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Les prochains votes au Parlement qui pourraient donner des sueurs froides à Manuel Valls

Le vote par les députés du plan d'économies, mardi 29 avril, n'est qu'une première étape pour le gouvernement. D'autres textes législatifs délicats pour l'exécutif vont arriver à l'Assemblée et au Sénat dans les prochaines semaines.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
Manuel Valls avant la présentation de son plan d'économies à l'Assemblée nationale, à Paris, le 29 avril 2014. (©FRANCOIS LAFITE/WOSTOK PRESS / MAXPPP)

Manuel Valls qualifiait la journée du mardi 29 avril de "moment de vérité" lors du vote à l'Assemblée nationale de son plan d'économies. Un vote-clé pour le Premier ministre, qui ouvre une série de consultations décisives. Les lois sur la récidive, la politique familiale et les finances sont autant de textes importants qui vont donner lieu à des débats. Etat des lieux.

1 Le budget rectificatif

- Quand ? Manuel Valls a annoncé que le budget rectificatif serait présenté aux députés avant l'été. Le texte devrait arriver à l'Assemblée en juin.

- De quoi ça parle ? Cette loi doit intégrer tout d'abord des mesures du programme de stabilité, soumis au vote consultatif de l'Assemblée mardi 29 avril. Il s'agit du plan d'économies de 50 milliards d'euros. Par ailleurs, cette loi rassemblera aussi le pacte de responsabilité et de solidarité, qui prévoit les mesures en faveur de l'emploi. Tout l'enjeu de ce texte est de faire la synthèse entre ces économies et ces dépenses. Contacté par francetv info, le secrétariat d'Etat chargé du Budget assure que les arbitrages sont en cours. On sait en revanche que figurera une mesure fiscale en faveur des ménages modestes, qui devrait coûter 500 millions d'euros à l'Etat.

- Qu'est-ce qui pourrait coincer ? Les 41 députés PS qui se sont abstenus lors du vote du plan d'économies, mardi 29 avril, ne comptent pas baisser la garde. "Quand j'ai écouté Manuel Valls, je me suis dit que les gens ne m'avaient pas élue pour cela", confie Dominique Chauvel, députée PS de Seine-Maritime jointe par téléphone. "Il y a eu des avancées, mais il faut faire davantage envers ces hommes et ces femmes qui rencontrent de grandes difficultés, qui comptent euro par euro au quotidien", ajoute la députée en concluant : "Je regarderai donc avec grande attention le projet de loi qui va nous être soumis." 

Jean-Marc Germain, député PS des Hauts-de-Seine, joint par francetv info, confirme que les 100 députés PS, qui réclament à Manuel Valls des inflexions dans son plan d'économies sont organisés en "groupe de travail" afin de faire des propositions au gouvernement. "Notre vote de mardi va permettre de poursuivre les discussions. Nous sommes déterminés, nous voulons faire bouger les lignes et refuser les reculs sociaux." Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois, assure que, d'ici la discussion du texte à l'Assemblée, ce sera "moins compliqué. On a un peu plus d'un mois pour discuter, On ne sera plus dans la tension."

2 La réforme pénale

- Quand ? Le projet de loi de la garde des Sceaux, Christiane Taubira, devrait être soumis au vote à l'Assemblée au mois de juin, mais aucune date n'a encore été arrêtée. Le texte doit également passer au Sénat avant la trêve estivale.

- Quel contenu ? Dans les principales mesures de la réforme pénale, on note la fin des peines plancher en cas de récidive. Instaurées par Nicolas Sarkozy, elles sont jugées inutiles par le gouvernement actuel. L'idée est de mettre en place "des peines efficaces parce qu'individualisées", déclare Dominique Raimbourg, député PS de Loire-Atlantique et rapporteur de la loi, contacté par francetv info.

Dans cet esprit, le texte étend "la contrainte pénale" à tous les auteurs de délits. Il s'agit de substituer l'incarcération par l'obligation de soins ou par des mesures de réinsertion. La "liberté sous contrainte" est une autre mesure phare, qui prévoit des sorties progressives de prison avec des "suivis resserrés", selon Dominique Raimbourg.

- Qu'est ce qui pourrait coincer ? La réforme pénale avait fait l'objet d'affrontements, l'été dernier, entre la ministre de la Justice et le ministre de l'Intérieur de l'époque, Manuel Valls. Au sein du PS, certaines personnalités avaient pris de la distance avec ce projet de loi déjà reporté. André Vallini, sénateur PS de l'Isère, a publié une tribune dans Le Monde, en novembre, où il s'interroge sur le financement. Un proche de Manuel Valls, Carlos Da Silva, député PS de l'Essonne, estimait dans Le Point qu'il fallait "repenser" la réforme". Mais depuis, Christiane Taubira a été maintenue à son poste, ce qui valide la poursuite de sa réforme. Reste à savoir si les députés socialistes qui avaient accueilli fraîchement le projet de loi se rangeront derrière la garde des Sceaux. Jean-Jacques Urvoas, député PS du Finistère et président de la commission des lois, assure à francetv info que ce texte ne "pose pas de difficultés à gauche".

L'opposition, elle, est très critique envers cette réforme pénale. Georges Fenech, député UMP du Rhône, dénonce dans Le Figaro, mardi 29 avril, "un texte fossoyeur. On ne punit plus, on veut rééduquer. Cela s'appelle un nouveau système pénal."

3 La loi sur la famille

- Quand ? Le projet de loi de l'ex-ministre de la Famille Dominique Bertinotti a été enterré en février, au lendemain d'une mobilisation de la Manif pour tous. Pour autant, les principales dispositions de ce texte vont revenir à l'Assemblée le 19 mai.

- Quel contenu ? Notamment portée par Erwann Binet, député PS de l'Isère et rapporteur du projet de loi sur le mariage pour tous, une proposition de loi sur l'autorité parentale, la médiation familiale et le statut du beau-parent va être discutée dans l'Hémicycle. En ce qui concerne l'autorité parentale, Erwann Binet, contacté par francetv info, explique qu'il s'agit de "mettre fin à la différence de considération entre le père et la mère". En cas de séparation, l'enfant aurait deux résidences principales. En clair, les adresses de la mère et du père seraient inscrites sur sa carte d'identité. Le texte veut aussi étendre la médiation familiale. Enfin, la proposition de loi souhaite donner la possibilité au beau-parent de "prendre des décisions au quotidien". 

- Qu'est-ce qui pourrait coincer ? La Manif pour tous, qui rassemble divers collectifs, entend défendre sa vision de la famille. La principale opposition porte sur la PMA (procréation médicalement assistée) et la GPA (gestation pour autrui). Mais ces points très sensibles ne figurent pas dans la proposition de loi. 

Les porte-paroles de la Manif pour tous ont été reçus, lundi 28 avril, par Laurence Rossignol, la nouvelle secrétaire d'Etat à la Famille. Dans un communiqué officiel, ils dénoncent notamment le statut du beau-parent. Par ailleurs, une autre proposition de loi devrait être prochainement déposée sur l'adoption des enfants. Un texte sur l'accès aux origines est également "en réflexion", selon Erwann Binet. A ce propos, Ludovine de la Rochère, une des figures de proue de la Manif pour tous, a déclaré : "On n’en a donc pas fini avec la volonté de réforme de la civilisation, on reste très mobilisés." 

4 La loi sur la décentralisation

- Quand ? Le projet de la décentralisation sera présenté en Conseil des ministres le 14 mai, pour une première lecture au Sénat en juin.

- De quoi ça parle ? Le projet de loi vise notamment à redéfinir les compétences entre les différents échelons administratifs : les départements, les régions et, à partir du 1er janvier 2015, les métropoles. Mais le texte prévoit surtout la simplification du regroupement de régions, dont le nombre doit passer de 22 à 11 d'ici à 2017.

- Qu'est-ce qui pourrait coincer ? Si on ne sait pas encore comment se positionneront les parlementaires, les dirigeants des exécutifs locaux se sont déjà exprimés. Certains y sont favorables sur le principe, comme Martin Malvy, président PS de la région Midi-Pyrénées, qui l'expliquait à France 3 Midi-Pyrénées. Mais les conditions de la mise en œuvre de ce projet risquent de poser problème. Le président PS de la région Lorraine, Jean-Pierre Masseret, pourtant favorable au départ au projet, a marqué sa vive opposition, comme le relate Libération, "J’ai pris connaissance du projet de loi adressé par le gouvernement au Conseil d’Etat. Je me dois de vous dire que ce qui est proposé est inacceptable politiquement et infaisable techniquement." 

Il dénonce notamment le fait que les électeurs voteront aux élections régionales en 2015 sur la base des frontières actuelles, alors que les régions sont amenées à fusionner deux ans plus tard. Autre sujet d'inquiétude pour les élus : la perspective de la suppression des départements. Si la disparition des conseils généraux est prévue pour 2021, le projet de loi sur la décentralisation organise déjà le transfert des compétences des départements vers les métropoles. Jean-Yves Gouttebel, président PS du conseil général du Puy-de-Dôme et vice-président de l'Assemblée des départements, juge dans un communiqué que "la mission de solidarité et de proximité remplie par les conseils généraux est remise en cause". Il s'élève également "contre la méthode utilisée par le Premier ministre" et réclame "une réelle concertation".

5 Encore loin, mais à surveiller : la loi sur la transition énergétique

Ségolène Royal a annoncé vouloir présenter ce projet de loi plus rapidement que prévu. Il devrait être soumis à la commission de développement durable dans l'été, avant un examen au Parlement à l'automne. En attendant, la ministre de l'Ecologie doit rendre ses arbitrages. Sa décision concernant l'avenir de l'écotaxe sera notamment observée de près. La proposition de Ségolène Royal sur une vignette qui taxerait essentiellement les camions étrangers traversant le territoire français a déjà déclenché l'ire de certains parlementaires, comme le rapporte Le Monde.

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