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Christiane Taubira "envisage" de se présenter : "C'est le symptôme d'une gauche qui n'arrive pas à tirer son épingle du jeu", selon un politologue

Le chercheur Bruno Cautrès estime sur franceinfo que "le problème pour le moment, c'est que le mode opératoire de cette union à gauche ne fait pas consensus".

Article rédigé par franceinfo
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Christiane Taubira en 2017, lors de la candidature de Benoît Hamon à l'élection présidentielle. (SERGE TENANI / HANS LUCAS)

Le fait que Christiane Taubira "envisage" de se présenter à la présidentielle "est au fond le symptôme d'une gauche qui n'arrive pas à tirer son épingle du jeu", analyse le politologue et chercheur CNRS au Centre d'études de la vie politique française (Cevipof) Bruno Cautrès ce samedi sur franceinfo, au lendemain de la déclaration de l'ancienne garde des Sceaux. Malgré l'appel de Christiane Taubira à s'unir derrière elle, le politologue estime que l'union de la gauche "semble très mal partie".

franceinfo :  Que pensez-vous de cette déclaration d'intentions de Christiane Taubira ?

Bruno Cautrès : Je me suis dit que tout semblait se compliquer de plus en plus à gauche et que chaque semaine, peut-être chaque jour qui passait, une situation assez confuse commençait à s'installer. C'est au fond le symptôme d'une gauche qui, dans cette élection présidentielle, pour le moment, n'arrive pas à tirer son épingle du jeu, n'arrive pas à imposer son agenda, n'arrive pas à imposer véritablement ses thèmes, ce qui est d'ailleurs tout à fait curieux parce qu'un certain nombre de thèmes dont sont porteurs les candidats de la gauche sont de vrais sujets de préoccupation pour les Français. Il y a un curieux écart entre ces sujets qui sont très importants aux yeux des Français et une situation politique complètement chaotique.

Finalement, selon vous, ce qui ressort de cette déclaration n'est pas l'union mais encore plus de fragmentation ?

Au bout de cette complication, il y a peut-être quelque chose qui va sortir, mais le problème pour le moment, c'est que le mode opératoire de cette union à gauche ne fait pas consensus. Il y a des projets unitaires chez tout le monde, mais ces projets unitaires, paradoxalement, sont très divergents. On peut avoir soit un projet unitaire autour de la primaire populaire, soit autour d'une plateforme commune débouchant sur une candidature commune, où sous forme de désistement, mais on voit qu'il n'y a pas vraiment d'accord sur le mode opératoire pour aboutir à davantage d'unité de candidatures à gauche.

Pensez-vous que les autres candidats de gauche à la présidentielle vont s'unir derrière elle ?

Ça semble très mal parti parce qu'au vu des intentions de vote, personne n'incarne vraiment le leadership électoral à gauche en ce moment. Cela va de candidats qui obtiennent autour de 4-5% des intentions de vote à des candidats qui sont autour de 8-9%, donc on se bat un peu dans un mouchoir de poche. Et puis personne n'incarne non plus le leadership politique. Les thèmes autour desquels tournent les candidats, le renouveau démocratique par le bas, la justice sociale, l'écologie, etc., sont au fond revendiqués par l'ensemble des candidats même si les modalités pour atteindre la justice sociale ou l'écologie ne sont pas les mêmes. Les grandes thématiques sont souvent assez communes donc il est très difficile pour les électeurs de différencier les candidats.

Alors pourquoi Christiane Taubira pense-t-elle que les autres pourraient s'unir derrière elle ?

Il ne faut pas exclure, chez les politiques, qu'il y ait beaucoup de convictions. Christiane Taubira a sans doute la conviction que la gauche et les électeurs de gauche ont besoin d'un message qui leur dise de sortir des ornières. Elle a peut-être aussi la conviction qu'elle est, par son positionnement et par ce qu'elle représente à gauche, une personnalité qui peut amener différents candidats à se ranger derrière elle. C'est vrai que Christiane Taubira, pour beaucoup d'électeurs de gauche, est une figure emblématique, une icône, qui incarne la sincérité de l'engagement, les convictions. Elle a participé au gouvernement sous François Hollande mais en est sortie à un moment. C'est une personnalité politique qui représente un capital important à gauche, en tout cas auprès d'une certaine gauche. Elle a une forme de capital vraiment symbolique assez important, donc c'est sans doute ça qui la pousse à faire sa déclaration.

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