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Primaire à droite : François Fillon est-il déjà fichu ?

A deux mois du vote des sympathisants de droite, l'ancien Premier ministre se trouve dans une situation très défavorable, loin derrière Alain Juppé et Nicolas Sarkozy dans les sondages.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
François Fillon, le 21 septembre 2016, lors d'un meeting au Cirque d'hiver, à Paris. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

Il stagne autour de 10% d'intentions de vote, bien loin d'Alain Juppé et de Nicolas Sarkozy. François Fillon a beau avoir "la conviction" qu'il sera "au deuxième tour", il n'est pour le moment que le troisième, voire le quatrième homme de la primaire à droite, selon les sondages, au coude à coude avec Bruno Le Maire. A deux mois du vote des sympathisants, on voit mal comment l'ancien Premier ministre, qui tenait mercredi 21 septembre son grand meeting parisien au Cirque d'hiver, peut inverser une situation aussi défavorable.

L'idée d'un duel Juppé-Sarkozy bien ancrée

Pour la plupart des observateurs et des électeurs potentiels, l'affaire est entendue : le 20 novembre, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy sortiront des urnes en tête. De sondage en sondage, l'écart entre les deux leaders et le reste des prétendants s'accroît. Dans la dernière enquête Harris Interactive pour France Télévisions, le total Juppé-Sarkozy au premier tour atteint 74%, les autres candidats se partageant les miettes.

François Fillon, comme d'ailleurs Bruno Le Maire, ne parvient pas à casser cette perspective. "Dans l'imaginaire de l'électeur de droite, ils apportent moins la garantie de pouvoir être élus président de la République qu'Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy", observe le directeur général d'OpinionWay, Bruno Jeanbart, interrogé par franceinfo.

Pire, François Fillon n'arrive pas à faire passer dans l'opinion l'idée que sa présence au second tour soit indispensable au débat démocratique. Les électeurs de droite ont en effet toutes les raisons de se complaire dans l'affiche du duel annoncé entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, qui a le mérite d'offrir une opposition de styles autant qu'une véritable confrontation de lignes politiques.

Plombé par ses cinq années à Matignon

C'est l'autre grande difficulté de François Fillon dans cette campagne : incarner la rupture face à Nicolas Sarkozy tout en ayant été son Premier ministre pendant cinq ans. De fait, le député de Paris se retrouve aujourd'hui comptable de ce qui a été accompli (et de ce qui ne l'a pas été) entre 2007 et 2012. "C'est quelqu'un de loyal qui a assumé son devoir jusqu'au bout, pas comme Macron qui quitte le navire par intérêt personnel", répètent ses proches. Mais, comme le note dans Le Figaro le politologue Jérôme Jaffré, "on demande à un numéro deux de prolonger l'héritage, pas de critiquer celui qui vous le transmet. En le plagiant, on pourrait dire 'Imagine-t-on Pompidou faire campagne en 1969 en expliquant que le général de Gaulle avait perdu la main en Mai 68 ?'"

Après la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012 et sa retraite politique, la campagne catastrophique de François Fillon face à Jean-François Copé pour la présidence de l'UMP a anéanti ses efforts pour devenir le chef naturel de l'opposition. Et le retour, en 2014, de celui qui fut son président a largement hypothéqué ses chances de jouer les premiers rôles dans la future primaire à droite.

"C'est le seul à avoir un projet cohérent"

La campagne de la primaire, qui s'est ouverte le 21 septembre avec la proclamation officielle des sept candidats, peut-elle changer la donne ? D'ici au 20 novembre, trois débats télévisés sont prévus, les meetings vont se multiplier et l'exposition médiatique des candidats va s'intensifier. François Fillon va mettre à profit cette période pour démontrer qu'il dispose du meilleur programme. "Tout le monde le reconnaît, c'est le seul à avoir construit un projet cohérent, précis, détaillé, chiffré", répètent en chœur ses soutiens. "D'ailleurs, les autres candidats le pillent allègrement", s'émeut l'une de ses porte-parole, la députée Valérie Boyer.

Pas sûr, cependant, que cela suffise. "Dans le cadre d'une primaire, le corps électoral est plus politisé que lors d'une campagne présidentielle, donc potentiellement moins volatil", note Bruno Jeanbart. En 2011, la campagne de la primaire socialiste n'avait d'ailleurs pas bouleversé les équilibres, François Hollande et Martine Aubry se qualifiant, comme prévu, pour le second tour. Pour espérer encore, François Fillon devra compter sur des événements extérieurs : Nicolas Sarkozy sera-t-il plombé par ses ennuis judiciaires, qui risquent de refaire surface ? Les sujets régaliens continueront-ils de dominer l'actualité de l'automne ? Le climat entre les candidats va-t-il se tendre au point de modifier la donne ?

Un pari sur le retour aux valeurs familiales

Début septembre, le collectif Sens commun, considéré comme le bras politique de la Manif pour tous, a appelé à voter pour François Fillon. Pour le candidat, ce ralliement ne doit rien au hasard. "Après le vote de la loi Taubira, que j'ai combattue, j'ai immédiatement indiqué que, si j'avais la charge de la présidence, je proposerais au Parlement de réécrire le droit de la filiation", déclare-t-il, soulignant sa constance sur ce sujet. Aujourd'hui, il propose "un texte qui fige le principe qu'un enfant est toujours le fruit d'un père et d'une mère".

Mercredi soir, François Fillon a réussi à remplir le Cirque d'hiver en partie grâce à la présence massive de militants de Sens commun. Signe de l'importance accordée à ce collectif par l'équipe du candidat, l'intervention de sa porte-parole, Madeleine de Jessey, a été programmée juste avant le discours de François Fillon.

Cette stratégie peut-il le servir, alors que le mariage pour tous n'est plus au centre de l'actualité et ne fait pas partie des préoccupations des Français ? "Il fait le pari que les gens qui ont fait la démarche de descendre dans la rue en 2013 sont plus enclins à aller voter à la primaire", décrypte Bruno Jeanbart. Difficile toutefois, pour lui, d'en faire un sujet central de sa campagne, sous peine de se retrouver marginalisé.

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