"On ne comprend pas trop le projet politique" : la recherche d'un nouveau Premier ministre fascine les observateurs en Allemagne
Les jours passent et se ressemblent. Aucun nouveau Premier ministre n'a été nommé, et les rumeurs continuent d'évoquer une annonce imminente. Après 51 jours d'attente, Emmanuel Macron continue de "réfléchir" face à cette situation d'absence de majorité au sein de la classe politique. Et même pour des pays habitués aux gouvernements de coalition et de cohabitation, comme l'Allemagne, ce moment politique laisse perplexe, comme l'explique Brigitte Holzer, correspondante à Paris pour une dizaine de quotidiens régionaux allemands.
franceinfo : Comment observez-vous cette situation, en Allemagne ?
Brigitte Holzer : En Allemagne, on connaît maintenant Emmanuel Macron, on sait que c'est un président qui veut vraiment rester au centre du jeu. Vu d'Allemagne, ce n'est pas inhabituel que la formation d'un nouveau gouvernement prenne du temps. On a vu ça chez nous à plusieurs reprises. Mais en Allemagne, les partis se parlent entre eux, il y a des tractations, il y a des négociations très concrètes. Alors qu'en France, on voit un président qui essaye de tirer des ficelles pour trouver une majorité à lui, mais on ne comprend pas trop le projet politique derrière tout ça.
Comment analysez-vous cette paralysie politique ? Un problème de culture politique, faute de culture du compromis et de la coalition, ou un problème de personnalité, avec une paralysie qui serait le seul fait du chef de l'État ?
Un peu des deux. Il n'y a pas encore une grande habitude à travailler ensemble dans des coalitions. Les systèmes sont profondément différents. En Allemagne, les partis sont amenés à travailler ensemble, sinon il n'y a pas de majorité. En France, pendant très longtemps, il y avait le parti, souvent le parti présidentiel, qui avait la majorité, souvent absolue. C'était très simple pour le président de gouverner avec son Parlement à lui. Aujourd'hui, ça a changé et ça risque de changer pour longtemps, parce que les partis peuvent difficilement avoir une telle majorité aujourd'hui. Cette situation est assez récente et on est à même pas trois ans de nouvelles élections présidentielles, et ça joue aussi un rôle important.
"Ils vont être forcés de travailler ensemble, d'aller un peu au-delà de leurs propres barrières. C'est une culture qui s'apprend."
Brigitte Holzer, correspondante à Parisà franceinfo
Mais pour revenir à l'Allemagne, on voit aussi qu'être dans une coalition à plusieurs est compliqué. Ce n'est pas forcément quelque chose dont les électeurs vous remercient, parce qu'il faut effectivement des compromis qui sont difficiles à avaler, parfois au niveau européen.
Est-ce que ça remet en question, en Allemagne, parfois, les coalitions ou le compromis ?
Oui, effectivement, en ce moment, la coalition actuelle, entre les sociaux-démocrates, les Verts et les libéraux, est vraiment remise en question. On vient de passer deux élections régionales dans les Länder allemands, où les partis de cette coalition ont connu des revers importants et c'est forcément lié. Pour les partis, c'est un certain risque de gouverner. L'alternative, c'est de rester dans une opposition et de pas gouverner du tout. Mais ce qui est important, c'est de bien expliquer aux électeurs les choix qui sont pris. Et ce n'est pas toujours le cas. Parce que comme en France, en Allemagne, c'est la politique politicienne parfois. Les partis qui sont amenés à être partenaires sont parfois des ennemis et mettent sur le devant de la scène leurs disputes.
La place de l'extrême droite en France vous interpelle, alors qu'en Allemagne, elle vient de faire une percée ?
Oui, l'AfD est arrivé en tête dans un des Länder, et deuxième dans un autre. C'est compliqué de trouver et de maintenir une coalition qui peut fonctionner parce que l'AfD est un parti extrême, observé par les autorités. C'est difficile pour ce parti de trouver des partenaires. Normalement, ça ne sera pas l'AfD qui va gouverner, mais effectivement, il pèse énormément sur les autres partis et sur leurs négociations.
C'est l'étonnement qui prévaut chez vous et chez les observateurs de la chose politique en France ?
Oui, déjà, on n'a pas compris les raisons de la dissolution, même si on a essayé d'expliquer avec les arguments de l'Élysée. On n'a vraiment pas compris pourquoi à ce moment-là, pourquoi un pays comme la France, qui est vu comme un pays très stable, qui a depuis des années des gouvernements stables, se met dans cette situation-là et dans ce blocage-là. Et on est un peu dans la même attente, même si les yeux restent très rivés sur le président Macron parce qu'il prend beaucoup de décisions, notamment au niveau international, européen. Mais bien sûr, on se demande avec quel gouvernement on va travailler dans le futur.
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