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"Quand on se sépare, il est un peu grognon" : le récit de la réunion avec les chasseurs qui a convaincu Nicolas Hulot de démissionner

Sa décision de quitter le gouvernement était "mûrie [depuis] cet été". Mais une réunion à l'Elysée avec les chasseurs, lundi soir, a fini de faire basculer Nicolas Hulot.

Article rédigé par Mathilde Goupil
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'ancien ministre de l'Ecologie Nicolas Hulot quitte l'Elysée, à Paris, le 14 septembre 2017. (LUDOVIC MARIN / AFP)

C'est l'un de ses derniers moments en tant que ministre. En fin d'après-midi, lundi 27 août, Nicolas Hulot rencontre à l'Elysée des représentants de la Fédération nationale des chasseurs. Au programme des discussions, sous l'égide du président de la République : la future réforme de la chasse, décriée par les associations de protection des animaux.

>> Démission de Nicolas Hulot : suivez les réactions dans notre direct

La présence de Thierry Coste, un lobbyiste de la chasse, mais aussi des décisions qu'il n'estime pas assez ambitieuses en terme de protection de l'environnement... Nicolas Hulot avale des couleuvres ce soir-là. Une fois de plus. Une fois de trop ? Le lendemain matin, il annonce sur France Inter démissionner du gouvernement, sans avoir prévenu personne. Franceinfo fait le récit de la réunion qui l'a fait basculer.

"Il n'a rien à faire là"

Lundi après-midi. Dans un salon de l'Elysée, Nicolas Hulot et son secrétaire d'Etat, Sébastien Lecornu, attendent Emmanuel Macron en compagnie du président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), Willy Schraen. Ils ont rendez-vous à 16 heures avec le chef de l'Etat pour évoquer la réforme de la chasse, mais celui-ci est en retard.

Nicolas Hulot est irrité face aux invités. Le chasseur et chef de file des députés LREM au Sénat, François Patriat, le vice-président de la FNC Alain Durand et son trésorier Pascal Sécula, pas inscrits à l'agenda du ministre, sont présents. Surtout, Nicolas Hulot dit découvrir à leurs côtés le "conseiller politique" de la fédération des chasseurs, le lobbyiste Thierry Coste. Cet ancien agriculteur, issu des milieux écologistes, est désormais à la tête du cabinet Lobbying et Stratégies et conseille aussi officieusement Emmanuel Macron sur les questions de ruralité.

Le ministre de la Transition écologique dit pourtant avoir prévenu Emmanuel Macron : "Je ne veux pas voir de lobbyistes à ce genre de réunions", aurait mis en garde Nicolas Hulot, cité par Thomas Legrand, journaliste à France Inter qui s'est entretenu avec lui après sa démission.

A Thierry Coste, il "dit frontalement qu'il n'[a] rien à faire là", raconte le ministre sur France Inter le lendemain. Pour Nicolas Hulot, c'est "symptomatique de la présence des lobbies dans les cercles du pouvoir". Thierry Coste livre, lui, un récit bien différent à franceinfo. Il assure n'avoir "aucune difficulté" avec le ministre, qu'il tutoie. "Comment pouvait-il ignorer que je serais là, alors que j'ai participé à toutes les réunions de négociation ? (...) Il était normal que je sois là, je suis le conseiller politique de la FNC depuis vingt-quatre ans, je fais partie des meubles."

Des sujets de désaccords

Après l'arrivée d'Emmanuel Macron en fin d'après-midi, la réunion démarre finalement. D'après le récit de Nicolas Hulot à Thomas Legrand, le président assure à son ministre qu'il ne sait pas "comment est rentré" le lobbyiste, ce que l'Elysée refuse de confirmer ou d'infirmer à franceinfo. Implacable dans sa chaise, mâchant un chewing-gum, selon un participant, celui qui est alors encore ministre d'Etat fait face à Thierry Coste. 

Permis de chasse, nouvelle gestion des espèces, mise en place d'une "police rurale"... Durant deux heures, les sujets se suivent. "Aucun sujet, ni arbitrage, abordé par le chef de l'Etat n'était une surprise", estime Thierry Coste, qui évoque malgré tout deux points qui fâchent Nicolas Hulot : le prix des permis de chasse nationaux (qui passe de 400 euros à 200 euros) et la conservation des chasses traditionnelles. "Le ministre d'Etat dit qu'il faut beaucoup plus de sanctions, qu'il existe des choses inadmissibles en matière de souffrance animale. D'ailleurs, le président va plutôt dans son sens". Malgré les désaccords, "il n'y a pas eu de cris, de bras en l'air", tempère Willy Schraen.

Je n'ai pas senti Nicolas Hulot comme étant sur la défensive, ayant le vague à l'ame ou étant dans ses pensées.

Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs

à franceinfo

"Il a même pris des rendez-vous avec nos représentants pour affiner certains projets par la suite ! Ça n'est pas l'attitude d'un ministre fâché", tempète, après sa démission, une membre de la Fédération nationale des chasseurs.

"C'est probablement un élément qui a achevé de me convaincre"

Pourtant, les compromis accordés par le président, qui cajole depuis des mois les chasseurs, pèseront dans la balance. Si la démission du ministre, maintes fois brandie comme menace, est "mûrie [depuis] cet été", assure Nicolas Hulot, la présence de Thierry Coste à cette réunion est "probablement un élément qui a achevé de [le] convaincre que ça ne fonctionne pas comme ça devrait fonctionner". 

Ma décision [ne] vient [pas] simplement d’une divergence sur la réforme de la chasse.

Nicolas Hulot, ancien ministre de la Transition énergétique

à franceinfo

"Quand on se sépare à la fin de la réunion, j'entends qu'il est un peu grognon", reconnaît Thierry Coste. Après le départ d'Emmanuel Macron, il lance, furieux : "On ne peut pas discuter", assure BFMTV. Il rejoint ses proches, qui notent sa "bouderie", raconte Le Figaro, mais estiment que ça n'est qu'"une crise de plus". Le lendemain, sans avoir prévenu le président, Edouard Philippe ou même sa "propre épouse", il annonce en direct sa volonté de quitter le gouvernement. 

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