: Vidéo L'Etat accélère la vente d'un bâtiment du CNRS à des promoteurs immobiliers
A vendre, terrain à bâtir, vue tour Eiffel, en bord de Seine… À Meudon, près de Paris, un site appartenant au CNRS, l’établissement public de recherche scientifique va être vendu à des promoteurs immobiliers privés. Une opération suivie au sommet de l’Etat, comme vous le raconte ce soir l'œil du 20H.
A Meudon, l'aile ouest du site du CNRS héberge une quarantaine de salariés. Notamment des ingénieurs qui fabriquent des pièces pour des télescopes, des robots ou des satellites.
Parmi eux, Nicolas Geyskens travaille ici depuis près de 20 ans. La vente des locaux du CNRS actée il y a 10 jours va précipiter le déménagement de son service… au détriment selon lui de certains projets de recherche. "Six semaines c'est court pour transférer tous les équipements, explique-t-il. Par exemple sur les instruments satellites installés sur avion, on décide pas de la date de départ de la fusée donc on peut pas se permettre d'être en retard", ajoute l'ingénieur de recherche mécanique au CNRS.
Un programme immobilier porté par Vinci et Kaufman & Broad
Voici ce qui doit remplacer le site du CNRS: une résidence de 217 logements, dont 43 logements sociaux, 1 commerce et des jardins. Un projet porté par Vinci et Kaufman and Broad. Le CNRS avait bien l’intention de vendre mais pas à n’importe quel prix. Un acte de vente avait d’ailleurs été rédigé en 2021. Le document que nous nous sommes procuré fixe le prix de la parcelle à 46 700 000 euros, conformément à une expertise indépendante commandée par le CNRS.
Mais à l’été 2022, les promoteurs font une contre-proposition, largement inférieure, rapportée dans un document interne au CNRS: “l’offre définitive des promoteurs est de 38,8 Millions d’euros. [...] L’établissement ne saurait accepter compte tenu de la valeur du bien”.
Un courrier de la ministre à la direction du CNRS
A ces conditions, le CNRS refuse donc de vendre… Mais voilà: le permis de construire déposé par les promoteurs expire en avril prochain. Il y a quelques semaines, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a pris position et demandé au CNRS d’accepter l’offre des promoteurs. Alors l’Etat a-t-il bradé le terrain et précipité la vente? Le cabinet de la ministre Sylvie Retailleau affirme que non:
"Je peux vous confirmer qu’il y a bien eu un courrier adressé à la direction du CNRS. [...] C’est comme dans toutes les transactions immobilières: il y a deux chiffres: celui de l’estimation et celui auquel vous trouvez un acheteur", nous répond l'entourage de la ministre.
Le ministère explique par ailleurs s’être référé à une évaluation plus basse de la direction de l’immobilier de l’Etat, un service de Bercy. Malgré nos sollicitations, ils n’ont pas souhaité nous la communiquer.
Un recours porté par les syndicats de la recherche
Les syndicats de la recherche, eux, dénoncent un décalage entre cette opération immobilière et la rigueur qui leur serait imposée au quotidien dans le financement de leurs travaux: "Tout est vérifié à l'euro près, au centime près, tout est compliqué à dépenser et là, on a l'impression qu'une diff"rence de 8 millions d'euros ça peut se faire comme ça du jour au lendemain, sans aucune vérificiation", s'agace Boris Gralak, élu du syndicat SNCS-FSU au conseil d’administration du CNRS.
Nous avons demandé aux promoteurs comment ils justifiaient cette différence de 8 millions d’euros entre les deux offres, et s’ils avaient sollicité l’intervention du ministère: “Pas de commentaires sur le sujet” pour Kaufman and Broad. “Nous n’allons pas pouvoir répondre à votre demande” nous dit Vinci.
Cette semaine, deux syndicats de la recherche doivent déposer un recours devant le juge administratif. Ils espèrent ainsi bloquer le début des travaux.
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