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Vidéo En 1996, des essais cliniques illégaux de Pfizer sur des enfants nigérians ? "Complément d'enquête" a retrouvé un témoin de l'époque

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En 1996, des essais cliniques illégaux de Pfizer sur des enfants nigérians ? "Complément d'enquête" a retrouvé un témoin de l'époque
En 1996, des essais cliniques illégaux de Pfizer sur des enfants nigérians ? "Complément d'enquête" a retrouvé un témoin de l'époque En 1996, des essais cliniques illégaux de Pfizer sur des enfants nigérians ? "Complément d'enquête" a retrouvé un témoin de l'époque (COMPLÉMENT D'ENQUÊTE/FRANCE 2)
Article rédigé par France 2
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Sous couvert d'action humanitaire, le groupe Pfizer aurait-il mené des essais cliniques sans autorisation, lors d'une épidémie de méningite qui sévissait en 1996 au nord du Nigeria ? Des familles accusent le labo d’être responsable du décès de certains enfants et de lourdes séquelles pour d’autres. "Complément d'enquête" a retrouvé un témoin de l'époque.

En 1996, le Dr Evariste Lodi a 30 ans quand Médecins sans frontières l'envoie dans le nord du Nigeria. L'épidémie de méningite qui frappe alors des dizaines de milliers d'enfants provoque un véritable chaos. Les humanitaires travaillent dans des conditions très précaires. Du jour au lendemain, des chercheurs du groupe Pfizer s'invitent à leurs côtés. "Ils étaient partout dans les tentes", se souvient Evariste Lodi, affirmant avoir été témoin de ponctions lombaires ne respectant pas les conditions techniques requises. 

Les chercheurs sont venus, avec l'aval des pouvoirs publics selon eux, tester un nouvel antibiotique. Pour ces essais cliniques, le Trovan sera administré à une centaine d'enfants.

"Pfizer a pris un vol pour Kano dans un seul but : tester le Trovan. L'objectif de cet essai clinique était de développer un médicament, que Pfizer avait l'intention de commercialiser pour faire de l'argent. Pfizer a vu une opportunité dans cette épidémie, et en a profité."

Babatunde Irukera, ancien avocat de l’Etat nigérian

à "Complément d'enquête"

Donner "à un malade en pareille situation un médicament qui n'a pas fait preuve de son efficacité, sans savoir s'il est plus efficace ou moins efficace que celui qui est en train d'être utilisé" ... le Dr Lodi juge le procédé "inacceptable". Selon le médecin, "ce n'était pas le bon moment" pour mener ce genre d'expérimentation, et "il fallait se limiter au protocole" qui était en cours. 

A la suite de ces essais, des familles nigérianes ont accusé le Trovan d'être responsable de lourdes séquelles neurologiques, et même du décès de certains enfants. Ils affirment aussi que le médicament aurait été administré à leur enfant dans leur autorisation. De son côté, la firme assure, elle, avoir obtenu un accord oral des familles…

"Ils étaient tellement animés par un seul objectif qu'ils ne se sont pas arrêtés un instant pour se dire qu'ils avaient en face d'eux des êtres humains, dans un pays souverain."

Babatunde Irukera

à "Complément d'enquête"

"Complément d'enquête" s'est procuré le rapport d'enquête des autorités nigérianes : les investigations n'auraient trouvé aucun document prouvant une quelconque approbation des familles. Selon le rapport, le laboratoire n'aurait pas non plus demandé l'autorisation aux instances nationales du Nigeria.

"Il n'y a aucune trace d'un consentement éclairé." "Il n'y a eu aucun suivi adapté." "L'entreprise n'a pas suivi les procédures nécessaires pour mener un essai clinique."

Conclusions extraites d'un rapport d'enquête des autorités nigérianes

citées dans "Complément d'enquête"

"Je n'ai jamais vu aucune autorisation, aucune lettre, aucun protocole d'essai", déclare dans "Complément d'enquête" l'avocat de l'Etat africain. Le groupe Pfizer affirme avoir obtenu les autorisations nécessaires auprès des autorités nigérianes et américaines, mais "la seule chose qu'on sait, selon l'avocat, c'est qu'il y a eu un document falsifié". La seule trace écrite d'un feu vert pour ces expérimentations émane d'un comité d'éthique local, et aurait été signée en réalité… six mois après les tests. Un document antidaté.

En 2009, pour éviter un procès, Pfizer a dû verser à l'Etat de Kano et aux familles 75 millions de dollars de compensation.

Extrait de "Pfizer : qui a peur du grand méchant labo ?", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 4 mai 2023.

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