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Violences sexuelles faites aux enfants : "Les commissions permettent de détourner le regard", déplore l'avocate de l'association Innocence en danger

"Il faut arrêter de faire de la commission" estime dimanche sur franceinfo Maître Marie Grimaud, avocate de l'association Innocence en danger, après l'annonce de la création à l'automne d'une commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants. 

Article rédigé par franceinfo
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Maître Marie Grimaud, lors du Procès Fiona au Puy-en-Velay en février 2018 (YVES SALVAT / MAXPPP)

"C'est une annonce faite dans le vent", a réagi dimanche 2 août sur franceinfo Me Marie Grimaud, avocate de l’association "Innocence en danger", après l'annonce par le secrétaire d'Etat chargé de l'Enfance et des Familles, Adrien Taquet, dans le Journal du dimanche, de la création d'une commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants l'automne prochain. Pour Me Marie Grimaud, "cela fait des années que nous avons des commissions, la dernière remontant à 2018, il y a eu énormément de rapports de commission des lois de la part du Sénat, des expertises du CNRS ont été publiées en 2017, des études statistiques ont été publiées en mai 2020 sur les violences sexuelles faites aux enfants".

Et pourtant, selon l'avocate de l’association "Innocence en danger", "en des années, rien n'a changé" et "les commissions permettent de détourner le regard de tous les dysfonctionnements" qui peuvent exister. "Il faut arrêter de faire de la commission, il faut arrêter de parler de cela en petit comité et agir sur le terrain", a-t-elle réclamé.

Des professionnels "qui n'ont pas été formés"

Me Marie Grimaud a regretté que "sur le terrain, les enfants vivent toujours la même difficulté". Elle a expliqué que "les violences sexuelles faites aux enfants ne sont pas un tabou en tant que tel, aujourd'hui il ne s'agit pas d'en parler davantage, mais d'en parler auprès des bons professionnels". "La justice, les médecins, la police se retrouvent en difficulté non pas dans l'appréhension de cette thématique des violences sexuelles, mais sur comment on la traite, comment on mène une enquête, comment on prend la parole d'un enfant, comment on signale", a-t-elle indiqué.

Pour l'avocate, "le problème, c'est que tous ces professionnels existent mais n'ont pas été formés"."

Au sein de l'Ecole nationale de magistrature, seulement quelques heures sont attribuées à l'enfance maltraitée.

Maître Marie Grimaud

à franceinfo

L'avocate poursuit : "au niveau des facs de médecine, il n'y a plus de module de formation autour du signalement et des violences sexuelles ; au niveau des policiers, il y a des formations obligatoires qui ne sont pas respectées par un certain nombre de brigades des mineurs ; et au niveau des avocats nous avons zéro formation en matière d'accompagnement  de la défense d'un enfant victime", a-t-elle précisé.

L'absence des "bons acteurs" dans la commission ?


Me Marie Grimaud a assuré avoir enregistré "sur le mois d'octobre, pas moins d'une dizaine de dossiers de dénonciations, de suspicions d'inceste au sein de mon cabinet et sur l'ensemble de ces dossiers, je n'ai pas encore eu de perquisition, ni d'interpellation et nous sommes à plus de 9 mois du dépôt des plaintes". "Dans la plupart de ces dossiers, cela va se finir en classement sans suite sans que le mis en cause soit auditionné", a-t-elle pointé du doigt.


L'avocate a par ailleurs réclamé des moyens supplémentaires, ou du moins une meilleure répartition des fonds : "Cette commission qui va être créée va recevoir des fonds, ces fonds vont aller à un moment donné à des psychologues, des médecins, qui sont toujours les mêmes d'ailleurs interrogés dans le cadre de ces commissions", a-t-elle expliqué. Me Marie Grimaud a estimé qu'il "est grand temps de venir alimenter financièrement l'ensemble du processus de formation des professionnels, il est grand temps d'aller chercher les bons acteurs". "Les acteurs du terrain qui viennent faire une critique du système ne sont jamais présents dans ce genre de commission", a-t-elle regretté. Elle s'est dit "prête à mettre à disposition un certain nombre de dossiers qui sont une honte pour notre justice".

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