Primaire à droite : pour un électeur de gauche, "deux euros pour se payer la tête de Sarkozy, c'était une bonne affaire !"
Pourquoi des électeurs de gauche se sont-ils déplacés dimanche pour voter à la primaire à droite ? Certains jubilent de voir Nicolas Sarkozy éliminé, d'autres se désolent de l'avance de François Fillon. Franceinfo a recueilli leurs témoignages.
Ils seraient au moins 600 000 électeurs de gauche à s'être déplacés, dimanche 20 novembre, pour glisser un bulletin dans les urnes de la primaire à droite. C'est en tout cas ce que l'on peut déduire d'un sondage Elabe pour BFMTV, selon lequel 15% des participants du scrutin seraient des sympathisants de gauche. Au final, François Fillon, candidat de la droite traditionnelle et très libérale, a pris très largement la tête avec 44% des voix, quand Alain Juppé, représentant de la droite modérée, est challenger avec 28% des suffrages.
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Quelles ont été les motivations de ces électeurs de gauche ? L'envie d'éliminer Nicolas Sarkozy ou le spectre d'un nouveau scénario "2002", avec la droite et le FN au second tour de la présidentielle, les ont-ils poussés à payer deux euros et à braver parfois plus d'une heure de queue pour aller voter ? Comment ont-ils réagi face aux résultats ? Franceinfo a recueilli leurs témoignages.
Fabrice : "J'en avais marre d'entendre Sarkozy"
Sans être militant ni encarté, Fabrice, 45 ans, metteur en scène de théâtre à Nantes (Loire-Atlantique) "vote toujours à gauche". Sauf en 2002, où il a choisi Jacques Chirac pour faire barrage à Jean-Marie Le Pen. Et dimanche dernier, pour éliminer Nicolas Sarkozy. "Je me suis décidé [dimanche] chez des copains qui venaient d'aller voter, raconte-t-il à franceinfo. J'avais suivi les débats télévisés des primaires, et en écoutant les positions de Sarkozy, je me suis dit que j'en avais marre de l'entendre."
Pour être sûr de "dégager" l'ancien chef de l''Etat "dès le premier tour", Fabrice a donc voté... François Fillon, "par calcul". Il rigole encore de son bon coup.
J'ai suivi les sondages : j'ai vu que Fillon montait, alors j'ai voulu accompagner le mouvement.
Fabrice se dit donc "content" des résultats. "Bon, pas que Fillon l'emporte à la fin", nuance-t-il. Mais il n'ira quand même pas voter Juppé, "le plus social des candidats" selon lui, au second tour : "Il me fallait Sarkozy pour me motiver."
Quant à la future présidentielle, Fabrice n'est pas encore décidé. "Ne me demandez pas pour qui je vais voter", lâche-t-il. Même s'il espère encore que la gauche se maintiendra au second tour, Fabrice se dit déjà soulagé à l'issue de ce vote : "Marine le Pen me fait horriblement peur mais au moins, au deuxième tour de la présidentielle, je pourrai voter pour le candidat de droite." Si Nicolas Sarkozy avait été qualifié, Fabrice serait resté chez lui le 7 mai prochain.
Philippe : "Le programme de François Fillon est le plus proche de celui du FN"
Pour Philippe (le prénom a été changé), le score du premier tour de la primaire a été "moins une surprise qu'une mauvaise nouvelle". Ce fonctionnaire de la région Hauts-de-France, âgé de 28 ans, a voté Alain Juppé, qu'il considérait comme le plus proche de ses idées politiques. Encarté au PS depuis 2007, Philippe a arrêté de verser sa cotisation en 2015, parce que "le PS n'arrive plus à se gérer lui-même", et vient de rejoindre le mouvement d'Emmanuel Macron, avec qui il se dit "d'accord à 80%".
S'il soutient l'ancien ministre de l'Economie, Philippe pense que "le FN a des chances de l'emporter en 2017" et que "ça change l'ordre des priorités". Selon lui, le candidat de droite aura toutes les chances de devenir le futur président. Il prend ses distances avec ses amis de gauche, "qui pensent que voter pour un candidat de droite c'est prendre directement un ticket pour l'enfer ou que c'est un geste de perversité électorale".
J'ai beau être de gauche, s'il faut voter par élimination, autant décider pour qui tout de suite.
Philippe n'espère pas vraiment un réveil de la gauche d'ici à la présidentielle. "Mélenchon est persuadé d'avoir un destin, les Verts font tout pour exister", estime-t-il, mais pour lui, 2017 "n'apportera pas un vent de fraîcheur politique". Si bien qu'il n'est pas encore sûr d'aller voter à la primaire à gauche, programmée en janvier : "Elle ressemblera à un très mauvais congrès du PS."
En attendant, il retournera voter dimanche prochain, à nouveau pour Alain Juppé, sans trop y croire... Car pour lui, le programme de François Fillon est "le plus proche de celui du FN, au moins sur quatre points : le social, la politique européenne, la géopolitique et le débat sur l'identité et le rapport aux étrangers".
Frédérique : "Fillon va peut-être provoquer le rassemblement de la gauche"
La joie et la surprise. Ce sont les premières réactions de Frédérique, en découvrant les résultats ce lundi 21 novembre au matin. Auto-entrepreneuse dans le secteur de la communication, à Antony (Hauts-de-Seine), cette femme de 55 ans se dit "étonnée que Fillon soit en tête, alors qu'il doit assumer le bilan de Nicolas Sarkozy puisqu'ils ont gouverné ensemble", mais elle reste très satisfaite de l'issue du scrutin.
Je suis très très contente que Sarkozy n'apparaisse pas, parce que je veux qu'il comparaisse au tribunal.
Si elle a choisi de se déplacer, c'est avant tout pour faire barrage à l'ancien président de la République. "Je me suis dit que deux euros pour la tête de Sarko, c'était une bonne affaire !", explique-t-elle. Mais auprès de ses proches, Frédérique a dû "batailler" pour défendre son choix d'aller voter.
Mes enfants me disaient 'tu es de gauche, tu ne peux pas y aller quand même'. Mais je suis responsable, j'ai mes idées.
Elle ne votera pas dimanche prochain pour le second tour, même si le programme de François Fillon lui déplaît fortement. Car Frédérique a fait ses petits calculs : "Je me dis que François Bayrou pourrait se présenter et que la droite partira divisée. Et François Fillon va peut-être provoquer le rassemblement de la gauche." Bref, pour Frédérique, l'ancien Premier ministre incarne peut-être le meilleur espoir de la gauche. Elle votera Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle.
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