dernières semaines." Il ajoute : "Il y a une lassitude chez les salariés et certainement chez les employeurs en matière de télétravail. Même si on peut comprendre la nécessité d'organiser des barrières pour éviter la contamination, il faut prendre en compte cette lassitude et parler à tout le monde, avec les partenaires sociaux afin que les choses se maintiennent encore quelques semaines, le temps de sortir de la pandémie." 

Après un an de télétravail, les avantages du télétravail ont peu à peu laissés la place aux inconvénients. "Le télétravail instaure une dysrythmie sociale : nous avons chacun notre propre rythme et nous nous connectons à des rythmes sociaux. Lorsque ces rythmes sociaux s'arrêtent, on a besoin de se régler et de se donner une autre discipline. Or, tout le monde n'est pas forcément apte à le faire. Bon nombre de gens sont dans une démarche sacrificielle, travaillent 8 heures le matin, 8 heures le soir, en visio toute la journée." A cela s'ajoute l'absence de sport et des déséquilibres alimentaires. Résultat : une augmentation des maladies cardio-vasculaires, des problèmes de sommeil, des prises de poids,...

Le télétravail a également un coût économique pour l'employé pouvant aller jusqu'à une centaine d'euros par mois avec les frais d'électricité ou de matériel bureautique. Le gouvernement a annoncé une exonération de 2,50 euros par jour de télétravail dans le cadre de l'impôt sur le revenu. Autre inconvénient mis en avant par Jean-Claude Delgènes : la perte de créativité. "Le collectif en présentiel permet d'avoir une intelligence collective. En télétravail, tous les signaux faiblent nous échappent." En temps normal, le directeur du cabinet Technologia recommande deux jours de télétravail par semaine. "Il faut penser ces deux jours avec les autres jours de travail".

Risque encore peu évoqué du télétravail : les délocalisations. "Si vous télétravaillez à Tunis ou à Lyon, c'est quasiment la même chose. Sauf que les coûts salariaux sont quatre fois moindre. Après cet effet d'apprentissage massif, il y a donc un risque très important d'une déportation d'activités en dehors du territoire national."