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Pourquoi Manuel Valls n'a pas réussi à faire rentrer les frondeurs au bercail

En avril, 11 députés socialistes avaient décidé de ne pas voter la confiance au premier gouvernement Valls. Mardi, ils étaient 31. Certains d'entre eux expliquent leur geste à francetv info. 

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le Premier ministre, Manuel Valls, le 16 septembre 2014 à l'Assemblée nationale, à Paris. (PATRICK KOVARIK / AFP)

Séminaire, dîner, annonce d'un geste sur les petites retraites... Ces derniers jours, le Premier ministre, Manuel Valls, n'a pas ménagé sa peine pour étouffer la fronde d'une partie des députés socialistes avant le vote de confiance. Mardi 16 septembre, le Premier ministre a même prononcé un discours de politique générale rassembleur, parsemé de gestes à l'attention de ces frondeurs. Pourtant, 31 députés socialistes ont décidé de s'abstenir. Le 8 avril, lors du vote de confiance au premier gouvernement Valls, ils n'étaient que 11.

Pourquoi l'opération de séduction du Premier ministre a-t-elle capoté ? Les mots de Manuel Valls ne sont pas en cause. "Il a fait un très bon discours", reconnaît Daniel Goldberg, l'un des 20 députés à avoir rejoint le camp des abstentionnistes. "C'était enfin clair sur les 35 heures, ce qui est toujours agréable à entendre", abonde son collègue Pierre-Alain Muet, qui a aussi remarqué "une inflexion sur l'Europe". Ce "frondeur malgré lui", comme il se définit, a voté la confiance, malgré son désaccord sur la politique économique du gouvernement. "Manuel Valls a fait un discours rassembleur, je me serai abstenu s'il y avait eu des choses choquantes", comme sur les chômeurs, explique l'élu du Rhône.

"On n'est pas là pour juger des performances d'acteur"

Mais, pour d'autres, les mots n'ont pas suffi à faire oublier les événements des derniers mois. "J'aurais bien voulu entendre le même discours à Jouy-en-Josas [lors de l'université d'été du Medef, dans les Yvelines], sur le fait que les entreprises, ce ne sont pas que les patrons, mais aussi les salariés", explique Daniel Goldberg. Frondeur historique, Pascal Cherki prend moins de gants : "Nous ne sommes pas des critiques de théâtre, nous ne sommes pas là pour juger des performances d'acteurs." 

Pour le député de Paris, l'opération séduction de Manuel Valls n'a pas résisté au "choc du réel". "L'idée que la politique menée ne marche pas grandit parmi les députés (...). Nous voyons l'absence de résultats de cette politique, sur tout : le chômage, le déficit, le pouvoir d'achat", développe Pascal Cherki. Pour l'élu, Manuel Valls paye aussi les déclarations polémiques de ces dernières semaines. "Chômeur-fraudeur, ça ne peut pas marcher à gauche", lance-t-il.

"Le bras d'honneur de Pierre Gattaz"

La rentrée politique a en effet laissé des traces. "Je suis le rapporteur de la loi Alur [sur le logement], qui a été écornée sans raison, regrette Daniel Goldberg. Quand certains promoteurs, parmi les plus libéraux, applaudissent et que la fondation Abbé Pierre critique cette mesure, tout député de gauche devrait se poser des questions. La politique menée pose des difficultés d'adhésion chez ceux qui nous ont soutenus", ajoute pudiquement le député pour évoquer la déception des électeurs de François Hollande.

Après avoir exprimé une "confiance vigilante" en avril, le député des Ardennes Christophe Léonard a, lui aussi, décidé de s'abstenir. Il fustige un contexte où le patron du Medef, "dopé par les déclarations d'amour un peu fleur bleue du Premier ministre, se trouve autorisé à appeler à un retour au XIXe siècle" sur les droits sociaux et où "l'on demanderait presque à un demandeur d'emploi de porter un bracelet électronique"

S'il a vu "certains signaux s'allumer", Christophe Léonard, seul député PS à s'être abstenu lors du vote du budget rectificatif en juillet, regrette que le Premier ministre n'ait pas parlé des contreparties au pacte de responsabilité demandées aux entreprises. Il rappelle l'époque où Pierre Gattaz promettait la création d'un million d'emplois. "On est passé d'un discours donnant-donnant à un discours bras d'honneur, puisqu'il nous invite à cesser de parler de contreparties", déplore cet élu proche des idées d'Arnaud Montebourg.

"La balle est dans le camp du Premier ministre"

Qu'ils aient voté pour ou décidé de s'abstenir, les députés interrogés par francetv info attendent le gouvernement au tournant sur le budget 2015, qui doit être présenté dans quelques semaines à l'Assemblée nationale. "Pendant le débat budgétaire, je serai sur des questions économiques où je ne suis pas complétement d'accord avec la politique menée", prévient Pierre-Alain Muet, qui estime qu'"on ne sort pas d'une récession profonde par une politique de l'offre". "Pour réorienter l'Europe, il faut d'abord réorienter notre politique économique", glisse-t-il. Christophe Léonard attend que les signaux envoyés par Manuel Valls se concrétisent dès le projet de loi budgétaire. "Je ne demande qu'à constater, qu'à voir sur pièce", explique-t-il.

Beaucoup rappellent que tous leurs collègues qui ont voté la confiance à Manuel Valls ne sont pas forcément d'accord avec la politique menée par le Premier ministre. "Nous ne donnons pas notre bénédiction", clament les députés Patrice Prat et Arnaud Leroy dans un communiqué. "Malgré toute la dramatisation et les menaces, nous avons triplé notre nombre. C'est l'expression d'un malaise profond, constate Pascal Cherki. La balle est dans le camp du Premier ministre. Aujourd'hui, il a une majorité relative et faible. Cela devrait le faire réfléchir".

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