Quand les robots nous remplacent déjà
"Les robots vont-ils nous voler nos boulots ?" C'est la question à laquelle tente de répondre "l'Angle éco" du lundi 8 juin. Et si c'était déjà le cas ?
L'Angle éco pose la question : "Les robots vont-ils nous voler nos boulots ?" Certaines études le démontrent : d’ici dix à vingt ans, 40 à 50 % des métiers risquent d’être menacés par les évolutions technologiques. Mais aujourd’hui, certains robots et logiciels ont déjà une profession à part entière. Tour d’horizon.
La liste est longue. Secrétaires, comptables, journalistes, mais aussi médecins et avocats : ces métiers de cols blancs pourraient bientôt être réalisés par des machines. Deux chercheurs de l’université d’Oxford, Carl Frey et Michael Osborne, prédisent qu’un emploi américain sur deux pourra, d’ici à 2035, être automatisé ou informatisé.
Certains le vivent déjà. Les emplois les plus visés sont souvent des métiers manuels, fortement répétitifs et peu qualifiés, tels que le travail d’opérateur, d’agent de fret ou d’assembleur. Mais les professions moyennement voire hautement qualifiées sont loin d’être à l’abri. Les salariés les plus menacés sont aussi des assureurs, des analystes, des comptables... ou encore des arbitres.
En France, les perspectives ne sont guère plus optimistes. Le cabinet de conseil Roland Berger, dans son étude "Les classes moyennes face à la transformation digitale”, estime que 42 % des emplois français seront visiblement automatisables dans vingt ans. Trois millions d’emplois risquent d’être détruits en dix ans, et le taux de chômage pourrait atteindre 18 %. Et si l’automatisation n’est pas un phénomène récent dans l’industrie, “des emplois qualifiés, à fort contenu intellectuel, sont maintenant concernés”, alerte l’étude.
En France comme à l’étranger, tour d’horizon de ces métiers qualifiés déjà robotisés.
Membre d’un conseil d’administration
C’est chose faite à Hong Kong, au sein de Deep Knowledge Ventures, un fonds de pension spécialisé dans les investissements en biotechnologie. La société a nommé un algorithme au sein de son conseil d’administration en 2014. Le sixième membre du conseil est donc désormais un ordinateur. Ce programme, Vital, ne vote pas encore mais donne son avis sur les décisions d’investissement de ses collègues. L’algorithme dispose tout de même d’un droit de veto : s’il refuse l’investissement, ce dernier n’aura pas lieu. Vital est capable d’analyser une multitude de données sur une entreprise. Il peut ainsi prédire si un investissement dans cette société s’avérera fructueux ou non. Deep Knowledge Ventures a fait le choix d’avoir recours à cet algorithme pour améliorer ses choix d’investissement. “Pour l’instant, Vital est davantage un assistant”, précise Andrew Garazha, qui travaille pour le fonds de pension. “Mais à terme, nous souhaitons qu’il devienne un véritable décideur.” À quand un algorithme président de conseil d’administration ?
Courtiers en assurance et juristes
Le cabinet Roland Berger prend l’exemple des courtiers en assurance, dont le métier est déjà en partie automatisé avec l’arrivée de logiciels tels que ProCRM et Assur3D. Mille huit cents emplois français seraient menacés par ces programmes, selon l’étude du cabinet. Les juristes ne sont pas à l’abri non plus. Un bon nombre d’entreprises françaises utilisent déjà des bases de données en ligne telles que LegaLife, ce qui leur évite d’avoir recours à des services de juristes internes ou externes.
Médecins et aides-soignants
Il s’appelle Watson. Ce “superordinateur”, mis au point par la société informatique américaine IBM, est capable de réaliser des diagnostics médicaux rapides et fiables, en particulier pour les cancers du poumon et du cerveau. Quatorze établissements médicaux américains, spécialisés dans le traitement du cancer, vont commencer à l’utiliser. Watson leur permettra d’avoir des analyses d’ADN plus rapides, et de proposer ainsi des soins plus personnalisés à leurs patients. Dans certains hôpitaux, la distribution de médicaments ou de repas commence elle aussi à être automatisée. Le robot Tug d’Aethon réalise déjà ce travail dans 140 hôpitaux aux États-Unis. Au Japon, des robots de la société Tmsuk “travaillent” dans des hôpitaux depuis 2006.
Journalistes
Certains logiciels, comme Quill, commencent à remplacer des journalistes financiers et sportifs. Quill, par exemple, est capable de rédiger des contenus simples et factuels, sans l’intervention d’un journaliste. L’agence de presse américaine Associated Press applique cette automatisation depuis déjà un an. Chaque trimestre, des “robots” écrivent pas moins de 3 000 articles recensant les résultats financiers d’entreprises américaines. Principal avantage de cette technique : le robot-journaliste ne commet pas − en principe − d’erreur. Ce recours à l’écriture automatique s’est également développé en France, notamment lors des dernières élections départementales et municipales. Les journalistes du Monde.fr ont été aidés d’un logiciel de la société Syllabs pour présenter les résultats des élections départementales de mars. À Francetvinfo, lors des élections municipales de 2014, un “robot” répondait aux internautes qui lui demandaient les résultats de leurs communes sur Twitter.
Chefs cuisiniers
Les robots se forment aussi aux métiers de bouche. En Japon comme en Chine, vos plats peuvent désormais être cuisinés − et servis − par des machines. Les Sushibot, des robots de la société Suzumo, peuvent cuisiner jusqu’à 300 sushis par heure. Ils ont été présentés à Tokyo en 2012. Un autre robot japonais, le Motoman SDA-10, est quant à lui capable de cuisiner des okonomiyaki. Ces sortes de crêpes ou d’omelettes sont un plat typique du pays. En Chine, certains restaurants remplacent également leurs serveurs et cuisiniers par des robots. Dans un restaurant d’Harbin, au nord du pays, vingt robots cuisinent, servent et divertissent les clients. Et cette tendance n’est pas près de s’arrêter : Pangolin, une société chinoise fabriquant ce type de robots, aurait reçu des milliers de commandes.
Conseillers clientèle
L’expérience aura marqué les esprits. Le mois dernier, un robot humanoïde − répondant au nom de Aico Chihira − accueillait et informait les visiteurs à l’entrée d’un grand centre commercial de Tokyo. Dès cet été, les Japonais pourront également découvrir un hôtel où l’accueil sera entièrement géré par des robots. Les banques japonaises commencent elles aussi à utiliser des robots pour conseiller leurs clients. La banque Mizuho a choisi le robot Pepper, tandis que The Bank of Tokyo Mitsubishi a préféré le petit robot humanoïde Nao. Conçu par la société française Aldebaran, ce dernier est également testé en France, comme conseiller clientèle chez Darty.
Vendeurs téléphoniques
Ce métier est, parmi 700 autres, le plus automatisable ou informatisable d’ici vingt ans, selon les chercheurs Carl Frey et Michael Osborne. Et si, demain, le vendeur qui vous parle au téléphone était un robot ? Un journaliste américain du magazine Time a vécu cette drôle d’expérience en décembre 2013. Alors qu’une certaine “Samantha West” lui proposait un contrat d’assurance maladie au téléphone, le reporter s’est vite rendu compte qu’il s’agissait d’un robot. La “vendeuse”, répétant sans cesse les mêmes phrases, s’est fait piéger par le journaliste : elle ne savait pas répondre à la question suivante : quel légume trouve-t-on dans une soupe à la tomate ? “Elle” a pourtant continué de nier qu’elle était un robot, ne cessant de répéter “je suis une vraie personne !”.
Si la liste des professions “robotisables” s’allonge, il reste encore de nombreux métiers préservés face à l’automatisation. Des chercheurs travaillant sur le sujet s’accordent à dire que la créativité est clé : les emplois les moins répétitifs et les plus créatifs seront, d’ici dix à vingt ans, les plus protégés. Vous êtes archéologue, chorégraphe ou pédiatre ? Soyez rassuré, un robot ne vous remplacera pas de sitôt.
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