Ce que l'on sait des accusations de harcèlement contre la députée LREM Laetitia Avia
L'avocate de plusieurs assistants parlementaires a déclaré lundi qu'une plainte était en préparation contre la député, accusée de harcèlement par d'anciens collaborateurs, lesquels se sont exprimés dans Mediapart.
Elle a longtemps été citée en exemple, qualifiée d'"étoile montante de la macronie". Avocate et militante de la première heure de LREM, dont elle est devenue porte-parole, Laetitia Avia va faire l'objet d'une plainte pour "harcèlement moral" déposée par plusieurs de ses anciens assistants parlementaires, a annoncé lundi 18 mai leur avocate, Maud Sobel, dans un communiqué.
Quelques jours plus tôt, à la veille de l'adoption à l'Assemblée nationale de la loi préparée par la députée contre les contenus haineux sur Internet, Mediapart avait publié une enquête sur les conditions de travail de ses assistants parlementaires : commentaires teintés de sexisme et de racisme, moqueries, manipulations et pressions… Alors que la députée de la 8e circonscription de Paris s'est exprimée lundi soir devant le bureau exécutif de LREM, se disant victimes de calomnies, franceinfo revient sur cette affaire.
Que lui reprochent ses anciens assistants parlementaires ?
"Humiliations à répétition", "propos à connotation sexiste, homophobe et raciste", abus de pouvoirs, moquerie sur le physique ou la tenue vestimentaire de militantes ou d'une élue (sa collègue Aurore Bergé est ainsi comparée au personnage du "Pingouin" dans Batman)… Les cinq ex-assistants parlementaires qui ont témoigné auprès de Mediapart racontent une ambiance de travail où règne la peur.
Captures d'écran à l'appui, les anciens collaborateurs détaillent comment la députée, qui s'est fait un nom à l'Assemblée en incarnant le combat contre les discriminations, s'adresse à l'un d'eux, d'origine asiatique. "C'était son bouc émissaire, elle l'appelait parfois 'le Chinois' ou reprenait des clichés racistes pour parler de lui", relate un témoin. "Régulièrement, elle se permet des sorties très déplacées sur l'orientation sexuelle d'un collègue homosexuel", poursuit une autre. Une collaboratrice rapporte que la députée lui a déclaré qu'"elle était sans doute borderline et qu'elle devrait se faire diagnostiquer par un psychiatre".
D'autres racontent à Mediapart un rythme de travail éreintant ("Travailler pour elle, c'est être sollicitée de sept heures à une heure du matin, même le week-end."), ou décrivent d'improbables missions, comme lui "brumiser" les jambes, réserver des places pour le tournoi de tennis de Roland-Garros pour son mari, ou corriger les copies des élèves de l'élue, qui enseigne le droit à Sciences Po. Une mission traitée avec désinvolture par Laetitia Avia, selon les témoignages recueillis par le journaliste.
Comment se défend la députée ?
Avant la publication de son enquête, Mediapart a pu s'entretenir avec Laetitia Avia : "Je suis une députée exigeante envers mes collaborateurs, car ils sont bien payés, mais je suis hyper souple sur les horaires. Je suis très peu présente au bureau, donc oui, nous échangeons beaucoup par Telegram", avait-elle expliqué, avant de démentir l'usage de "méthodes brutales", assurant même "[valoriser] leur travail", via des primes.
"Il y a un élément sur lequel vraiment je suis sans appel, c'est le racisme, l'homophobie et le sexisme", a-t-elle aussi répondu à Mediapart, interrogée sur le fond de ces accusations. "Je ne les tolère pas. Je ne les tolère nulle part, y compris dans les cadres privés, y compris pour ce qui est considéré comme étant des blagues, qui ne participent en réalité qu'au racisme ordinaire."
Après la parution de l'enquête, la députée a annoncé qu'elle allait porter plainte en diffamation contre son auteur, dénonçant des "accusations mensongères" et une "manipulation". "Certains [des collaborateurs] sont partis, aucun ne s'est jamais plaint de harcèlement. Presque tous m'ont sollicitée, après leur départ, pour me demander des conseils, des recommandations, ou simplement me donner de leurs nouvelles – bien loin du tableau mensonger dépeint par l'article de Mediapart", avait-elle réagi sur Twitter.
Elle avait toutefois présenté des excuses. "Au delà de ça, et parce que je ne sais que trop à quel point les mots peuvent être blessants, même isolés, j'adresse mes sincères excuses à tous ceux qui pu se sentir heurtés à la lecture de ces extraits." La députée avait aussi évoqué des "messages privés" et "tronqués".
Des bouts de messages privés ont été tronqués, détournés et décontextualisés. C'est de la manipulation honteuse, animée par un seul objectif : me nuire et porter atteinte à mon combat politique.
— Laetitia Avia (@LaetitiaAvia) May 12, 2020
Quelles conséquences pour l'élue ?
La présidence de l'Assemblée nationale et celle du groupe LREM ont été avisées de l'affaire. La déontologue de l'Assemblée nationale a été saisie au moins six fois sur le cas de la députée, tout comme la cellule anti-harcèlement de l'Assemblée, saisie à une occasion, selon l'enquête de Mediapart. "Pour l'heure, aucune de ces instances n'est intervenue", écrit le site d'investigation. La suite dépendra ainsi du dépôt de plainte pour harcèlement en cours de préparation par ses anciens collaborateurs.
Laetitia Avia s'est exprimée lundi soir devant le bureau exécutif de LREM, dont elle est membre, sans qu'il y ait "de convocation ou d'audition inscrite à l'ordre du jour", selon l'AFP. Selon un journaliste de BFM TV, l'avocate et élue s'est défendue en qualifiant à nouveau l'article de "calomnieux, écrit par un journaliste qui s'acharne". "Il n'y a rien de raciste et d'homophobe en moi : on attaque mon honneur et mes valeurs. Toute personne qui a travaillé avec moi sait que j'aime valoriser le travail de mes collaborateurs", a-t-elle répété.
Pour l'instant, le parti n'a pas commenté l'affaire. Au lendemain de la publication de l'article, alors qu'elle présentait son texte devant les parlementaires, l'élue a martelé que "la lutte contre le racisme, l'antisémitisme, l'homophobie" serait "probablement le combat de toute [sa] vie". Le secrétaire d'Etat au Numérique Cédric O l'a alors fait applaudir par la majorité, assurant que "laisser penser" le contraire était "un non-sens absolu".
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