Affaire de Rugy : l'interview virulente d'un journaliste de Mediapart par un éditorialiste choque ses collègues du groupe Ebra
La scène s'est déroulée lors d'une interview sur le plateau de LCI et a lancé une polémique sur les réseaux sociaux, jusqu'au sein du groupe de presse où il travaille.
La séquence a fait bondir de nombreux journalistes sur les réseaux sociaux. Après la démission de François de Rugy, la chaîne d'information en continu LCI a interrogé, mercredi 17 juillet, Michaël Hajdenberg, journaliste de Mediapart, le site d'investigation qui a révélé plusieurs affaires concernant l'ex-ministre de la Transition écologique. Sur le plateau, Pascal Jalabert, éditorialiste et rédacteur en chef du bureau des informations générales du groupe Ebra l'a sommé de divulguer ses sources, comme le montre cette séquence publiée sur Twitter.
Scène surréaliste sur LCI ou un éditorialiste demande à @mhajdenberg (Mediapart) ses sources dans l'affaire De Rugy:
— BalanceTonMedia (@BalanceTonMedia) 16 juillet 2019
- Qui vous a donné ces infos ?
- il n'y a pas de secret des sources la dessus
- Dites-nous !
- On les aura nous les noms, on va les avoir !
#DeRugyDemission pic.twitter.com/mQsny7jAty
La séquence a fait réagir les journalistes du bureau parisien du groupe Ebra, où travaille Pascal Jalabert. Ils se sont fendus d'un communiqué mercredi 17 juillet. "Nous tenons à réaffirmer avec force notre engagement à travailler dans le respect de la déontologie", assurent-ils. Le groupe comprend 12 titres de presse comme Le Progrès, L'Est Républicain ou encore les Dernières Nouvelles d'Alsace.
"Ce n'est pas normal d'avoir autant d'arrogance"
Certains journalistes de ce même groupe de presse, contactés par franceinfo, qui préfèrent témoigner sous couvert d'anonymat, avouent avoir découvert qui était Pascal Jalabert en regardant la vidéo. "C'est qui encore ce type qui intervient à la télévision, lance l'un d'entre eux. Après, j'ai découvert que je travaillais dans le même groupe que ce monsieur. Avec des confrères, on s'est clairement dit qu'on se désolidarisait."
"C'est juste impensable d'avoir demandé de dévoiler les sources, ce n'est pas normal d'avoir autant d'arrogance", poursuit un autre reporter du groupe. Surtout, "cette séquence a jeté le doute sur les journalistes du groupe Ebra car il est présenté comme rédacteur en chef et ce n'est pas possible d'entacher notre réputation comme ça", complète une journaliste du Dauphiné libéré, syndicaliste SNJ à franceinfo.
La charte de Munich
Car les rédacteurs interrogés par franceinfo craignent d'être associés aux propos tenus par Pascal Jalabert. "Il est légitime qu'en tant que journalistes, nous rappelions le fondement de notre métier", glisse l'une d'entre eux.
Cela met en danger notre manière de travailler sur le terrain si nos sources ont peur de ne pas être protégées.
Une journaliste du groupe Ebraà franceinfo
Cette journaliste fait notamment référence à la charte de Munich, texte fondateur de la profession, dans lequel est édicté comme "devoir du journaliste" le fait de "garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement". Mais la journaliste l'assure : "Il s'agit seulement d'une affaire de déontologie, pas d'un règlement de comptes."
Pascal Jalabert s'est de son côté excusé sur son compte Twitter mercredi après-midi. Contacté par franceinfo, il explique avoir envoyé un mail à l'ensemble de ses confrères pour s'excuser de cette "erreur de comportement et d'appréciation". Il a aussi assuré qu'il ne voulait pas "remettre en question la protection des sources qui est à la base du groupe Ebra".
A nouveau, ayant mal mesuré la portée et le ton de mon propos en échangeant avec mon confrère @mhajdenberg de @mediapart sur @LCI, je tiens à m'excuser auprès des confrères et de nos lecteurs qui ont pu être choqués. Sur le fond, nos confrères ont fait leur travail je le répète
— Pascal Jalabert (@Jalabertpascal) 17 juillet 2019
"Après, ce qui me désole, c'est le déchaînement de haine, les amalgames sur les réseaux sociaux, nous confie Pascal Jalabert. Je défendrais François de Rugy alors que 10 minutes plus tôt, j'expliquais qu'il n'était plus en mesure de rester à son poste. Une minute de maladresse vaut-elle une telle opprobre ?", conclut le journaliste.
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