: Récit Menaces de démission, réunion de crise... Comment la majorité tangue au lendemain de l'adoption de la loi immigration
On n'en a sûrement pas fini avec les rebondissements. Gérald Darmanin mardi 19 décembre à l'Assemblée et Elisabeth Borne ce mercredi 20 décembre sur France Inter ont eu beau revendiquer une victoire, la situation reste très confuse, au lendemain de l'adoption de la loi immigration par le Parlement. Et pour cause, le camp présidentiel est dans la tempête. Selon les informations de franceinfo, six ministres menacent de démissionner : Roland Lescure à l'Industrie, Clément Beaune aux Transports, Rima Abdul-Malak à la Culture, Patrice Vergriete au Logement, Sylvie Retailleau à l'Enseignement supérieur et bien sûr, Aurélien Rousseau à la Santé.
Tout se passe mercredi matin comme si Elisabeth Borne ne voulait pas en entendre parler. "J'ai échangé très tard avec le président de la République. Il n'a pas reçu la démission d'Aurélien Rousseau. C'est un non-sujet. Il est légitime que les ministres se posent des questions. On va arrêter de commenter des choses qui n'existent pas.", assure la Première ministre sur France Inter, qui évoque son "sentiment du devoir accompli".
Pourtant, la tempête était assez forte pour que, dès mardi soir, le chef de l'Etat convoque une réunion de crise à l'Elysée. La panique était palpable face à une majorité qui flanche, sidérée par la décision de Marine Le Pen de voter le texte, le Rassemblement national revendiquant une "victoire idéologique", ce que dément Elisabeth Borne.
Un parallèle avec Pierre Mendès-France comme une "bassine d'eau froide"
Alors, lors de cette réunion, le président martèle sa martingale, imaginée avec François Bayrou, le patron du Modem, son grand allié de toujours, pour rassurer les troupes sur le refus de compromission : en cas d'adoption grâce aux voix du RN, il promet une deuxième délibération, comme le permet l'article 10 de la Constiution. La figure de Pierre Mendès-France, symbole incarné de l'éthique en politique, est même convoquée, avec ce parallèle : en 1954, après la défaite de Diên Biên Phu, il avait refusé de se faire élire Président du conseil avec les voix des communistes, alliés du Viêt Min. Une manière de "jeter une grande bassine d'eau froide pour faire retomber la fièvre", se félicite l'un des conseillers présidentiels.
Le coup de froid a fonctionné, au moins temporairement. Le texte est passé. Mais personne ne pourra jeter le voile très longtemps sur ces chiffres : 20 votes contre dans le groupe Renaissance et 17 abstentions, avec là encore des marcheurs de la première heure, et ce nom qui claque. Sacha Houlié, président de la Commission des lois, négociateur en chef sur le dossier, a dit non. Au final, un quart des députés de la majorité n'a donc pas soutenu le texte.
"On va passer aux autres dossiers qui préoccupent les Français"
"On a un texte voté, on va passer aux autres dossiers qui préoccupent les Français", poursuivait mercredi matin sur France Inter Elisabeth Borne. Une manière de minimiser un peu plus la crise dans sa majorité. Une crise ? Quelle crise ? Pour la Première ministre, "il n'y a pas de crise dans la majorité". "Nous allons nous parler, j'ai passé des heures avec les députés. On va continuer à avancer dans le cap fixé par le président de la République, et continuer à apporter des réponses à notre pays et aux Français", poursuit Elisabeth Borne, qui se projette donc déjà sur la suite.
Mais avant de passer complètement à autre chose, il reste au moins une étape. Avant de promulguer la loi, Emmannuel Macron transmet le texte au Conseil Constitutionnel. Le Parti socialiste et La France insoumise vont aussi le saisir. Sur France Inter mercredi, la Première ministre elle-même reconnaissait que des dispositions du texte étaient contraires à la Consitution. Une situation qui indigne la cheffe de file des députés insoumis, Mathilde Panot.
Avancer en revenant en arrière
Pour la suite, quelles réponses et quel cap ? La situation est tout de même suffisamment grave pour qu'Emmanuel Macron prenne à son tour la parole, mercredi soir, dans "C à vous". Un format long, en forme de discussion, moins solennel qu'une allocution, comme s'il s'agissait là encore de contenir la gravité du moment. Le président compte revenir sur les temps forts de 2023, parler déjà de 2024.
Le couple exécutif tente de reprendre la main, de montrer que, non, le Rassemblement National ne vient pas de marquer un point décisif. En fait, Emmanuel Macron doit assurer qu'il est encore possible d'agir. Il lui faudra dire comment, sur quels dossiers précisément. "Impossible de reprendre le business as usual", dit un ministre. Emmanuel Macon voudra-t-il malgré tout remanier son gouvernement pour trouver un nouvel élan ? "Si c'est une question de personne, ce serait un peu vain", fait valoir un membre du gouvernement, qui note que "c'est d'abord une question de programme avant d'être une question d'incarnation".
Elisabeth Borne en tout cas semble déterminée à ce que ses efforts ne soient pas oubliés. "Le vote de la motion de rejet, c'était une forme de détonation. Il fallait sortir de cette impasse. J'ai mouillé la chemise pendant les dix derniers jours. Ce n'est pas le texte que nous aurions voté en majorité absolue, c'est le texte qui nous permettait d'avancer", défend la Première ministre, qui n'exclut pas de devoir revenir sur certaines mesures comme l'accès limité aux APL pour les étrangers ou la caution pour les étudiants, selon les conclusions du Conseil constitutionnel. C'est tout le paradoxe : il faudra avancer, mais en revenant en arrière.
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