Le taux de chômage des jeunes en France métropolitaine s'élevait à 23% au premier trimestre 2010 selon l'Insee
Suite de l'interview de Jean Viard.
Comment expliquez-vous le fort taux d"abstention des jeunes aux élections alors qu"ils sont massivement touchés par les problèmes d"emploi et de logement ?
J.V. C"est un signe de non intégration.
Entre ceux qui font beaucoup d"études, parfois même trop longues, ceux qui n"en font pas et s"en prennent plein la figure, ceux qui sont sous le seuil de pauvreté (le taux de pauvreté des jeunes est le double du reste de la population), les jeunes ne sont pas intégrés.
Or, on entre en politique lors de son insertion professionnelle ou à travers la défense d'intérêts, etc.
Les jeunes n"ont aujourd"hui que des rejets à exprimés.
Regardez les manifestations qui ont dégénéré à Lyon. N"ont été arrêtés que des élèves des 19 lycées techniques de la ville. Pas un seul issu de la filière générale. On voit bien comment une partie de la jeunesse est en train d"avoir la haine.
L"extrême gauche a d"ailleurs beaucoup progressé dans les intentions de vote, passant de 8 à 12%, 13%. Si on y ajoute ceux l"extrême-droite, cela fait beaucoup de jeunes qui sont très violents politiquement et qui sont plus dans une logique de refus.
Autre exemple. On demande toujours aux jeunesses d"Europe : « comment vous voyez votre propre avenir ? ». En France, 36% des jeunes le voient positivement. Au Danemark, c"est 60%. C"est très important car la jeunesse est une période positive de l"existence. En France, ce n"est pas le cas. Elle est en crise.
Du coup, les jeunes n"entrent pas en politique régulièrement et par conviction. Ils y entrent ponctuellement, pour un événement, pour un candidat particulièrement brillant. C"est un feu de paille.
C"est propre à notre époque ?
J.V. La jeunesse n"est pas moins engagée aujourd"hui qu"avant. Mais elle se mobilise sur des causes, sur des thèmes où les valeurs sont centrales. Tout ce qui relève de la gestion ne l"intéresse qu"à moitié.
Il y eu la génération engagée dans la résistance, celle de la guerre d"Algérie, la génération 68 contre la guerre du Vietnam, puis celle de SOS Racisme dans les années 80.
C"est donc un phénomène permanent …
J.V. Oui. La jeunesse construit son identité de génération dans les grands mouvements sociaux en France, ce qui est moins vrai ailleurs.
C"est un héritage du mythe fondamental de la Révolution française : les grands mouvements sociaux fondent les sociétés du futur.
Et au-delà de la jeunesse ?
J.V. Globalement, le nombre de gens qui ne votent jamais n"augmente pas. Avant, il y avait ceux qui ne votaient jamais pour des tas de raison, et ceux qui votaient toujours par devoir.
Aujourd"hui, les gens votent quand il y a un enjeu qui les mobilise. Ils sont devenus beaucoup plus zappeur.
Ce n"est pas tragique. C"est une façon de dire aux politiques que ce qu"ils proposent, n"intéresse pas. C"est un sentiment. Pas de l"indifférence.
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