Christophe Castaner élu patron des députés LREM : "Cette élection est l'illustration des divisions qui traversent le parti" estime un politologue
Olivier Costa, politologue et directeur de recherche au CNRS, revient sur l'élection de justesse de l'ancien ministre de l'Intérieur à la tête du groupe LREM à l'Assemblée nationale. Le signe selon lui de divisions au sein du parti.
L'ancien ministre Christophe Castaner a été élu président du groupe de La République en Marche à l'Assemblée nationale jeudi 10 septembre, après un second tour face à Aurore Bergé. L'ex-ministre de l'Intérieur obtient 55% de voix, soit 25 votes d'écart avec la députée des Yvelines. "Le fait que Christophe Castaner ait été élu avec une si faible majorité montre bien qu'il y a des impatiences au sein du groupe", analyse sur franceinfo Olivier Costa, politologue et directeur de recherche au CNRS.
franceinfo : Christophe Castaner, élu avec une aussi faible majorité à la présidence du groupe, cela peut-il ressouder la République en marche ?
Olivier Costa : Non, je ne pense pas. Cette élection difficile est l'illustration des divisions qui traversent le parti. Très clairement tout le monde est en train de penser à 2022. Un certain nombre de députés En Marche se demandent comment ils vont pouvoir se présenter devant les électeurs et essaient peut-être d'avoir aujourd'hui un discours un peu plus critique, pour dire "nous n'avons pas simplement été des députés godillots qui étaient là pour voter tout ce qu'on nous présentait, mais on a aussi essayé de contrôler, de se faire entendre". C'était clairement la ligne politique qu'essayait d'adopter Aurore Bergé dans sa campagne en disant : "On va récupérer un peu d'indépendance vis-à-vis du gouvernement, contrôler ce gouvernement, se faire entendre". Elle n'a pas pu gagner, mais le fait que Christophe Castaner ait été élu avec une si faible majorité montre bien qu'il y a des impatiences au sein du groupe.
Ça veut dire que cette ligne d'Aurore Bergé n'est pas majoritaire ?
Le problème, c'est qu'il n'y a pas d'alternative. Finalement, trois ans après l'élection présidentielle, on a toujours En Marche, qui est d'une certaine manière le parti d'un seul homme. On en revient toujours à la personne d'Emmanuel Macron qui est là pour donner le La de ce parti politique et on a une espèce de vide quant au fonctionnement de ce parti qui n'arrive pas à trouver réellement sa ligne. On a vu un certain nombre de députés En Marche quitter le groupe pour aller siéger dans des petits groupes à gauche et à droite, ou au MoDem, mais au sein du groupe, on n'a toujours pas de vraie opposition ou de vraie alternative qui émergent.
Sur le fond, est ce que cela ne signe pas aussi l'impasse d'une forme de ni droite ni gauche ?
On a des députés En Marche qui sont des gens qui viennent de la gauche, qui militaient au PS. On sent que Christophe Castaner s'accommode très bien de la situation, mais d'autres ne s'en accommodent pas et n'arrivent pas à trouver leur position en tant que député En Marche, face à un gouvernement dont tous les poids lourds sont issus de la droite. Le vrai enjeu, ça va être finalement pour le Premier ministre Jean Castex d'arriver à s'affirmer comme le chef de la majorité, ce qu'Édouard Philippe n'avait jamais réellement voulu faire. Jean Castex a dit clairement qu'il voulait ressouder la majorité à l'Assemblée nationale pour apparaître réellement comme le chef de cette majorité : c'est à dire le groupe En Marche, mais aussi les petits groupes à gauche et à droite, éventuellement le groupe du MoDem. Ce n'est pas gagné parce que Jean Castex a un profil marqué très à droite, et ça va être compliqué pour les députés En Marche issus de la gauche.
Le grand mot qu'on entend dans la bouche de Jean Castex et de tant d'autres dans la majorité ces derniers jours, c'est coalition. Est-ce que cela signifie une dilution du groupe En Marche et de son originalité du début dans une pratique politique classique ?
Coalition, tout simplement parce que le groupe En Marche à lui seul n'a plus la majorité au sein de l'Assemblée nationale, et qu'il y a des textes importants à faire passer dans les temps qui viennent : la réforme des retraites, ce nouveau texte sur la lutte contre les séparatismes, etc... Jean Castex va devoir trouver les moyens d'avoir un support : le soutien systématique de la part du groupe En Marche, mais aussi des groupes qui sont issus d'En Marche et du MoDem. Je pense qu'on va rentrer dans une phase où les choses vont se renégocier. Jean Castex a réussi à avoir une majorité pour son vote d'investiture, mais ça risque d'être différent sur les lois. Ce qui pend au nez du gouvernement, c'est de se retrouver avec des difficultés à faire passer ses textes à l'Assemblée nationale, comme cela avait été le cas aussi pour François Hollande à l'époque où il y avait les frondeurs.
Ça existe encore En Marche ?
C'est une très bonne question. On a bien vu aux élections municipales les faibles ressources d'En Marche, qui a eu de grandes difficultés à mobiliser les acteurs sur le terrain, les adhérents et les militants. Tout simplement, les forces sont parties parce que le parti politique n'a pas tenu ses promesses en termes de démocratie et de participation. Ça reste une structure très verticale, essentiellement pilotée par l'Élysée. Quand vient le temps des élections, il faut des troupes, il faut des gens sur le terrain. Et là, c'est la grande question, le grand point d'interrogation pour 2022.
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