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Slogans, nationalisme et parachutage : Philippe Olivier, le beau-frère mégrétiste de Marine Le Pen de retour dans la lumière

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9 min
Le frontiste Philippe Olivier, le 4 février 2017, lors d'une convention du FN à Lyon. (STR / AFP)

En rupture avec le FN avant de devenir conseiller de l'ombre de Marine de Le Pen, l'époux de l'aînée des filles Le Pen occupe un poste stratégique dans la campagne présidentielle. Et briguera un siège de député au mois de juin. Retour sur un parcours sinueux.

Voilà près de vingt ans que son nom n'était plus apparu dans un organigramme officiel du Front national. Philippe Olivier, partisan de Bruno Mégret lors de la scission du parti en 1998, revient jouer les premiers rôles auprès de Marine Le Pen. La présidente du FN a fait de lui, en novembre, l'un des 35 conseillers stratégiques chargés de l'épauler durant la campagne présidentielle. Coanimateur d'une cellule baptisée "idées-image", il est aussi missionné pour proposer axes de campagne, choix stratégiques et opérations de communication.

Inconnu du grand public, Philippe Olivier, 55 ans, partage une longue et tumultueuse histoire avec le clan Le Pen. D'abord parce qu'il a épousé, en secondes noces, Marie-Caroline, la sœur aînée de Marine, dans les années 1990. Ensuite parce qu'il s'est brouillé définitivement avec son beau-père, Jean-Marie Le Pen, quand le couple a accompagné le "félon" Bruno Mégret. "J'ai l’habitude des trahisons familiales, avait réagi le patriarche à l'époque. C'est un peu la loi naturelle, qui porte les filles plutôt vers leur mari ou leur amant que vers leur père."

Philippe Olivier (à droite sur la photo) au côté de Bruno Mégret et Bruno Gollnisch lors d'une conférence de presse à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), le 7 janvier 1998. (LUDOVIC / REA)

A l'époque, la scission est brutale. Dans un ouvrage paru en 2011, les journalistes Renaud Dély et Henri Vernet racontent comment, en janvier 1999, Philippe Olivier a failli en venir aux mains avec son beau-frère Samuel Maréchal, mari de Yann Le Pen – la cadette des trois sœurs Le Pen, avec Marine et Marie-Caroline. "Philippe Olivier s'est retrouvé nez à nez dans le hall du conseil régional d'Île-de-France avec Samuel Maréchal, le gendre resté fidèle à [Jean-Marie] Le Pen. Bousculade, injures, crachats, ça se passe comme ça les désaccords en Lepénie ! Sidérés, les huissiers du conseil régional ont dû s'interposer pour séparer les deux belligérants, Philippe Olivier s'engouffrant dans sa voiture pour couper court à l'altercation." 

A l'origine des slogans "bleu Marine" et "UMPS"

En rupture avec le FN, ce fervent militant nationaliste reprend du service en 2006, comme conseiller officieux auprès de Marine Le Pen, alors en pleine implantation électorale à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). Depuis, Philippe Olivier ne se trouve jamais bien loin – mais pas publiquement – dans l'entourage de la benjamine des Le Pen, qu'il considère comme la seule capable de faire triompher "les idées nationales".

Son influence sur les orientations prises par le FN, et son activisme pro-Marine Le Pen sont loin d'être négligeables. Son frère jumeau, Jacques, avec qui il a longtemps milité, raconte à franceinfo : "En 2008, avec Philippe, nous avions déposé les statuts d'une association, qui était d'ailleurs domiciliée chez moi. Elle s'appelait Existence bleu Marine." Son objet : la "défense de l'identité et de la nation française ainsi que le soutien à la candidature nationale à l'élection présidentielle de 2012".

La structure n'a jamais fonctionné, mais l'idée et le nom sont repris, quelques années plus tard, dans le slogan "la vague bleu Marine", puis dans la création, en 2012, du mouvement Rassemblement bleu Marine (RBM), censé fédérer autour du FN les différentes familles de la droite nationaliste. La stratégie défendue depuis des années par Philippe Olivier se trouve validée. Malgré l'échec relatif du RBM, il rêve toujours de voir Marine Le Pen prendre la tête d'une "droite bonapartiste et populaire", en opposition à la "droite orléaniste de Fillon".

"Philippe Olivier a le sens des formules", soulignent les journalistes Elisabeth Chavelet et Mariana Grépinet, dans Elysée 2012 : Les hommes de l'ombre, paru en 2012. Le fameux slogan "UMPS", tant utilisé au Front national pour dénoncer la prétendue proximité idéologique entre la droite et la gauche de gouvernement, viendrait de lui. "Il est très bon, il sent les choses", glisse l'un des proches conseillers de Marine Le Pen, Bruno Bilde, cité dans cet ouvrage.

"Un pur produit de l'extrême droite nationaliste"

Aujourd'hui, Philippe Olivier assure être complètement en accord avec les orientations définies par Marine Le Pen. Derrière lui, il traîne pourtant une pensée autrement plus radicale que la ligne officielle du parti. Se définissant comme "un patriote, un jacobin républicain, et pas un idéologue", il est "un pur produit de l'extrême droite nationaliste", décrit un membre du FN, interrogé par franceinfo.

En novembre 2010, c'est ainsi Philippe Olivier qui propose au leader du Bloc identitaire, l'ancien skinhead Fabrice Robert, de rejoindre le Front national. "Tu as toute ta place au FN !", lui aussure-t-il, tout en lui proposant de "rejoindre l'équipe qui travaille avec Marine Le Pen", selon les journalistes David Doucet et Dominique Albertini dans Histoire du Front national (éd. Tallandier, 2013). Fabrice Robert décline, redoutant "une dissolution du Bloc identitaire"

Entre 2007 et 2010, pendant qu'il conseille discrètement Marine Le Pen, Philippe Olivier publie sur le site d'extrême droite Altermedia ses analyses, sous le pseudonyme Olivier Carer. Voici un extrait, publié en mai 2009, dans lequel il semble adhérer aux thèses suprémacistes : "Le génie français n'a pas attendu ni l'oncle Tom ni l’oncle Sam pour s'exprimer, le plafond de la chapelle Sixtine ne se compare pas à des bricolages en bois d’art primitif ; le tchador, s'il est compréhensible en terre d'islam, n'a pas sa place en Europe ; le modèle de la virilité ne s'incarne pas dans l'imbécilité bestiale des racailles de banlieue."

Dans le même article, il estime que les Européens "sont les descendants d’une civilisation autrement plus brillante et les porteurs de valeurs largement supérieures" à celles des "peuples cousins du Moyen-Orient". "De tels propos, s'ils étaient tenus aujourd'hui par un membre de l'équipe de campagne de Marine Le Pen, provoqueraient un tollé", juge un bon connaisseur de l'extrême droite.

Un échec cuisant face à Georges Tron

Pas de quoi émouvoir au FN, où l'on refuse de s'épancher "sur le passé des uns et des autres", alors que "l'important, c'est l'avenir". Il faut dire que ces propos ont eu le temps de tomber aux oubliettes car, depuis, les aventures politiques de Philippe Olivier ont connu quelques rebondissements médiatisés.

Déçu par la Marine Le Pen de 2011 – pas suffisamment émancipée de son père à son goût –, Philippe Olivier se plonge dans la politique locale, chez lui, à Draveil (Essonne), d'abord aux législatives de 2012, mais surtout aux municipales de 2014, à la tête d'une liste "sans étiquette" dont l'objectif est de déloger le maire UMP, Georges Tron. La campagne se déroule dans un climat exécrable entre ces deux hommes qui se haïssent. L'ancien secrétaire d'Etat accuse Philippe Olivier d'avoir ourdi un complot lui valant d'être poursuivi pour viols sur deux employées municipales.

Le beau-frère de Marine Le Pen, Philippe Olivier, lors d'une manifestation en 2011 à Draveil (Essonne). (PIERRE VERDY / AFP)

Pour Philippe Olivier, la tentative de conquête de la mairie de Draveil se solde par un échec cuisant : sa liste ne termine que troisième, avec moins de 13%, loin des 57% de Georges Tron, réélu dans un fauteuil. "Philippe Olivier représente tout ce qu'il y a de pire en politique. C'est un lâche, adepte des coups en douce et des basses manœuvres, grince aujourd'hui encore Georges Tron, qui comparaîtra devant les assises à la fin 2017. Après avoir juré qu'il était apolitique et n'avait aucun lien avec les Le Pen, la vérité éclate au grand jour."

Une "force de propositions" pour la campagne de Marine Le Pen 

Après une courte escapade (le temps d'une campagne départementale en 2015) du côté de Debout la France, le parti souverainiste de Nicolas Dupont-Aignan, Philippe Olivier est donc de retour dans les hautes sphères du FN. Un parti auquel il a adhéré pour la première fois en 1979, et où il compte aujourd'hui apporter sa contribution à "la rénovation du Front national". Son credo : défendre une idéologie radicale, au sein d'un parti professionnalisé.

Avec Mégret en 1998, on a échoué. En 2011, l'influence de Jean-Marie Le Pen était encore trop importante. Mais maintenant, on peut y arriver.

Philippe Olivier

à franceinfo

A la tête de la cellule "idées-image" pour 2017, il est chargé de plancher sur tous les aspects de la campagne. "Cette cellule sert à réfléchir sur tout. Elle est complètement libre et elle peut travailler sur les affiches, les tracts, les meetings et la lumière, les déplacements, tout, détaillait Marine Le Pen, en octobre, au FigaroL'intérêt de cette cellule, c'est que ceux qui la composent ont des profils très différents. Ils ont en commun d'avoir un sens de la communication et d'être imaginatifs."

En effet : la structure d'une dizaine de personnes, où l'on retrouve aussi bien des étudiants de Sciences Po que l'identitaire niçois Philippe Vardon, est codirigée par Sébastien Chenu, un transfuge de l'ex-UMP, et fondateur en 2001 de l'association Gaylib, le "cercle de réflexion" LGBT de la droite.

Avec Philippe, nous sommes très complémentaires. D'ailleurs, il nous arrive d'être à fronts renversés : je suis parfois plus dur que lui sur certains sujets !

Sébastien Chenu

à franceinfo

La petite équipe se réunit le lundi soir, formule des propositions, puis les soumet à la patronne. "C'est un travail très transversal. Il s'agit, pour nous, d'être une force de propositions", résume Philippe Olivier. En décembre, la cellule "idées-image" a, par exemple, imaginé un visuel prenant l'apparence d'une carte vitale pour combattre le projet de François Fillon sur la Sécurité sociale. Le tract, intitulé "Fillon va vous rendre malade", a été distribué en janvier sur le terrain, via les fédérations. Et décliné en clip vidéo diffusé sur YouTube.

Le futur député à Calais ?

Une fois l'élection présidentielle passée, Philippe Olivier n'en aura pas terminé avec la campagne électorale : délaissant l'Essonne, il se présentera aux législatives à Calais. Pour devenir député "là où le devoir m'appelle", commente-t-il. Sur place, ses détracteurs ne manqueront pas de dénoncer un parachutage. La région ne lui serait toutefois pas totalement inconnue : il affirme y avoir, en tant que conseiller, accompagné Marine Le Pen dans "toutes ses campagnes depuis 2007", lorsqu'elle s'est implantée à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais).

Surtout, cette 7e circonscription du Pas-de-Calais, hautement symbolique, est jugée gagnable par le Front national. "Facile !", se vantait même Philippe Olivier en septembre dans Le Parisien, un mois avant que la "jungle" ne soit démantelée.

Un argument de moins pour le futur candidat ? "Le problème est loin d'être réglé. Sarko nous avait déjà fait le coup avec la fermeture de Sangatte. On va avoir la troisième saison", plaisante-t-il, avant de reprendre son sérieux et de constater qu'en politique, "rien n'est gagné d'avance". L'intéressé est bien placé pour le savoir : en vingt-cinq ans de carrière politique, ses rendez-vous avec les électeurs ont rarement été couronnés de succès.

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