Présidentielle 2022 : trois questions sur la profession de foi de Marine Le Pen épinglée par le "gendarme" de la campagne
La Commission de contrôle de la campagne électorale s'est interrogé, mercredi, sur deux chiffres qui figurent sur la profession de foi pour le second tour de la candidate RN, censés démontrer l'échec du quinquennat d'Emmanuel Macron en matière de sécurité et d'immigration.
"Ce sont des éléments que nous n'arrivons pas à corroborer" : le "gendarme" de la campagne électorale a épinglé mercredi 13 avril 2022 la profession de foi de Marine Le Pen en vue du second tour de l'élection présidentielle. La Commission de contrôle de la campagne électorale (CNCCEP) a ainsi demandé des clarifications à la candidate du Rassemblement national, révèle France Inter. Ce sont deux chiffres, qui figurent sur ce document, qui ont fait tiquer la Commission.
Jeudi, après une audition de l'équipe de campagne du RN, la Commission a décidé d'homologuer le texte sous réserves. Explications.
De quoi parle-t-on ?
Dans le tract de Marine Le Pen, qui est disponible sur Internet, on peut y lire qu'il y a eu une augmentation de "31% d'agressions volontaires depuis 2017" et "1,5 million d'immigrés supplémentaires entrés légalement en France depuis 2017".
Deux chiffres qui étaient déjà présents dans la profession du foi du premier tour, sauf que dans le tract à venir, le rassemblement national a rajouté un astérisque , qui renvoie donc en bas de page à l'indication suivante : "source : ministère de l'Intérieur". Et c'est justement cette mention qui pose problème à la CNCCEP : elle dit ne pas réussir à "corroborer" ses chiffres via les données de Beauvau. Cette commission, pas vraiment connue du grand public, a, dans ces attributions cette mission.
Sur son site officiel, la CNCCEP, présidée par Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d'État, indique ainsi "contrôler le respect des dispositions en vigueur des affiches et des professions de foi des candidats, exerce une mission de surveillance des différents aspects de la campagne électorale : réunions publiques, presse écrite, médias audiovisuels, internet… Elle a le devoir d’intervenir pour que cessent des agissements qui lui paraîtraient critiquables. La Commission saisit le cas échéant les autorités compétentes de l’État si des incidents suffisamment graves et de nature à affecter le bon déroulement de la campagne électorale survenaient."
De son côté, le RN assure qu'il s'agit de chiffres du ministère, qui, lui, ne les reconnaît pas. "Ce ne sont pas des statistiques, mais un regroupement de chiffres que l'on pourrait qualifier de très hasardeux", assure un connaisseur du dossier à franceinfo.
Les chiffres sont-ils vrais ou faux ?
Si l'utilisation de la source est au coeur des interrogations, les chiffres avancées sur ce tract par l'équipe de Marine Le Pen sont-ils faux ? Sur la délinquance, Marine Le Pen parle en fait des "coups et blessures volontaires sur personnes de plus de 15 ans", et c'est vrai, les données enregistrées par la police et la gendarmerie sont bien en hausse depuis 2017, mais la hausse est surtout portée les violences intrafamiliales.
Dimanche 24 avril, si le peuple vote, le peuple gagne !
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) April 12, 2022
Découvrez ma profession de foi pour ce second tour de l’élection présidentielle https://t.co/0LV5or1pII pic.twitter.com/UYGAk2bDOh
Concernant l'immigration, et l'affirmation "1,5 million d'immigrés supplémentaires entrés légalement en France depuis 2017", Marine Le Pen se contente ici de mettre en avant les entrées, en oubliant que certains repartent, comme par exemple les étudiants étrangers. Ainsi, d'après l'Insee, le solde migratoire, c’est-à-dire la différence entre les arrivées et les départs du territoire national, représente 800 000 personnes en plus sur le territoire entre 2017 et 2020.
Que va-t-il se passer désormais ?
Jeudi, la Commission de contrôle de la campagne électorale a finalement annoncé avoir décidé d'homologuer cette profession de foi. "La Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle a, par décision de ce jour, décidé d'homologuer sous réserves le texte des déclarations de Madame Marine Le Pen qui lui a été soumis par son mandataire", a indiqué la CNCCEP dans un communiqué.
"Après avoir entendu le mandataire accompagné de son avocat et de membres de l'équipe de campagne, au cours d'une séance tenue le 13 avril à 18h00, la Commission a adopté sa décision", a précisé la CNCCEP.
Si les documents peuvent donc partir à l'imprimerie comme prévu, dans le pire des cas, la commission aurait pu décider de ne pas homologuer la profession de foi de Marine Le Pen, ce qui aurait donc obligé à mettre à la poubelle des milliers de documents. "Vu les délais, évidemment qu'ils sont déjà chez l'imprimeur", confiait mercredi un cadre du parti. "Nos sources sont sûres, nous les avons déjà transmises à plusieurs reprises à la Commission. D'ailleurs, ces chiffres figuraient déjà sur la profession de foi du 1er tour. Le seul objectif de tout cela, c'est de nous faire perdre un temps précieux", estimait un proche de la candidate. Marine Le Pen avait dénoncé mercredi une "manoeuvre" visant à discréditer sa "profession de foi".
Plus simplement, cette demande de clarifications demandée est une première étape. D'ailleurs, ce genre de demande n'est pas un cas isolé. "Nous demandons régulièrement des précisions de ce type. Cela a été le cas pour plusieurs candidats avant le premier tour", souligne la CNCCEP. Par ailleurs, la Commision nationale de contrôle vérifie de nombreux paramètres, comme, par exemple, le grammage du papier ou l'utilisation du drapeau français. C'est elle aussi qui décide in fine d'homologuer ou non les documents.
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