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A la Bastille, "c'est la vraie gauche qui défile"

Syndicalistes, communistes, socialistes déçus, ils étaient entre 30 000, selon la police, et 180 000, selon les organisateurs, à manifester dimanche à Paris "contre l'austérité, contre la finance et pour une VIe République".

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Entre 30 000, selon la police, et 180 000 personnes, selon les organisateurs, ont participé à la marche citoyenne "contre l'austérité, contre la finance et pour une VIe République", dimanche 5 mai 2013 à Paris. (PIERRE ANDRIEU / AFP)

Ils sont des milliers, les poils dressés vers le ciel bleu. Les balais, brandis dimanche 5 mai par les partisans de Jean-Luc Mélenchon, donnent à la place de la Bastille un air de cour de récréation pour techniciens de surface. Selon les organisateurs, les adeptes du coup de balai voulu par le leader du Front de gauche étaient 180 000, 30 000 selon la police. Au-delà de la guerre des chiffres, la mobilisation est, d'après des manifestants interrogés par francetv info, une réussite.

"Il y a un an, on dansait ici... C'est pas la même musique qu'on va chanter à Hollande aujourd'hui !" André, sexagénaire qui se présente comme un "déçu du socialisme", rappelle l'anniversaire-pied-de-nez que souhaite le Front de gauche à François Hollande, un an pile après sa victoire à la présidentielle. Dans la foule, peu ou pas de têtes connues. Les personnalités sont à la tribune et s'en prennent tour à tour au gouvernement. Pierre Laurent, patron du PCF, Eva Joly, ex-candidate Europe Ecologie-Les Verts venue sans l'assentiment du parti. Et le grand organisateur évidemment, Jean-Luc Melenchon, qui vise le président socialiste : "La période d'essai est terminée !"

Mélenchon : "La période d'essai est terminée"

Une fois les discours achevés, les milliers de drapeaux rouges font volte-face : direction la place de la Nation. Derrière le tribun Mélenchon, qui a pris place en tête de ce cortège très rouge, l'ambiance souriante et décontractée tranche avec la colère des pancartes brandies. "Attention à la serpillière, c'est dangereux !" plaisante Christelle, quadragénaire venue de Toulouse avec ses deux enfants. Au bout du manche qu'elle tend, un carton où un slogan ironise sur la "caricature que les médias ont fait" du coup de balai voulu par Mélenchon. "Pourtant, c'est une belle image", sourit Christelle. Elle clame surtout que "c'est la vraie gauche qui défile ici". Mais contre les socialistes "solfériniens", encore une expression de Jean-Luc Mélenchon, elle tempère sa colère : "Hollande, c'est quand même pas Hitler."

Christelle, militante venue de Toulouse, a rejoint les partisans du "coup de balai", ou à défaut de serpillère, voulu par Jean-Luc Mélenchon, lors de la marche citoyenne organisée à Paris le 5 mai 2013. (CHRISTOPHE RAUZY / FTVI)
 Jacqueline, 90 ans, se définit comme "une vieille communiste et veuve de résistant". Insistant sur le fait qu'il se tient quelques semaines après l'anniversaire de la fin de la bataille de Stalingrad, elle dit "se reconnaître dans ce rassemblement" de la Bastille. "C'est avec nos voix aussi que Hollande a été élu, il doit s'en souvenir", prévient la retraitée, les yeux grands ouverts et l'index menaçant. "Aujourd'hui, il n'est pas assez énergique face à la finance qui bouffe sur le dos des travailleurs."

"Hollande est sur la même ligne que Sarkozy"

Jean-Michel, lui, vise aussi bien la gauche que la droite. Au bout du balai du cinquantenaire trône une pancarte où sont regroupés Jérôme Cahuzac, le socialiste déchu, Eric Woerth, le ministre UMP et Philippe Péninque, l'ancien conseiller de Marine Le Pen qui a ouvert le compte suisse de Cahuzac. "L'argent pourrit tout", estime le mécanicien aéronautique venu de l'Essonne. "Du balai pour ceux qui ne privilégient que leurs intérêts, et ils sont nombreux au pouvoir aujourd'hui, clame-t-il. Hollande, on l'a laissé faire pendant un an. Maintenant, on voit bien qu'il est sur la même ligne que Sarkozy."

La pancarte de Jean-Michel, manifestant lors de la marche citoyenne du Front e gauche, le 5 mai 2013 à Paris. "Du balai pour ceux qui privilégient la Le mécanicien de l'Essonne  (CHRISTOPHE RAUZY / FTVI)

Les mots sont aussi "crus et drus" que ceux de Jean-Luc Mélenchon. Ce qui ne ravit pas toujours Baptiste, jeune ingénieur de 23 ans, venu de Vendée avec sa copine spécialement pour la manifestation. "Mélenchon, dans sa méthode, va parfois trop loin. On est là pour que le gouvernement change de politique, mais avec des mots qui divisent, on risque de perdre du pouvoir de mobilisation."

Ce dimanche en revanche, la marche citoyenne est une réussite selon le jeune homme : "J'étais là lors du rassemblement du Front de gauche en mars 2012. Aujourd'hui, on est encore plus nombreux, et surtout il y a beaucoup plus de jeunes. Je sens que les prochaines manifs seront bien fournies. En tout cas, moi j'y serai."

Et pour les balayeurs du jour, le meilleur moyen de changer les choses et de faire fléchir le gouvernement, c'est bien d'être dans la rue. Face à une mobilisation qui fait craindre à certains un déchirement de la gauche, Jean-Michel, le mécanicien, se fait philosophe pour justifier son combat du jour : "Si tu te bats, tu risques de perdre ; mais si tu ne te bats pas, tu as déjà perdu."

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