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Jean Castex peut-il vraiment affirmer qu'il ne vient pas "du sérail" politique ?

"Ne pas venir du sérail peut aussi être un atout quand on sait que la classe politique est discréditée", a déclaré le Premier ministre au "Figaro", mardi. Il connaît pourtant bien les arcanes du pouvoir, après avoir fréquenté plusieurs ministères et l'Elysée, sous Nicolas Sarkozy.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le Premier ministre Jean Castex lors du défilé du 14-Juillet, à Paris, le 14 juillet 2020. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Jean Castex a prononcé son discours de politique de générale, mercredi 15 juillet, devant les députés. Au cours de ce grand oral, il a présenté la feuille de route de son gouvernement pour les prochains mois et exposé sa méthode, qu'il a déjà laissé entrevoir depuis son arrivée à Matignon, en multipliant les déplacements, de Dijon à la Guyane. "Je ne m'imagine pas me couper des Françaises et des Français, il faut aller parler aux gens", avait-il justifié dans un entretien au Figaro publié mardi 14 juillet. Il en a profité pour glisser un commentaire qui a interpellé, sur son parcours.

Ne pas venir du sérail peut aussi être un atout quand on sait que la classe politique est discréditée. Et chaque jour qui passe je suis un peu plus dans la classe politique !

Jean Castex

au "Figaro"

Le Premier ministre peut-il vraiment affirmer "ne pas venir du sérail" ? Le député communiste André Chassaigne lui reprochait au contraire d'être un "technocrate du sérail", le 3 juillet, au moment de sa nomination. Qu'en est-il dans les faits ? Comme franceinfo le rappelait, Jean Castex est diplômé de Sciences Po Paris. En sortant de l'ENA en 1991, le petit-fils du sénateur Marc Castex a été admis comme conseiller-maître à la Cour des comptes. Il occupe ensuite des postes en régions  (directeur des Affaires sanitaires et sociales dans le Var, secrétaire général de la préfecture de Vaucluse et président de la Chambre régionale des comptes d'Alsace), avant de rejoindre des ministères, à partir de 2005.

Directeur de cabinet puis secrétaire général adjoint de l'Elysée

Le haut fonctionnaire a notamment été le directeur de cabinet de Xavier Bertrand lorsque celui-ci était ministre de la Santé (2005-2006), sous la présidence de Jacques Chirac, et ministre du Travail (2007-2008), sous Nicolas Sarkozy. Quand ce dernier était chef de l'Etat, Jean Castex a également été son conseiller social, en 2010.

Jean Castex, alors conseiller social de Nicolas Sarkozy, parle à l'oreille de Claude Guéant, alors secrétaire général de l'Elysée, à Paris, le 6 janvier 2011. (CHARLES PLATIAU / AFP)

Quelques mois plus tard, en février 2011, il a été promu secrétaire général adjoint de l'Elysée. Un poste qu'il a occupé jusqu'à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy. C'est "quelqu'un pour lequel Nicolas Sarkozy a beaucoup de respect, d'amitié, et même d'affection", a réagi l'entourage de l'ancien président lors de la nomination de Jean Castex à Matignon, rapporte LCI.

En 2017, Jean Castex a été nommé délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 à Paris, après l'élection d'Emmanuel Macron. Il a coordonné les actions de divers ministères liés à ces événements (sécurité, transport, écologie, sports, etc.) Un poste grâce auquel il a affiné sa connaissance des ministères, selon Yves Delcor, son premier adjoint à la mairie de Prades. "Il connaît parfaitement tous les interlocuteurs clés dans chaque ministère, que ce soit dans le domaine de la santé, bien sûr, mais aussi les écoles, les territoires, l'urbanisme, la cohésion sociale ou les finances", détaille ce dernier auprès de France 3 Occitanie.

Doublé par Castaner à Beauvau

Lorsque Gérard Collomb a quitté la place Beauvau, en octobre 2018, Jean Castex a un temps été pressenti pour devenir ministre de l'Intérieur, selon le JDD. C'est Christophe Castaner, macroniste historique, qui décroche finalement ce poste stratégique et exposé.

Jean Castex s'est fait connaître du grand public lorsque le gouvernement l'a chargé de coordonner le déconfinement, dans la crise sanitaire provoquée par le coronavirus. Edouard Philippe, alors Premier ministre, l'a présenté comme "un haut fonctionnaire qui connaît parfaitement le monde de la santé et qui est redoutable d'efficacité". "Jean Castex est conforme à la jurisprudence que l'exécutif va appliquer désormais : des experts, mais avec un bagage politique", relevait dans les colonnes du Monde "un poids lourd de la majorité".

Outre ses nombreux postes au sommet de l'Etat, Jean Castex est, depuis 2008, maire de Prades, commune des Pyrénées-Orientales de quelque 6 000 habitants. Il a été réélu dès le premier tour avec 75,72% des voix lors des dernières élections municipales. Un ancrage mis en avant par Emmanuel Macron lors de son interview du 14-Juillet, évoquant un "élu de terrain, pas d'une grande ville", qui possède "une culture du dialogue social" et "connaît la vie des élus locaux, les partenaires sociaux, la santé et les arcanes de notre modèle social".

"Pas tous les marqueurs du professionnel de la politique"

"Il y a évidemment une dimension de communication politique" dans les propos de Jean Castex au Figaro, commente auprès de franceinfo Arnaud Mercier, professeur de communication politique à l'université Panthéon Assas-Paris 2. "Être du sérail" est une "expression assez floue", qui est devenue "infamante", selon ce spécialiste. Jean Castex, en disant cela, tente "d'affirmer qu'il n'a pas les défauts que certains reprochent à Emmanuel Macron depuis qu'il est président, c'est-à-dire, un professionnel de la politique, déconnecté de la vie des gens. Un carriériste en somme", commente-t-il.

Pour cet expert, Jean Castex "a un cursus habituel Sciences Po Paris, l'ENA, haut fonctionnaire". Mais "dans ce moule classique", il a malgré tout un "parcours atypique", car "il n'a pas tous les marqueurs du professionnel de la politique" dans la mesure où "il n'a pas été député ou sénateur, il n'a pas été ministre, il n'a pas eu de fonctions importantes au sein du parti où il était inscrit", relève-t-il. Une nuance qui peut difficilement faire oublier sa trajectoire, dans l'ombre, mais au cœur du pouvoir.

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