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On vous explique la polémique sur Avenir lycéen, le syndicat accusé d'être la marionnette de Jean-Michel Blanquer

Selon "Libération", ce syndicat lycéen a été créé en 2018 par la rue de Grenelle pour appuyer la réforme du bac. D'après Mediapart, la petite structure aurait en outre englouti une bonne partie de ses subventions publiques en dépenses somptuaires. 

Article rédigé par franceinfo
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Le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, fait un point sur l'épidémie de Covid-19, le 12 novembre 2020 à Paris.  (XOS? BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Les révélations se succèdent sur Avenir lycéen. Selon le quotidien Libération, ce "syndicat lycéen" aurait été monté de toutes pièces au ministère de l'Education nationale pour servir la communication de Jean-Michel Blanquer. Le site d'information Mediapart avait déjà révélé que cette petite structure avait dilapidé une bonne part de ses subventions publiques en bars, hôtels de luxe ou restaurants. Le ministre, lui, se défend en parlant d'une "affaire autour de rien". Explications.

Quelles sont les révélations de la presse ?

Ces informations viennent de Mediapart (lien abonnés) et du quotidien Libération (lien abonnés). Le 9 novembre, Mediapart révèle ainsi qu'Avenir lycéen aurait dépensé une bonne partie des 65 000 euros de subventions reçues en 2019 en frais de bouche, déplacements et autres dépenses dans des bars et hôtels de luxe. "Le 19 novembre 2019, écrit le site, cette petite association aux positions pro-gouvernementales, qui vivotait avec 138 euros en caisse, a vu atterrir sur son compte en banque la coquette somme de 65 000 euros en provenance du ministère." En contrepartie, Avenir lycéen était censé organiser "son congrès fondateur, qui aurait dû concentrer les deux tiers de la subvention (40 056 euros), selon la convention d'objectifs signée avec le ministère. Sauf que le fameux congrès n'a jamais eu lieu", poursuit Mediapart.

"Par contre, une bonne partie de l'enveloppe publique a été engloutie en frais de bouche, déplacements et autres dépenses dans des bars (alcool compris) et hôtels de luxe, sans que le ministère, tenu de contrôler les états financiers de l'association, n'y trouve à redire malgré plusieurs alertes orales et écrites."

Le site d'information Mediapart

dans un article du 8 novembre 2020

Voilà pour l'acte 1 et les révélations d'ordre financier. L'acte 2, les révélations de Libération dans une longue enquête publiée samedi 21 novembre, portent sur le fonctionnement même du syndicat. Libération assure que l'idée de créer Avenir lycéen, en 2018, "a germé rue de Grenelle, dans l'entourage proche de Jean-Michel Blanquer, pour servir la communication du ministre, et surtout rompre tout dialogue avec les syndicats lycéens" opposés à ses réformes, notamment celle du bac. Clairanne Dufour, "l'une des fondatrices d'Avenir lycéen", y évoque notamment le souhait du gouvernement de donner "de la visibilité aux élus des instances lycéennes, qu'il estimait plus légitimes""Sauf que, et j'ai mis du temps à le comprendre, le vrai objectif du ministre était de s'en servir pour exclure les autres syndicats", pointe-t-elle.

Fondé sur de nombreux témoignages, l'article affirme que le numéro 2 du ministère à l'époque, le directeur général de l'enseignement scolaire Jean-Marc Huart, était étroitement lié aux responsables d'Avenir lycéen et que des rectorats participaient à l'écriture de communiqués du syndicat, systématiquement favorables aux réformes du ministère.

"C'est dégueulasse. On nous a utilisés, brossés dans le sens du poil en nous filant plein d'argent. Sans contrôle, encadrement, ni rien. Et aujourd'hui, des mineurs sont suspectés de détournement de fonds. Cette histoire est folle", dit encore Clairanne Dufour.

Que répond le ministre ?

Jean-Michel Blanquer s'est défendu sur RTL dimanche 22 novembre : "Si quelqu'un regarde de près ce qui est dit dans ces articles, (…) on voit bien que Libération et Mediapart essaient de faire une affaire à partir de rien." Interrogé pour savoir si lui ou le ministère avaient instrumentalisé ce syndicat, il a rétorqué : "Bien sûr que non." Sur la question d'une éventuelle commission d'enquête, réclamée par La France insoumise, il a répondu : "Pourquoi pas une commission d'enquête ? Ça peut être intéressant. J'aime bien quand il y a des enquêtes, c'est très important pour la démocratie." Le ministre a aussi tenté de minimiser les éventuelles dérives financières chez Avenir lycéen.

"Vous avez juste des lycéens qui ont peut-être dépensé de manière inopinée l'argent qu'ils avaient. J'ai tout de suite demandé une enquête là-dessus. Ce n'est pas davantage que cela."

Jean-Michel Blanquer

sur RTL

Mais le lendemain, lundi 23 novembre, le ministère a admis dans un communiqué les "pratiques financièrement inacceptables" d'Avenir lycéen.

"En 2020, un ou plusieurs membres de l'association semblent avoir eu des pratiques financièrement inacceptables (fréquentation de grands restaurants et hôtels notamment)."

Le ministère de l'Education nationale

dans un communiqué

"A la suite d'une deuxième alerte sur la possible mauvaise utilisation de fonds par certains membres de l'association, parue dans l'article de Mediapart", le ministère "a diligenté un contrôle sur pièces afin de déterminer la nature des dépenses de l'association, leur volume, leur lien avec les actions subventionnées et l'existence d'éventuels errements personnels ou collectifs. Ce contrôle a été engagé formellement le 12 novembre", poursuit le communiqué.

"Les conclusions de ce contrôle sont attendues pour mi-décembre. A l'issue de ce contrôle sur pièces, il conviendra de se prononcer sur le remboursement de tout ou partie de la subvention et sur d'éventuelles suites pénales. La convention pour 2020 n'ayant pas été conclue, la subvention pour 2020 n'a pas été versée", affirme le texte.

Comment se défend Avenir lycéen ?

"Personne ne nous a manipulés. A aucun moment quiconque au ministère de l'Education nationale n'a 'utilisé' notre mouvement", répond Avenir lycéen, dans un communiqué publié le 21 novembre et signé d'un de ses cofondateurs, Nathan Monteux. "La vérité est nettement moins polémique, n'en déplaise à certains, nous déplorons ces témoignages mensongers ainsi que leur instrumentalisation", écrit-il. "Nombreux ont été ceux qui n'étaient engagés dans aucun parti et qui au contraire ont trouvé dans Avenir lycéen un mouvement qui n'avait pas d'autre préoccupation que le lycée lui-même, sans aucune volonté de s'engager dans la politique nationale", poursuit celui qui fut un temps responsable communication des Jeunes avec Macron dans le Rhône, comme le rappelle Le Parisien.

Quelles sont les réactions ?

L'affaire a suscité l'indignation à gauche et chez les organisations syndicales. Des élus de La France insoumise et du Parti communiste ont réclamé, vendredi 20 novembre au soir, une commission d'enquête parlementaire. "Nous déposons ce soir une proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête sur l'activité du syndicat Avenir lycéen, ses liens avec le pouvoir exécutif et les actions de contrôle du ministère de l'Education nationale sur ses membres et son action", ont indiqué les élus "insoumis".

L'article de Libération a également provoqué la colère des syndicats lycéens, dont certains ont directement pointé du doigt Jean-Michel Blanquer. Dans un communiqué, la Fidl (Fédération indépendante et démocratique lycéenne) a dénoncé un "dévoiement total de la cause syndicale et une insulte faite aux jeunes dont le ministère aurait organisé l'étouffement de la parole". Elle a exhorté Jean-Michel Blanquer à saisir la justice pour qu'une enquête judiciaire soit ouverte. Le Mouvement national lycéen (MNL), lui, voit dans Avenir lycéen "une entreprise politique n'ayant pas hésité à manipuler certains de nos jeunes camarades lycéens (…) afin de servir les intérêts du ministre".

Quant à l'Union nationale des lycéens (UNL), elle a annoncé une plainte après les premières révélations de Mediapart. "Tout prouve l'implication de Blanquer dans l'instrumentalisation d'Avenir lycéen", écrit sur Twitter le président du mouvement, Mathieu Devlaminck.

L'article a également fait réagir le syndicat enseignant Snes-FSU, première organisation du secondaire, qui a appelé à faire toute la lumière sur ce "coupable mélange des genres" afin d'établir si l'administration avait agi "sur ordre ou sur pression politique".

Enfin, 33 députés LREM ont publié en réaction à ces révélations, lundi 23 novembre, une tribune sur le site Atlantico pour soutenir le ministre de l'Education nationale. Ils dénoncent notamment une manœuvre de "l'extrême gauche" visant à déstabiliser Jean-Michel Blanquer. 

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