: Vidéo Georges Guingouin, le héros communiste de la Résistance qui tenait tête aux Allemands… et au PC
Printemps 42 : la Haute-Vienne est encore en zone libre, et Georges Guingouin, la trentaine, n'est alors qu'un militant clandestin. Engagé auprès du Parti communiste depuis ses 18 ans, le "responsable de rayon" (un cadre local chargé de plusieurs cantons) a pris le maquis de son propre chef, lorsque le réseau de faux papiers qu'il avait mis en place a été découvert. Rejoint par d'autres résistants au fond des bois, il est en train de se préparer à la lutte armée dans les campagnes du Limousin... et le Parti ne l'entend pas de cette oreille.
Fin avril, un haut responsable lui donne rendez-vous pour le recadrer. Désormais, c'est dans les villes, sous le contrôle de sa hiérarchie, que Guingouin devra continuer son action. Le maquisard refuse. Furieux, son supérieur lui retire ses fonctions de chef du maquis.
Pour avoir défié l'autorité du Parti, Guingouin devient, aux yeux de certains de ses camarades, un dissident – voire un ennemi à éliminer. Le PC est-il allé jusqu'à envoyer un tueur pour se débarrasser du récalcitrant "préfet du maquis", comme Georges Guingouin en est persuadé après une tentative d'assassinat, déjouée par sa garde rapprochée, en 1943 ? L'éviction politique, elle, aura bel et bien lieu.
Un portrait au vitriol dressé par sa hiérarchie
Même rétabli dans ses fonctions communistes à la Libération, même après son accession à la mairie de Limoges, la ville qu'il a libérée pacifiquement, l'électron libre n'aura droit qu'à la méfiance de sa hiérarchie. Dans une note confidentielle rédigée juste après la guerre, elle recommande une "grande vigilance" envers "un camarade indiscipliné" qui "place souvent sa personne au-dessus du Parti".
Exclu du PC après une campagne de calomnie
En 1952, lorsque Guingouin prend publiquement la défense de Charles Tillon (l'illustre résistant qui commandait pendant la guerre les FTP, Francs-tireurs et partisans, est accusé de trahison dans un dossier monté de toutes pièces), c'est la rébellion de trop. Dirigé par Maurice Thorez, qui veut tourner la page de la Résistance, le PC est à l'apogée de sa stalinisation. Le comité central riposte par voie de presse : le 1er novembre 1952, dans L'Humanité, un article non signé accuse Georges Guingouin d'avoir détourné des sommes mirobolantes.
Un procédé classique de l'époque envers les anciens chefs de la Résistance, rappelle Maud Vergnol, codirectrice actuelle de la rédaction du quotidien. L'objectif : "traîner dans la boue Georges Guingouin et le discréditer pour, au final, argumenter sur sa prochaine exclusion".
La descente aux enfers
Exclu du PC en novembre 1952, lâché par son camp politique, Guingouin entame une descente aux enfers. Un an plus tard, alors qu'il a repris sa vie d'instituteur, il est accusé de complicité d'assassinat (il sera innocenté après cinq ans de bataille judiciaire). Traité en héros à la Libération, le grand résistant devient la cible de toutes les attaques.
"Son action dans la Résistance était assimilée à du brigandage, à l'épuration sauvage… Guingouin a servi de bouc émissaire pour tout ce qui s'est passé à l'époque", explique le réalisateur Michel Taubmann, auteur d'un documentaire et d'un livre-enquête sur l'affaire Guingouin. Pendant des années, les cérémonies de la Libération de la Ville de Limoges se sont déroulées en son absence, sans même que le nom de Georges Guingouin soit cité.
Une réparation tardive
La réparation viendra très tardivement, quatre décennies plus tard. En 1998, alors que le Parti juge le moment venu de faire l'inventaire du passé, le secrétaire général Robert Hue envoie à un ancien camarade une lettre d'excuses publiques, dont il lit quelques lignes dans cet extrait d'"Affaires sensibles". Mais le Limousin a la tête dure… et la lettre de Robert Hue restera sans réponse. Le "préfet du maquis" s'est éteint en 2005 à 92 ans, mais sa mémoire est désormais bien vivante, et célébrée chaque année sur le mont Gargan...
Extrait de "L'affaire Guingouin : l'honneur bafoué d'un résistant", diffusé le 19 mai 2024 dans "Affaires sensibles", une coproduction France Télévisions, France Inter et l’INA, adaptée d’une émission de France Inter.
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