Comment la guerre entre Israël et le Hamas exacerbe les divisions au sein de La France insoumise

La députée insoumise Danièle Obono se retrouve au cœur d'une polémique après avoir qualifié mardi le Hamas de "mouvement de résistance". De quoi agacer les partenaires de gauche du mouvement, mais aussi certains de ses collègues LFI.
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Les députées de La France insoumise Danièle Obono (à gauche) et Mathilde Panot (à droite) à l'Assemblée nationale à Paris, le 4 octobre 2023. (ANDREA SAVORANI NERI / NURPHOTO / AFP)

La sortie de trop ? Après des jours de polémique sur le refus initial de La France insoumise (LFI) de qualifier le Hamas d'organisation "terroriste", les propos de Danièle Obono désignant le Hamas comme un "groupe politique islamiste qui a une branche armée", sur Sud Radio mardi 17 octobre, ont remis de l'huile sur le feu. En cause, le "oui" de la députée LFI de Paris à la question posée par Jean-Jacques Bourdin lui demandant si le Hamas était "un mouvement de résistance". De quoi échauffer immédiatement les esprits des adversaires du parti de gauche radicale. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a ainsi annoncé quelques heures plus tard avoir saisi le procureur de la République "pour   apologie du terrorisme".

Les propos de la députée de Paris ont aussi été condamnés par les alliés de LFI au sein de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). "J'enrage", a ainsi réagi Olivier Faure, le patron des socialistes, sur le réseau social X, jugeant ces déclarations "scandaleuses", quelques heures après avoir proposé un "moratoire" sur la participation du PS à la Nupes. "Ça suffit", a de son côté écrit, également sur X, Marine Tondelier, la cheffe des Ecologistes, estimant que "ce qu'il s’est passé le samedi 7 octobre en Israël n'avait rien à voir avec de la 'résistance'".

Des prises de distance au sein de LFI

Le trouble s'est immiscé jusque dans les rangs de La France insoumise. Certains, à l'intérieur du mouvement, s'interrogent sur l'attitude de leurs dirigeants face à ce conflit. La députée Clémentine Autain a ainsi qualifié "de faute politique", dimanche sur RTL, le fait que LFI n'ait pas employé le mot "terroriste" pour qualifier le Hamas.

Dans les couloirs de l'Assemblée nationale, mardi, la députée de Seine-Saint-Denis Raquel Garrido faisait part d'une "certaine frustration" planant "chez les insoumis historiques". "Nous sommes en échec, les états-majors sont en échec", ajoutait-elle, estimant que son parti n'arrivait "pas à délibérer pour une ligne qui fédère". Elle a invité sa collègue Danièle Obono à "retirer ses propos". "Le Hamas n'est PAS un mouvement de résistance", a renchéri le député LFI Alexis Corbière dans un tweet que François Ruffin a dit "partager".

Juste après l'attaque du Hamas contre Israël, c'était l'inverse : Alexis Corbière avait "partagé" le tweet de l'Amiénois sur "la condamnation totale de l'attaque du Hamas".

Les dirigeants insoumis font bloc

Pas de quoi faire trembler les dirigeants insoumis, qui disent voir là un stratagème pour remettre en cause l'union des gauches. Mathilde Panot, la patronne des députés insoumis, a ainsi jugé en conférence de presse que "ce qui est problématique, c'est de ne pas respecter le programme pour lequel nous avons toutes et tous été élus". "Celles et ceux qui veulent aujourd'hui détruire cette alternative à la macronie et à l'extrême droite sont irresponsables", a ajouté Danièle Obono sur X.

Par ailleurs, de nombreux collègues de Danièle Obono se sont refusés à dénoncer ses propos et ont réitéré leur agacement vis-à-vis du reste de la classe politique et des médias. "Pourquoi La France insoumise est-elle tout le temps sommée de se justifier par rapport au Hamas ? Dans le même temps, alors que des débats existent en Israël, il est impossible d'avoir en France des débats sur les causes politiques et sur le soutien accordé par le gouvernement israélien au Hamas. En vérité, depuis 10 jours, nous sommes la cible d'injonctions et de menaces judiciaires, qui n'existent dans aucune autre démocratie libérale", fustige le député LFI Arnaud Le Gall auprès de franceinfo.

"Tout ce débat vise uniquement à empêcher toute discussion sur l'origine du conflit, partagée, avec des crimes commis des deux côtés."

Arnaud Le Gall, député La France insoumise

à franceinfo

Force est de remarquer qu'en interne, les rares voix qui dévient de la ligne majoritaire sur le conflit actuel sont avant tout celles qui ont été évincées de la direction du mouvement, fin 2022, comme Clémentine Autain, Alexis Corbière, François Ruffin et Raquel Garrido.

L'attitude de Jean-Luc Mélenchon critiquée jusqu'en interne

De manière inédite, le rôle de Jean-Luc Mélenchon est directement ciblé, un an et demi après le départ de ce dernier de l'Assemblée nationale. "Jean-Luc Mélenchon a mis de la friture sur la ligne, c'est une erreur", a fustigé Raquel Garrido, mardi.

La députée de Seine-Saint-Denis rejoint là les critiques des partenaires de la Nupes, qui dénoncent depuis plusieurs jours l'attitude de l'ancien candidat à la présidentielle. "Jean-Luc Mélenchon (...) ne peut plus prétendre être celui qui incarne l'ensemble de la gauche et de l'écologie", a ainsi critiqué Olivier Faure, patron du PS, mardi sur France Inter.

L'appel du premier des socialistes va-t-il percer la muraille LFI ? La crise actuelle va-t-elle conduire une partie des troupes insoumises à fracturer le collectif de 75 députés ? Le Figaro a évoqué dimanche des discussions chez une partie d'entre eux pour tenter de créer un nouveau groupe, dont le plancher est fixé à 15 parlementaires. "Cette rumeur vient des gens qui veulent m'exclure", balaie Raquel Garrido, qui n'en démord pas : "Je suis et resterai insoumise." "Ces insoumis-là sont très inquiets, raconte un député socialiste à franceinfo. Mais je ne sais pas si, le moment venu, ils seront prêts à sauter le pas." Et ainsi affaiblir la force motrice de la Nupes.

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