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"Qu'il(s) retourne(nt) en Afrique" : que s'est-il vraiment dit lors des échanges à l'Assemblée impliquant le député RN Grégoire de Fournas ?

L'élu d'extrême droite est convoqué au Palais-Bourbon, vendredi après-midi, après ses propos racistes proférés lors d'une intervention sur les migrants en Méditerranée.

Article rédigé par franceinfo
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La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, préside une séance parlementaire, le 3 novembre 2022, au palais Bourbon, à Paris. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

C'est une petite phrase, à peine audible des téléspectateurs, qui a sidéré l'Assemblée nationale. Le député RN Grégoire de Fournas a provoqué une suspension de séance, jeudi 3 novembre, en interrompant une question de l'élu LFI noir Carlos Martens Bilongo sur le sort de centaines de migrants bloqués en mer après avoir été secourus en Méditerranée. "Qu'il retourne en Afrique", a lancé le député de la Gironde, selon le compte-rendu officiel de séance publié sur le site de l'Assemblée nationale. Cette phrase pourrait aussi bien avoir été formulée au pluriel puisque l'oralité ne précise rien : "Qu'ils retournent en Afrique."

Qui Grégoire de Fournas visait-il ainsi ? "Ma réponse concernait le bateau et les migrants, évidemment pas mon collègue", a-t-il assuré sur Twitter, dans la soirée, soutenant avoir parlé au pluriel. Dans une précédente version, il avait expliqué avoir dit : "Qu'il retourne en Afrique", en référence au "bateau de SOS Méditerranée". Carlos Martens Bilongo l'accuse, lui, d'avoir utilisé l'expression : "Retourne en Afrique".

Le député du Rassemblement national est sommé de s'expliquer, vendredi, à 14h30, devant le bureau de l'Assemblée nationale. Les 22 élus membres de cette instance, dont deux députés RN, Sébastien Chenu et Hélène Laporte, doivent ensuite décider d'une éventuelle sanction à son encontre. La séquence au cœur de la controverse sera longuement disséquée, d'où l'intérêt de la retranscrire la plus précisément possible. Franceinfo vous en propose un verbatim, en grande partie rédigé à partir du compte-rendu officiel.

Carlos Martens Bilongo : Deux-cent-trente-quatre rescapés secourus par l'Ocean Viking sont bloqués sur le pont du bateau depuis onze jours. Depuis onze jours, ils attendent de pouvoir débarquer dans un port sûr. A cela s'ajoutent 79 personnes secourues à bord du Humanity 1 de l'ONG allemande [SOS Humanity], 572 personnes secourues à bord du Geo Barents de l'ONG Médecins sans frontières, soit un total de 952 personnes rescapées.

Grégoire de Fournas : Ce sont des passeurs !

Carlos Martens Bilongo : J'aimerais dire à la collègue du Rassemblement national qui, du haut du perchoir de l'Assemblée nationale, croit pouvoir organiser les opérations de sauvetage en Méditerranée, avec la plus grande désinvolture et sans autre mérite que d'être née dans un pays en paix : je vous le dis, ne vous en déplaise, leurs vies comptent ! (Applaudissements sur les bancs des députés LFI et communistes. Sandrine Rousseau applaudit également.)

L'Ocean Viking a adressé aujourd'hui sa septième demande d'assistance aux autorités maritimes italiennes. Malte, tout aussi proche, n'a tout simplement pas répondu aux trois demandes qui lui ont été adressées. Ce blocage de personnes est une violation grave du droit de la mer, et l'évaluation du statut et de la nationalité des personnes secourues ne doit pas retarder dûment le débarquement des survivants. (Mêmes applaudissements.)

Je ne peux que partager l'inquiétude de ces migrants, à l'heure où la nouvelle Première ministre italienne s'est engagée à bloquer l'arrivée des immigrants en provenance d'Afrique. Quelle sera donc l'action du gouvernement français sur ce sujet ? Quelle forme prendra la coopération avec l'Italie ? Allez-vous vous saisir de la question de la répartition des migrants avec les autres pays européens, comme Malte, qui ne répond plus aux demandes de coordination de sauvetage ? Les personnes secourues se trouvent dans une situation d'urgence absolue. Les prévisions météo indiquent une détérioration significative du climat...

Grégoire de Fournas : Qu'il(s) retourne(nt) en Afrique !

Carlos Martens Bilongo : (Il marque une pause et lève les yeux vers le perchoir.) Pas du tout !

(Vives exclamations sur les bancs de la Nupes, puis sur les bancs de la majorité.)

Erwan Balanant (MoDem) : Madame la présidente, c'est un scandale !

Sophia Chikirou (LFI) : C'est du racisme !

Yaël Braun-Pivet (présidente de l'Assemblée nationale) : Quel est le député qui vient de prononcer cette phrase ? (L'élue de la majorité scrute les bancs du groupe RN.)

Davy Rimane (groupe communiste) : Raciste !

Erwan Balanant : Dehors !

Constance Le Grip et plusieurs députés Renaissance : Dehors !

Laure Lavalette et Caroline Parmentier (RN) : Il parlait du bateau !

Stéphane Peu (PCF) : Le racisme est un délit pénal !

(Les députés de la Nupes se lèvent et scandent : "Dehors !")

Yaël Braun-Pivet : Je fais une suspension de séance de cinq minutes.


"Qu'il(s) retourne(nt) en Afrique" : franceinfo a choisi de conserver les parenthèses pour rapporter les propos tenus par le député RN Grégoire de Fournas, jeudi 3 novembre, à l'Assemblée nationale, que ce soit dans nos titres, dans nos articles ou dans notre live. En effet, cette phrase, exprimée à l'oral, pourrait aussi bien avoir été prononcée au singulier ("Qu'il retourne en Afrique") ou au pluriel ("Qu'ils retournent en Afrique").

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