: Vidéo "Affaires sensibles". "Cent mesures pour les femmes", adoptées en 1976... et pour certaines toujours pas appliquées
En juin 1975, lorsque se termine la conférence mondiale de Mexico consacrée au statut des femmes, l'Année internationale de la femme est déjà à moitié écoulée. Françoise Giroud, qui est chargée de son organisation en France, comptait s'appuyer sur des accords internationaux pour engager à son retour une série de réformes. Mais la division entre les pays du Sud et ceux du Nord a fait échouer ce projet... Pour relancer, en France, une Année de la femme pas toujours bien accueillie, la secrétaire d'Etat à la Condition féminine va concocter "Cent mesures pour les femmes" qui seront présentées en Conseil des ministres.
Ces mesures, qu'elle décrit comme "une tentative d'éliminer toutes les discriminations qui existent entre les femmes et les hommes", elle les veut pratiques, pragmatiques, éloignées des querelles idéologiques qui ont, selon elle, miné le sommet de Mexico. "Elle prend le parcours d'une femme depuis la naissance jusqu'à la vieillesse, et à chaque âge de la vie, elle propose un certain nombre de mesures", explique Sandrine Dauphin, politologue au CNRS.
"Ça paraît des petites choses maintenant, mais à l'époque, c'était une révolution mentale pour tout le monde que de se dire qu'il faut se préoccuper du statut en particulier des femmes."
Sylvie Pierre-Brossolette, conseillère de Françoise Giroud au secrétariat d'Etatdans "Affaires sensibles"
Nombre d'entre elles concernent ce que l'on appellerait aujourd'hui la "conciliation vie professionnelle et vie familiale", comme l'instauration de cantines dans les écoles maternelles. Beaucoup se rapportent au statut fiscal ou matériel : "Pouvoir demander des prêts, avoir accès aux allocations familiales sans l'accord de son mari, cosigner la feuille d'impôt... Personne n'y avait pensé, souligne Sylvie Pierre-Brossolette. L'homme était seul à signer la feuille d'impôt du foyer…"
L'adoption de ces mesures ne sera pas une mince affaire dans un Conseil des ministres très majoritairement masculin... où règne ce qu'elle appelle "l'esprit Pasqua. Charles Pasqua, il disait 'Les femmes, c'est fait pour être debout aux repas et servir les hommes… derrière les hommes.' C'était inimaginable, ce qu'on pouvait entendre à l'époque." Mais le programme défendu par Françoise Giroud se heurte aussi aux critiques des féministes, qui le jugent bien trop timide.
"Les réformettes, ça n'allait pas changer grand-chose, parce que c'était une façon d'améliorer l'oppression des femmes. On construit un peu un petit nid douillet à quelque chose qu'il faut complètement changer..."
Marie-Jo Bonnet, historienne et militante du MLFdans "Affaires sensibles"
Les "Cent mesures pour les femmes" seront finalement adoptées l'année suivante, en 1976. Près de cinquante ans plus tard, certaines ne sont toujours pas appliquées... "L'égalité salariale, en particulier, reste un sujet qui est posé mais n'est pas réglé", rappelle la journaliste Arlette Chabot. Quant au service public pour la petite enfance prévu pour décharger partiellement les mères de famille de la garde des jeunes enfants, il n'est toujours pas assuré… "Donc ce sont d'énormes problèmes de société, soulevés par Françoise Giroud, qui n'ont pas encore été réglés. Mais elle avait mis le doigt dessus", conclut Sylvie Pierre-Brossolette.
Extrait de " 1975, l'année de la femme", un document à voir le 22 octobre 2023 dans "Affaires sensibles", une coproduction France Télévisions, France TV presse, France Inter et l’INA, adaptée d’une émission de France Inter.
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