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Ce qu'il faut retenir de la déclaration de politique générale de Manuel Valls

Le Premier ministre s'est adressé aux députés mardi pour présenter les grandes lignes de sa politique et demander leur confiance. Voici les points forts de son discours.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Manuel Valls à l'occasion de son discours de politique générale, mardi 16 septembre 2014, à l'Assemblée, à Paris. (PATRICK KOVARIK / AFP)

Pour la deuxième fois en cinq mois, le Premier ministre a présenté, mardi 16 septembre, les grandes lignes de sa politique devant l’Assemblée nationale, "un choix exigeant" qui n’avait rien d’obligatoire. En difficulté après une rentrée cauchemardesque et contesté au sein même de sa majorité, Manuel Valls a prononcé un discours bien différent du précédent (celui d'avril) devant un hémicycle plein à craquer.

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Voici ce qu’il faut retenir de ce deuxième grand oral.

Le style

Il y a cinq mois, le Premier ministre avait convoqué les mânes de son lointain prédécesseur Pierre Mendès-France (chef du gouvernement en 1954 et 1955) pour justifier sa politique. Il avait aussi adressé un hommage appuyé à celui à qui il succédait, Jean-Marc Ayrault. Rien de tel cette fois-ci : le Premier ministre n'a cité aucune référence personnelle, se contentant de quelques mentions du président de la République. Tendu, Manuel Valls a commis quelques fautes de langage inhabituelles. Les "prévisions" du gouvernement sont devenues "provisions", "votre confiance" s'est transformée en "votre action". Il a également buté sur des mots, comme "délocalisable".
 
Le Premier ministre a également affiché sa volonté de ne rien lâcher. Face au climat politique et économique, "quelle attitude faut-il adopter ? La fébrilité ? Le virage ? Le zigzag ? Le renoncement ?", a-t-il feint de s'interroger. "Non ! Gouverner, c’est résister. Gouverner, c’est tenir. Gouverner, c’est réformer. Gouverner, c’est dire la vérité. Gouverner, c’est aller chercher la confiance surtout quand c’est difficile", a-t-il martelé.

Le ton

Dès le début de son discours, le Premier ministre a versé dans le catastrophisme, peignant un tableau très sombre du monde. "Le contexte international est rempli de menaces. Les tensions avec la Russie ramènent l'Europe aux heures de la guerre froide", a déclaré Manuel Valls, avant de mentionner pêle-mêle "la guerre à Gaza", "les ravages d'Ebola" et la Méditerranée, "un cimetière pour des milliers de migrants".

Il s'est ensuite offert un long développement sur la "menace terroriste", "dont l'ampleur et l'évolution sont inédites". "Au moment où je vous parle, 930 Français ou résidants sur notre territoire, sont impliqués dans le terrorisme en Syrie et en Irak", a-t-il rappelé. "La France est pleinement mobilisée pour répondre à ce défi de sécurité, certainement le plus grand de ce début de XXIe siècle", a-t-il assuré.

A la fin de son discours, Manuel Valls a évoqué la situation de la France, là encore en termes graves. "La société est dure, souvent violente (...), le racisme, l'antisémitisme, l'intolérance, les actes anti-musulmans, anti-chrétiens, l'homophobie gagnent du terrain", a-t-il énuméré. Un constat déjà dressé il y a quelques jours devant les militants socialistes rassemblés à La Rochelle (Charente-Maritime).

La phrase

François Hollande s'était distingué avec l'anaphore "moi, président de la République". Son Premier ministre s'est offert une épiphore sur le thème de "nous ne faisons pas de l'austérité", un couplet déjà joué à La Rochelle devant la grogne des militants socialistes.

Valls face aux députés : "Oui ! Nous refusons le choix de l'austérité" (FRANCE TELEVISIONS)

"Quand nous créons 60 000 postes dans l'Education nationale, près de 5 000 dans la justice, la police et la gendarmerie, nous ne faisons pas de l'austérité", a-t-il déclaré, avant d'égrener la préservation du budget de la culture, l'augmentation du RSA de 10%, les emplois d'avenir, la garantie jeune, l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire et autres mesures marquées à gauche.

Auparavant, Manuel Valls avait également déclaré : "Oui, nous réformons, et nous allons continuer à le faire. Mais (...) réformer, ce n'est pas casser notre modèle social. Réformer, c'est affirmer des priorités en refusant l'austérité", a-t-il expliqué.

Les annonces

Cette deuxième déclaration de politique générale est aussi pauvre en annonces que la première était riche en nouvelles mesures. Voici les quatre mesures à retenir de ce discours :

Le minimum vieillesse est porté à 800 euros. Comme attendu, le Premier ministre a fait un geste en direction des petites retraites : le minimum vieillesse est porté de 792 euros par mois à 800 euros. Cette annonce n'en est pas tout fait une : dès le mois de mars, la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, avait annoncé cette revalorisation.

Une "prime exceptionnelle" pour les retraites inférieures à 1 200 euros mensuels. Dans la soirée, le Premier ministre a précisé que cette prime forfaitaire serait de 40 euros.

La baisse d'impôts 2015 bénéficiera à 6 millions de ménages. Le Premier ministre a annoncé que la baisse d'impôts promise pour l'année prochaine concernera 6 millions de ménages.

Les élections cantonales en mars 2015, les régionales à la fin de l'année. Manuel Valls a confirmé le calendrier électoral qui avait déjà fuité ces derniers jours. "Les élections départementales sont maintenues en mars 2015 (...), les élections régionales, avec la nouvelle carte, auront bien lieu fin 2015", a-t-il déclaré.

En fait, le Premier ministre a surtout énuméré ce que son gouvernement ne ferait pas : pas question de toucher aux 35 heures, de baisser le smic, les salaires dans la fonction publique ou de supprimer le CDI.

Les gestes aux frondeurs

Confronté à l'érosion de sa majorité, minée par les frondeurs qui dénoncent sa politique économique, le Premier ministre a fait une série de gestes pour apaiser leur colère. "Je veux dire à la majorité que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous distingue", a-t-il promis.

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"Réorienter l'Europe est vital." Lorsqu'il a évoqué l'Union européenne, Manuel Valls a tenu des propos pas si éloignés du discours de Frangy-en-Bresse, qui avait valu à Arnaud Montebourg d'être congédié du gouvernement. "Le rythme de réduction du déficit doit être aussi adapté en Europe", a estimé le Premier ministre, réclamant, entre les lignes, du temps pour atteindre les 3% fixés par les traités européens.

"La France décide elle seule de ce qu'elle doit faire", a ensuite lancé le Premier ministre en direction de Bruxelles et de l'Allemagne, qui réclament de concert davantage d'efforts budgétaires de la part de la France. Puis, il s'est directement adressé à la chancelière Angela Merkel : "Notre message [euro trop fort, relance de l'investissement dans l'UE] doit être entendu. L'Allemagne doit assumer ses responsabilités", a-t-il martelé.

L'avertissement au Medef. Après avoir rappelé l'importance de soutenir les entreprises, le Premier ministre s'en est pris à la principale organisation patronale, auteure de propositions polémiques sur l'économie française. "Le pacte de responsabilité, ce n'est pas un moyen d'augmenter les dividendes", a-t-il déclaré. "Personne – et je le dis clairement au patronat – ne doit prendre le risque d’affaiblir, par je ne sais quelle provocation, par je ne sais quelle surenchère, l’indispensable dialogue social qui est la marque de ce quinquennat", a-t-il lancé.

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L'ode au modèle social. Enfin, le Premier ministre s'est livré à une véritable déclaration d'amour au modèle français. "Ce modèle auquel je suis attaché, auquel les Français sont attachés, et qui est même une part de notre identité, l’héritage de deux siècles de conquêtes sociales. Ce modèle, il faut l’adapter, le réinventer, mais il n’a pas vécu, il n’est pas dépassé. Il est au cœur de notre pacte républicain", a-t-il assuré.

L'avertissement à la droite

A la fin de son discours, Manuel Valls a donné le coup d'envoi de la campagne présidentielle 2017. Il a d'abord fustigé le débat sur la démission de François Hollande ou la dissolution de l'Assemblée : "Appeler à la démission du chef de l'Etat, c'est mettre en cause nos institutions, c'est vouloir affaiblir la France", a-t-il accusé.

Il s'en est ensuite pris à la proposition de réaliser 150 milliards d'économies formulée par l'ancien Premier ministre François Fillon, candidat à la primaire à droite de 2016. "Tout est possible… Mais il faut dire la vérité aux Français et leur expliquer à quel prix et pour quels sacrifices ! Combien de suppressions de postes dans l'Education nationale ? Dans les hôpitaux ?" a-t-il lancé.

Manuel Valls a enfin réclamé "une vraie confrontation démocratique et utile pour les Français", "projet contre projet", "chiffrage contre chiffrage""Ce débat doit s’ouvrir pleinement, devant les Français, y compris avec un ancien président de la République", a-t-il déclaré, dans une allusion transparente à Nicolas Sarkozy.

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