: Vidéo Patients reçus à la chaîne, examens coûteux et inutiles… "Complément d'enquête" dans un centre de santé aux pratiques discutables
Selon l’Assurance maladie, 150 contrôles de centres de santé seraient en cours mais la France en compte presque 3 000. Certains établissements passent-ils à travers les mailles du filet ?
Dès 8 heures du matin, dans ce centre de santé où une équipe de "Complément d'enquête" a filmé en caméra cachée, couloirs et salles d’attente sont bondés. C'est le cas notamment devant le cabinet de la dermatologue qui, selon leur source, recevrait un nombre de patients très élevé. La journaliste va essayer d'en savoir plus, en prétextant quelques grains de beauté à faire examiner.
Jusqu'à 90 patients par jour pour la dermatologue
Après deux heures et demie d'attente au milieu des patients sans rendez-vous, son tour arrive enfin. Il est tard, 20 heures, mais selon la dermatologue, "ça, c'est rien". Elle confie avoir l'habitude de travailler "jusqu'à minuit, 1 heure du matin" en semaine. Ce jour-là, elle aura eu 66 patients à voir, mais là non plus, "ce n'est rien : C'est à partir de 80 que c'est un peu dur". La dermatologue dit en accueillir jusqu'à 90 par jour. Apparemment, elle consulte aussi le dimanche, "qui devient chargé", selon elle.
Des généralistes qui consultent en moins de 5 minutes
Plus grave, la qualité des soins dans ce centre laisserait également à désirer. L'équipe de "Complément d'enquête" a pris trois rendez-vous avec un médecin généraliste, qui sont filmés en caméra cachée. Lors du premier, en deux minutes, le certificat médical demandé est délivré sans aucune auscultation. Pour le deuxième, la journaliste se plaint d'un mal de gorge imaginaire et se voit ordonner, en 3 minutes 30, un antibiotique. La dernière consultation testée se déroule en 4 minutes 40 exactement. Le médecin propose très vite à la fausse patiente, qui simule un état grippal, un examen de la fonction respiratoire (EFR).
Un examen onéreux "dont on ne voit pas bien l'intérêt"
Cette coûteuse investigation s'impose-t-elle en pareil cas ? "Complément d'enquête" a posé la question à Hélène Colombani, la présidente de la Fédération des centres de santé. Dans cette situation, sans recherche d'antécédents ni suspicion d'asthme, en plein épisode viral qui plus est, elle n'en "voit pas bien l'intérêt, sauf de réaliser un acte qui a une cotation intéressante".
Que pense-t-elle des images filmées dans le centre, et de ces trois consultations de moins de 5 minutes chacune ? "On voit bien que le mode de fonctionnement de ces centres n'est pas axé sur la qualité et la sécurité des patients. Il faut du temps pour voir les patients, faire un interrogatoire, faire un examen clinique… Pour moi, ça n'a de centre de santé que le nom, en fait", conclut-elle.
Interrogé en caméra discrète (la direction du centre a refusé les demandes d'interview du magazine), le directeur médical dément que des cadences soient imposées aux soignants. Pour autant, il ne nie pas que la rémunération à l'acte pratiquée par l'établissement puisse conduire certains d'entre eux à multiplier les consultations pour améliorer leur rémunération…
Extrait de "Centres de santé : profits sur ordonnance", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 14 mars 2024.
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