Le président de la Commission européenne s'est déclaré "inquiet" fin novembre d'une "poussée populiste" en Europe
Interview de Jean Viard.
Comment analysez-vous la montée des partis nationalistes dans les pays d"Europe du nord ?
J.V. De 1848 jusqu"à environ 1998 avec les 35 heures, on a construit un modèle social génial en Europe. Jamais aucune société n"était arrivée à un modèle aussi fantastique.
Malgré ses ratés. Aujourd'hui, les pays du monde entier en Amérique Latine, en Asie tentent de l'imiter. Juste un chiffre. L"écart de revenu avant redistribution en France est de 6,8%. Après redistribution, il n"est plus que de 2,5%.
Ce modèle social et le progrès technique font que la vie s"est considérablement allongée et que nous serons bientôt 9 milliards d'individus sur Terre.
Cela pose deux nouveaux enjeux de régulation : celui des identités et du rapport de l'hommes à la nature.
Arrêtons-nous un moment sur le premier enjeu. Quels en sont les termes ?
J.V. De côté, il y a une passion pour l"autre. Un homme sur dix franchit une frontière chaque année, et cela sera très bientôt deux sur dix. C"est énorme dans l"histoire de l"humanité.
Mais en même temps, se posent des questions d'identités avec le risque d"éclatement des groupes constitués comme l"Europe.
Les extrêmes droites sont les premiers à avoir soulevé ce point ce qui ne veut pas dire qu"ils ont raison. Je ne partage en rien leur point de vue.
Mais la question est bien réelle : comment appartenir à une humanité réunifiée, qui veut garder ses différences et vivre ensemble ?
Cette dualité identité / humanité réunifiée est inédite dans notre histoire…
Depuis des milliers d"années, l"homme s"est dispersé. Nous sommes la première génération à percevoir qu"elle est l"humanité réunifiée et qui a inventé les moyens virtuels de vivre cette aventure au quotidien.
Il nous faut maintenant trouver un équilibre entre diversité et unité. Il n"y a pas de réponse pour l"instant. On est parti pour des millénaires.
D"autant que se superpose la question du rapport à la nature…
J.V. En effet. Cette humanité réunifiée se rend compte qu"elle n"a qu"une seule petite Terre. Comment va-t-on vivre à 9 milliards sur Terre ?
Il y a un problème de rapport de force entre ces 9 milliards et leur rapport à la nature
Les réponses à trouver sont-elles uniquement collectives ?
J.V. De part la mobilité, chacun de nous n"a plus une seule identité imposée par les autres. Nous sommes de plus en plus multi appartenance. Cette autonomie de la construction des personnalités est un très grand changement.
Mais on a aussi toujours besoin d"identités collectives, qui sont pour l"essentiel encore, des identités plus ou moins nationales.
Les deux question clés sont : "Comment articuler les identités héritées et l"humanité réunifiée et comment empêcher que ce soit le marché qui construise une espèce d"identité mélangée ?"
C"est ce que l"on est en train d"apprendre. Ce sera l"aventure du 21 siècle.
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