La France insoumise : trois questions sur la sanction polémique visant la députée Raquel Garrido

L'élue de Seine-Saint-Denis a accusé Jean-Luc Mélenchon de "nuire" au mouvement d'extrême gauche. En réaction, le bureau du groupe LFI à l'Assemblée lui a interdit de s'exprimer en son nom pendant quatre mois. Mais cette décision est critiquée en interne.
Article rédigé par franceinfo
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La députée La France insoumise Raquel Garrido, lors des journées d'Europe Ecologie - Les Verts au Havre (Seine-Maritime), le 24 août 2023. (LOU BENOIST / AFP)

Après une audition de plus d'une heure et demie, lundi 6 novembre, dans la soirée, la sanction du bureau du groupe parlementaire de La France insoumise (LFI) à l'encontre de la députée Raquel Garrido est tombée. Pour avoir ouvertement critiqué plusieurs membres du mouvement et Jean-Luc Mélenchon, l'élue de Seine-Saint-Denis "ne pourra plus être oratrice au nom du groupe" à l'Assemblée nationale et ce "pour une durée de quatre mois".

Raquel Garrido n'aura plus le droit de s'exprimer lors des séances des questions au gouvernement. Cette décision est dénoncée par l'intéressée, mais aussi par d'autres cadres de La France insoumise, qui lui apportent son soutien. Ces dissensions étalées au grand jour soulèvent plusieurs questions. Raquel Garrido compte en effet parmi les plus anciens compagnons de route de Jean-Luc Mélenchon au sein du parti d'extrême gauche.

1 Qu'est-il reproché à Raquel Garrido ?

Au cours des dernières semaines, Raquel Garrido a critiqué publiquement le fonctionnement de La France insoumise, mais aussi les actions de son fondateur. Dans une interview accordée à franceinfo, dimanche 22 octobre, la députée a ainsi accusé Jean-Luc Mélenchon de nuire à son camp "depuis peut-être un an" et "l'affaire Quatennens".

L'élue reproche notamment au leader insoumis son attitude lorsqu'Adrien Quatennens a été accusé de violences conjugales en septembre 2022. L'ancien coordinateur du mouvement, qui a reconnu une gifle sur sa compagne, a été condamné pour violences conjugales.

Raquel Garrido a aussi fait valoir ses arguments quant à la place occupée par l'ex-candidat à la présidentielle, officiellement en retrait, mais toujours très présent. "La France insoumise a été structurée comme un outil de campagne présidentielle pour Jean-Luc Mélenchon, ça ne peut pas durer comme cela", a insisté la députée. "Les militants, les cadres, les députés, l'électorat insoumis veulent que nous changions notre façon de faire."

Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, La France insoumise multiplie les désaccords en interne et avec les partis de gauche membres de la Nupes. Ces critiques résonnent dans l'espace public alors que LFI et son fondateur sont accusés par le camp présidentiel comme par la droite de ne pas avoir condamné assez fermement les attaques terroristes perpétrées par le Hamas le 7 octobre.

2 Comment se justifie La France insoumise ?

Au cours d'un point-presse, Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI à l'Assemblée, a assuré que Raquel Garrido n'avait pas été sanctionnée pour "avoir critiqué ou (...) exprimé ses idées". L'élue du Val-de-Marne a justifié la décision du bureau insoumis et mis en cause l'attitude frondeuse de sa collègue depuis plusieurs semaines. Elle assure que Raquel Garrido a été sanctionnée pour "des accumulations d'agissements et propos répétés qui nuisent au bon fonctionnement du groupe"

Dans son communiqué annonçant la décision de sanctionner Raquel Garrido, le bureau parlementaire du groupe lui a reproché d'avoir nui au fonctionnement de La France insoumise par la "diffusion de fausses informations dans la presse" ou "la mise en cause et le dénigrement ad hominem de plusieurs membres du groupe".

Après l'interview de Raquel Garrido sur franceinfo déjà, les déclarations de l'élue avaient été critiquées, notamment par sa collègue Nadège Abomangoli. "C'est Raquel Garrido qui nuit depuis des mois parce qu'elle n'est pas à la coordination du mouvement. Ridicule et dangereuse", avait taclé la députée sur les réseaux sociaux.

3 Pourquoi cette décision ne fait pas l'unanimité ? 

Raquel Garrido a vivement réagi sur le réseau social X (anciennement Twitter), contestant la légitimité du bureau parlementaire, une instance "auto-proclamée de discipline" selon elle, qui tente "de régler des désaccords politiques par des mesures de coercition". Elle dénonce une mise au ban équivalente à celle infligée à Adrien Quatennens.

Plusieurs figures de La France insoumise, en désaccord avec la ligne politique adoptée par la direction du mouvement, et qui réclament une démocratisation du parti d'extrême gauche, ont apporté leur soutien ou défendu la députée. "Solidarité", a réagi le député Alexis Corbière, conjoint de Raquel Garrido, sur X. Selon lui, "on ne règle pas les désaccords stratégiques et politiques par des sanctions administratives infondées".

C'est aussi le cas de Clémentine Autain qui s'est dit "atterrée par cette sanction". Invitée de France Inter, la députée de Seine-Saint-Denis a estimé qu'il ne fallait pas résoudre "des divergences politiques par des sanctions bureaucratiques". "Le parti ne se renforce pas en s'épurant", a-t-elle estimé. "La logique qui sous-tend tout cela, c'est l'idée que le clan irait avant le mouvement", a-t-elle poursuivi, en référence à Jean-Luc Mélenchon et ses proches.

La frondeuse a également reçu le soutien de François Ruffin dans un message publié sur X. "Raquel Garrido est en désaccord sur l'absence de démocratie dans La France insoumise. Et comment notre mouvement, qui prône la VIe République, lui répond ? Non par un débat, mais par une sanction", note l'élu de la Somme. Ce dernier dénonce une sanction "arbitraire" et opaque : "La direction de mon groupe (...) pourrait-elle nous fournir la grille tarifaire en cas de divergence ?" conclut-il ironiquement. 

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