Soupçons de favoritisme : on vous résume l'affaire qui pourrait valoir un procès à Olivier Dussopt, ministre du Travail

L'enquête du Parquet national financier, ouverte en 2020, vise un contrat conclu en 2009 entre le ministre du Travail, alors député-maire d'Annonay, et un groupe de traitement des eaux.
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France Télévisions
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Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, à Paris, le 1er février 2023. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Le timing pouvait difficilement être pire pour le ministre et le gouvernement, avant l'examen de la réforme des retraites à l'Assemblée nationale. Le Parquet national financier (PNF) a confirmé à France Télévisions, samedi 4 février, qu'il "retient effectivement l'infraction de favoritisme visant un marché public de 2009" dans le cadre de l'enquête qui vise le ministre du Travail, Olivier Dussopt. L'information avait été révélée par Mediapart (article pour les abonnés) vendredi.

Le PNF soupçonne un arrangement autour d'un contrat conclu en 2009 avec la Saur, un groupe de traitement des eaux, quand Olivier Dussopt était député-maire d'Annonay, en Ardèche. Dans cette affaire, le ministre risque un procès s'il est renvoyé devant un tribunal correctionnel par le parquet. Matignon a réagi auprès de franceinfo vendredi, estimant qu'Olivier Dussopt avait "toute la confiance de la Première ministre".

L'intéressé s'est exprimé samedi sur France Inter. Il "conteste l'idée d'arrangement". Franceinfo résume ce que l'on sait de cette affaire sur laquelle la justice enquête depuis plusieurs années. 

Une enquête pour prise illégale d'intérêts ouverte au printemps 2020 

L'enquête du Parquet national financier concernait initialement deux œuvres d'art offertes en 2017 à Olivier Dussopt par un dirigeant local de la Saur, une compagnie de traitement des eaux. Ces deux lithographies du peintre Gérard Garouste, estimées à un peu plus de 2 000 euros, ont été offertes à celui qui était alors député-maire, tandis qu'un accord était sur le point d'être conclu entre sa ville, Annonay (Ardèche), et l'entreprise. "Le contrat, négocié depuis 2016, a été formellement signé six mois plus tard, le 1er juin 2017", précisait en mai 2020 Mediapart (article pour les abonnés).

Ces révélations du média d'investigation ont entraîné l'ouverture d'une enquête préliminaire du PNF pour "corruption" et "prise illégale d'intérêts" contre Olivier Dussopt. Le ministre, à l'époque secrétaire d'Etat de la Fonction publique, a expliqué n'avoir pas déclaré ces lithographies à la déontologue de l'Assemblée nationale – comme c'est requis pour tout cadeau de plus de 150 euros – car il "ignorait la valeur" des deux tableaux. Olivier Dussopt a également souligné qu'il avait "décidé de restituer ce cadeau dans les plus brefs délais", pour éviter toute polémique. 

Le domicile d'Olivier Dussopt perquisitionné en août 2020

L'enquête du PNF s'est poursuivie. En août 2020, le domicile d'Olivier Dussopt en Ardèche a été perquisitionné par l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales.

"Le parquet poursuit les vérifications qu'il souhaite faire. C'est normal et cela permettra de démontrer qu'il n'y a rien à me reprocher. J'ai restitué il y a plusieurs semaines les lithographies", se défendait alors auprès de l'AFP celui devenu quelques semaines plus tôt ministre délégué aux Comptes publics.

Le délit de "favoritisme" retenu par le PNF

Si ce n'est pas en raison de l'affaire des œuvres d'art reçues en cadeau qu'Olivier Dussopt est aujourd'hui inquiété, les investigations sur ce sujet en sont à l'origine, précise une source proche de l'enquête à franceinfo, confirmant les informations de Mediapart. D'après le média, la perquisition réalisée chez le ministre en 2020 a mis au jour "des échanges entre Olivier Dussopt et [la Saur] semblant laisser peu de doute sur l'existence d'un arrangement autour d'un marché public daté de 2009-2010"

Ainsi, les soupçons de corruption ont finalement été écartés par le PNF. Dans une note de synthèse adressée aux avocats d'Olivier Dussopt, "le parquet considère qu'il subsiste un seul grief, en l'occurrence une infraction formelle de favoritisme dans un marché public de 2009", a détaillé vendredi le ministre à l'AFP, après la publication de l'article de Mediapart. 

Le ministre assure que le PNF "a fait son travail et procédé à une enquête et de multiples investigations qui ont fait émerger cinq griefs possibles". Selon lui, le parquet "considère que quatre sur cinq de ces griefs n'ont aucune consistance et les a classés sans suite". Des affirmations confirmées par le PNF à France Télévisions.

Olivier Dussopt "conteste l'idée d'arrangement"

Le ministre, qui va se retrouver en première ligne pour défendre la réforme des retraites à l'Assemblée à partir de lundi, s'est exprimé longuement sur cette affaire samedi matin sur France Inter. Il "conteste" vigoureusement l'idée d'un "arrangement", estimant qu'il "aura l'occasion de dire pourquoi". "Tout ce que j'ai fait s'est inscrit dans un seul objectif concernant la ville d'Annonay : faire en sorte de tenir une promesse de campagne qui était de passer en régie et faire en sorte de baisser le tarif de l'eau pour les Annonéens. C'est ce qui s'est passé", ajoute-t-il.

Après les révélations de Mediapart vendredi, Matignon a assuré que le ministre du Travail avait "toute la confiance de la Première ministre". De son côté, Olivier Dussopt rappelle que "cette histoire était évidemment connue" au moment de sa nomination comme ministre délégué chargé des Comptes publics en juillet 2020, puis comme ministre du Travail en mai 2022, ajoutant que de "nombreux articles de presse" avaient été publiés. D'après le Code pénal, le délit de favoritisme qui le vise est passible de deux ans de prison et 200 000 euros d'amende.

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