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Remaniement : sept choses que vous ignorez peut-être sur Roxana Maracineanu, la nouvelle ministre des Sports

La nageuse olympique, qui a remplacé Laura Flessel mardi, a connu un parcours tumultueux, entre exil, exploits sportifs et tâtonnements en politique.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
La nageuse française Roxana Maracineanu pose avec sa médaille d'argent remportée aux Jeux de Sydney, le 22 septembre 2000. (GREG WOOD / AFP)

Quelques heures après la démission surprise de Laura Flessel du ministère des Sports, l'Elysée a annoncé la nomination de Roxana Maracineanu à ce poste, mardi 4 septembre. Si vous avez regardé les Jeux olympiques de Sydney, en 2000, vous conservez sans doute un souvenir ému de sa finale en 200 mètres dos. Mais son histoire ne se résume pas aux 2 minutes, 10 secondes et 25 centièmes qui lui ont permis de décrocher la médaille d'argent. 

1Elle est tombée toute petite dans la marmite de la natation

 Si les graines de champion d'aujourd'hui commencent à suer dans le chlore dès cet âge-là, à l'époque – au début des années 80 – c'est beaucoup plus rare de faire ses débuts dans les bassins à 9 ans. Sauf en Roumanie, où devenir une championne est l'un des rares moyens d'intégrer l'élite. Au début, la petite Roxana est orientée par ses entraîneurs vers la gymnastique, avant de changer de discipline une fois arrivée en France. Avec une double motivation : "Les bons bulletins et le sport, ça accentuait nos chances d'être naturalisés, comme on me le répétait..."

Et même une troisième, comme elle le raconte à L'Humanité : "Les bonbons et les chewing-gums ! En Roumanie, nous n'en avions pas. En arrivant en France, je me souviens m'être précipitée sur les chewing-gums à la menthe de la marque Hollywood : soudain, pour moi, c'était Noël ! En Roumanie, nous nous contentions de ramasser les papiers des Hollywood, d'y plonger notre nez pour sentir profondément la menthe, de les défroisser puis de les ranger soigneusement dans un cahier."

2Elle est arrivée en France dans un centre de réfugiés

Son père, ingénieur en travaux publics, était détaché par le régime en Algérie au début des années 1980. Un jour, la famille se fait la malle pour fuir le régime de Ceaușescu et demander l'asile en France, dans des conditions rocambolesques. Elle raconte à Ouest-France : "Ça a été la remontée en R16 vers Paris. On dormait la nuit à quatre dans la voiture, on se lavait aux fontaines. Je trouvais ça rigolo, sauf que j'ai fini par comprendre que c'était un voyage sans retour." Un exil qu'elle vit douloureusement les premières années : "Adolescente, je l'étais chaque soir dans mon lit, pleurant sur ma terre que je pensais ne jamais revoir et m'inventant un film où je réussissais à y remettre les pieds." La famille Maracineanu a finalement obtenu la nationalité française en 1991.

De son expérience lui vient son avis bien tranché sur la politique migratoire : "Quand je vais chercher mon permis de conduire à la préfecture et que je vois des gens qui font la queue des journées entières pour un papier sans avoir même un verre d'eau, j'ai mal au cœur, confie-t-elle au Parisien. La France pourrait être beaucoup plus accueillante et plus cool."

3Elle a failli arrêter la natation après avoir raté les Jeux de 1996

La nageuse Roxana Maracineanu lors de la finale du 200 mètres 4 nages aux championnats de France de natation,à Dunkerque (Nord), le 16 mai 1999. (OLIVIER MORIN / AFP)

Sa non-sélection pour les Jeux olympiques d'Atlanta en 1996 l'avait profondément découragée. Il a fallu un stage de six mois en Allemagne, où elle s'est frottée à d'autres méthodes de travail, pour lui redonner du cœur à l'ouvrage. Bien lui en a pris. Quelques mois plus tard, en 1997, elle débloquait son compteur de médailles aux championnats d'Europe à Séville.

4Elle a fêté son titre de championne du monde en jouant aux jeux vidéo

En 1998, elle est sacrée championne du monde en 200 m dos et raconte sa soirée de fête à L'Humanité : "Nous sommes juste allés au restaurant, nous avons bu deux ou trois verres avant d'aller faire du ski, sur un jeu vidéo, jusqu'à 5 heures et demie du matin."

5Elle a raté la médaille d'or qui lui tendait les bras à Sydney... à cause d'une Roumaine

Ce n'est pas la Marseillaise mais l'hymne roumain qui retentit dans la piscine olympique de la capitale australienne en 2000. Et c'est une terrible déception pour Maracineanu, en plus d'un déchirement. C'est la méconnue Diana Mocanu, 16 ans, dont le record personnel était supérieur de deux secondes au temps de Maracineanu, qui décroche l'or, en coiffant la Française qui avait longtemps fait la course en tête : "Evidemment, j'ai déjà eu l'occasion d'écouter la Marseillaise en compétition mais je n'aurais jamais osé rêver entendre l'hymne roumain sur un podium. C'est quelque chose de spécial, mais c'est encore plus spécial parce que je me suis fait battre."

6Elle s'est enfermée 24 heures dans le noir après sa médaille olympique

Le 21 septembre 2000, elle touche au but, en décrochant l'argent aux Jeux olympiques, mettant fin à quinze années de disette pour la discipline en France. Une consécration... suivie d'un grand vide, comme elle le racontait à Madame Figaro : "Le lendemain de ma victoire, je suis restée dans ma chambre toute la journée, dans le noir, en pleurs. Je n'avais pas du tout préparé la suite. Je n'avais pas voulu y penser, en fait. Parce que c'est aussi ça, le secret : tu ne peux réussir qu'à partir du moment où tu t'investis complètement. Le revers de la médaille, c'est qu'au moment où tu touches au but, tu n'as plus rien à quoi te raccrocher."

Sa carrière s'arrête abruptement en octobre 2004, quand elle annonce sa retraite avant les Jeux d'Athènes, où éclora la jeune Laure Manaudou.

7Elle ne voulait pas se reconvertir dans le sport

"Je ne vois pas pourquoi je devrais forcément travailler ensuite dans ce domaine", s'insurgeait la nageuse quelques années après sa retraite sportive. Diplômée d'une école de commerce, polyglotte (elle parle cinq langues), elle a d'abord travaillé pour un équipementier, roulé sa bosse dans les médias comme consultante (à France Télévisions et à Europe 1, travail pour lequel elle a été primée) puis tâté de la politique en apparaissant sur les listes du Parti socialiste aux régionales, avec à la clé un poste de conseillère régionale d'Ile-de-France (jusqu'en 2015). Interrogée par franceinfo l'an dernier, elle confiait son désir d'être cosmonaute : "J'ai toujours rêvé d'aller dans l'espace, d'aller toucher les étoiles que je voyais dans le ciel et puis ressentir comment on flotte dans l'air, dans l'espace et s'arracher d'ici, de la Terre et pouvoir voir et vérifier surtout qu'elle était ronde."

Le milieu de la natation, échaudé par ses prises de position très fermes contre le président de la Fédération, indéboulonnable à l'époque, ne lui a jamais tendu la main. Sa proposition de devenir directrice technique nationale, en 2014, est restée lettre morte. "Ce n'est pas pas la première fois que je toque à la porte. On ne prend même pas la peine de m'écouter..." 

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