Comment Juppé espère renverser la vapeur contre Fillon
Le maire de Bordeaux était le favori de la primaire de la droite, il en est devenu l'outsider avec l'arrivée en tête du député de Paris au premier tour. Franceinfo décrypte sa stratégie d'entre-deux tours.
Depuis qu'Alain Juppé a perdu son statut de favori, il n'hésite plus à lever la voix. Avant le premier tour, c'est surtout contre Nicolas Sarkozy qu'il avait construit sa campagne. A présent que son adversaire s'appelle François Fillon, le maire de Bordeaux change de braquet. Programme économique, valeurs, efficacité : il décline ses attaques avant tout sur le fond.
Il agite l'épouvantail Thatcher
Les équipes d'Alain Juppé ont identifié plusieurs points du programme de François Fillon à attaquer. A commencer par son volet économique, très libéral. Suppression massive de postes de fonctionnaires, suppression de la durée légale du temps de travail dans la limite de 48 heures hebdomadaires : Alain Juppé dénonce la "très grande brutalité sociale" de son rival, qui n'a pas peur de la comparaison avec Margaret Thatcher, bien au contraire. Le maire de Bordeaux veut aussi rétablir l'idée que c'est lui le candidat de la réforme. "La vraie réforme, ce n'est pas Thatcher, ce n'est pas celle qui casse l'Etat", dit un de ses proches.
Il dénonce un programme "infaisable"
Les coupes massives dans la fonction publique – 500 000 postes supprimés en un mandat – seraient irréalisables, selon Alain Juppé, qui n'est pas le seul à le penser, comme l'explique cet article des Echos. Elles auraient par ailleurs des conséquences sur les effectifs de police, de gendarmerie, ou dans la justice – autant de domaines prioritaires pour le maire de Bordeaux.
Cet argument est décliné dans d'autres domaines. Exemple avec la création de 16 000 places de prison promise par François Fillon. "Le 'meilleur' quinquennat, dans ce domaine, c'est le deuxième mandat de Chirac. Il y avait alors un secrétaire d'Etat chargé des programmes immobiliers de la justice, Pierre Bédier, dont c'était l'unique job ! Il a créé 7 000 places ; 16 000, c'est tout simplement infaisable", dit Benoist Apparu, porte-parole d'Alain Juppé.
Il appuie sur le côté "traditionaliste" de son adversaire
Dès le lendemain du premier tour, Alain Juppé a porté l'offensive sur le plan des valeurs. Avec les "ambiguïtés" de François Fillon sur l'IVG, le maire de Bordeaux entend faire passer son adversaire pour un réactionnaire – "traditionaliste", dit Alain Juppé. "Il y a très clairement deux droites dans ce second tour. Je ne crois pas que la contestation de la loi Taubira soit l'alpha et l'oméga de la droite aujourd'hui. Le RPR chiraquien et populaire ne se retrouve pas chez Fillon", explique un proche du maire de Bordeaux. Alain Juppé, lui, veut continuer à incarner le rassemblement de la droite et du centre.
Il veut profiter du débat pour "débusquer" son rival
Les partisans d'Alain Juppé misent beaucoup sur le face-à-face prévu jeudi 24 novembre entre les deux finalistes. Une dernière occasion de faire apparaître les différences entre les deux candidats, au profit, espèrent-ils, de leur champion. "Dans cette campagne, François Fillon n'a pas dit grand-chose. Il n'est jamais rentré dans l'arène. Quand on voit sa réponse sur l'IVG, c'est de la com, c'est un refus d'obstacle. Il ne va pas pouvoir jouer à cache-cache jusqu'à dimanche", assure un conseiller. Ses soutiens estiment aussi qu'Alain Juppé doit "lever les malentendus" entretenus par les autres candidats. "Les critiques de Sarkozy sur la supposée 'alternance molle', ou 'Ali Juppé', cela a fini par marcher. Je ne dis pas 'Sarko m'a tuer', mais il nous a fait mal", reconnaît un juppéiste.
Les partisans d'Alain Juppé entendent également dénoncer la diplomatie prônée par François Fillon, réelle ligne de fracture à droite. Depuis des mois, l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy plaide pour une alliance avec la Russie, voire dans une certaine mesure avec Bachar Al-Assad, pour vaincre l'Etat islamique en Syrie. "Alors qu'Alep est écrasé de bombes, ce n'est pas très chrétien de défendre cette alliance", souligne Benoist Apparu.
Il veut réactiver l'antisarkozysme
Alain Juppé espère aussi continuer à surfer sur l'antisarkozysme qui l'a porté au premier tour. Il voudrait ainsi faire du ralliement de l'ancien président à François Fillon une faiblesse. La "reconstitution de l'équipe de 2007-2012", voilà comment les lieutenants d'Alain Juppé aiment la rappeler : "Après avoir théorisé la rupture en 2007, écrit le programme de Nicolas Sarkozy et ne pas l'avoir appliqué une fois au pouvoir, je ne voudrais pas qu'en 2017, une nouvelle fois, les réformes nécessaires ne soient pas mises en place."
Pour autant, personne dans le camp d'Alain Juppé n'imagine son candidat changer fondamentalement de style de campagne : "On ne change rien sur le fond, seulement l'intensité. Alain Juppé ne veut pas modifier sa position sur quoi que ce soit, sinon c'est gagner en s'assurant des lendemains qui déchantent. Qu'est-ce que vous voulez, il est comme ça, il est honnête, il dit ce qu'il pense. C'est le Rocard de droite." Un éloge qui n'est pas de très bon augure : l'ancien Premier ministre socialiste n'est jamais devenu président.
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