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La "coagulation", ce cyclone qui se rapproche de François Hollande

Patrons, salariés, agriculteurs, opposants au mariage pour tous, militants d'extrême gauche, lycéens… Différentes franges de la société s'élèvent en même temps contre la politique du chef de l'Etat.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le président de la République, François Hollande, lors d'un déplacement à Bratislava (Slovaquie), le 29 octobre 2013. (ISIFA / SIPA)

Et si le cauchemar de François Hollande était en train de devenir réalité ? Quelques jours après la manifestation des bonnets rouges à Quimper (Finistère), samedi 2 novembre, une inquiétude croissante se lit sur le visage de la majorité. Partie d'une contestation très ciblée, celle des transporteurs et des agriculteurs contre l'écotaxe, la mobilisation bretonne a surpris, d'abord par son ampleur, mais aussi et surtout par sa composition très hétéroclite.

Sous le même bonnet rouge, des patrons, salariés, retraités, opposants au mariage pour tous, identitaires, indépendantistes bretons et des militants d'extrême gauche se sont retrouvés dans la même ville, au même moment, avec des motivations différentes, mais un objectif commun : s'élever contre la politique de François Hollande.

Gare à la "coagulation"

"Le concept, au centre des préoccupations du président français depuis les grandes mobilisations contre le mariage homosexuel, porte un nom, celui de coagulation", résume Julien Ponthus, journaliste pour l'agence de presse Reuters. "Ce concept désigne le moment où des mouvements de contestation aux intérêts potentiellement opposés (…) se muent en crise politique majeure, que seules des initiatives politiques radicales parviennent à désamorcer."

Et Julien Ponthus d'ajouter, à juste titre, que "la révolte bretonne contre l'écotaxe contient tous les ingrédients du cauchemar politique que François Hollande s'efforce de conjurer depuis son élection : une agrégation spontanée de multiples franges de la société contre son action".

Vent de panique dans les rangs socialistes

Dans les rangs du PS, cette hétérogénéité préoccupe effectivement au plus haut point. "Quand des gens aussi différents manifestent ensemble, c'est inquiétant, et cela illustre une situation incandescente", s'alarme le député Laurent Baumel. "Il y a un ras-le-bol de tout", se désole sa collègue Sophie Dessus, qui a hérité de la circonscription de François Hollande en juin 2012.

Elu dans l'Isère depuis 1997, François Brottes parle d'un "vent de désespérance qui touche tout le monde, et qui entraîne un vent de colère". Figure de l'aile gauche du PS, Jérôme Guedj évoque lui "un besoin d'exutoire"Guy Delcourt, député du Pas-de-Calais, décrit "un cocktail inquiétant" et "craint une contagion".

Un risque de contagion qui explique les reculades

François Hollande lui non plus "n'ignore pas la possibilité d'une contagion du mouvement breton à d'autres régions", assure un ministre à francetv info. "Il y a toujours un risque de voir éclater quelque chose que l'on n'a pas vu venir", répète-t-il d'ailleurs lui-même depuis plusieurs mois. 

Méfiant face à ce risque de "coagulation", le chef de l'Etat est donc contraint de jouer au démineur. Face aux "pigeons", il a d'abord fait marche-arrière sur la taxation des plus-values pour les entrepreneurs. Face aux "poussins", ensuite, il a reculé sur la réforme du statut de l'autoentrepreneur. Face à la grogne de la Manif pour tous, il a renvoyé aux calendes grecques la PMA et la GPA. Face aux menaces du Medef, il a reculé sur la réforme de l'impôt sur les grandes entreprises. Face aux lycéens, il a proposé le retour en France de la jeune Leonarda. Face aux bonnets rouges, il a décidé de suspendre l'écotaxe

Problème : ces reculades à répétition ont contribué à affaiblir son autorité. Or, plus l'autorité d'un chef périclite, plus sa légitimité est remise en cause, et plus les critiques à son égard se multiplient… et ainsi de suite. "On est pris dans une spirale infernale dont il va être difficile de se sortir", prédit un poids lourd du groupe socialiste à l'Assemblée nationale. "Je ressens un grand désarroi de la part de ceux qui nous ont élus, note un ministre, interrogé par Reuters. Au point où on en est, je me demande vraiment comment on va s'en sortir." Une question qu'au fil des jours, de plus en plus de socialistes se posent.

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