Transfert de Neymar au PSG : on vous explique pourquoi Gérald Darmanin est mêlé à une affaire de soupçons de fraude fiscale

D'après Mediapart et "Libération", le club parisien aurait bénéficié d'avantages fiscaux lors du transfert pour le montant record de 222 millions d'euros de la star brésilienne avec l'aide de l'ancien ministre des Comptes publics.
Article rédigé par franceinfo
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Gérald Darmanin lors d'un match du PSG au Parc des Princes, le 24 septembre 2023. (SPEICH FREDERIC / LA PROVENCE / MAXPPP)

"Il semble donc exister des preuves de l'implication personnelle de Gérald Darmanin", juge-t-elle. L'eurodéputée insoumise Manon Aubry a annoncé, mercredi 10 janvier, avoir adressé une saisine à la procureure de la République de Paris, que cette dernière n'avait pas encore reçue vingt-quatre heures plus tard, sur "des faits susceptibles de constituer une complicité de fraude fiscale" de la part de Gérald Darmanin, qui était ministre des Comptes publics à l'époque. L'élue de La France insoumise s'appuie sur les révélations de Mediapart, qui interviennent alors qu'il a été confirmé, jeudi soir, au ministère de l'Intérieur. Le site d'investigation affirme que Gérald Darmanin et son directeur de cabinet ont aidé le Paris Saint-Germain à ne pas payer des millions d'euros de taxes sur le transfert le plus cher de l'histoire du foot, celui de la superstar brésilienne Neymar, intervenu le 3 août 2017. Franceinfo vous détaille cette affaire.

Le PSG aurait cherché à éviter de payer des impôts sur le transfert

Depuis septembre 2022, des juges d'instruction sont chargés d'une enquête sur les membres d'une "cellule" parallèle au sein du Paris Saint-Germain, soupçonnés d'avoir demandé des interventions en leur faveur à des policiers. Des opérations d'influence, dont certaines sont attribuées à l'ancien directeur de communication du PSG, Jean-Martial Ribes, qui s'est "imposé comme l'un des hommes clés du club", selon Libération. "Jean-Martial Ribes a été pendant onze ans, jusqu'à son départ en mai 2022, l'un des plus proches collaborateurs du patron du PSG Nasser Al-Khelaïfi", souligne Mediapart. Le communicant, âgé de 57 ans, a été mis en examen le 1er décembre pour six délits, dont "corruption" et "trafic d'influence", confirme le parquet de Paris à franceinfo. D'après l'AFP, en échange de contreparties telles que des goodies et des places pour des matchs du PSG, il est suspecté d'avoir utilisé ses fonctions pour obtenir des avantages personnels pour sa famille, aussi bien que des renseignements sensibles pour le club.

C'est dans ce contexte que les enquêteurs se sont intéressés à la négociation autour de l'arrivée au PSG de la superstar du foot Neymar fin juillet 2017. Un problème se pose alors : le contrat du joueur au FC Barcelone comprend une clause libératoire, fixée au montant faramineux de 222 millions d'euros. C'est à Neymar de payer cette somme pour quitter le Barça, puis au nouveau club de l'international, en l'occurrence le PSG, de lui rembourser. Or, en France, ce paiement risque d'être considéré comme une avance sur salaire, et donc assujetti à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales, au même titre qu'une rémunération classique. Or, la justice soupçonne Jean-Martial Ribes d'avoir cherché à éviter cette fiscalité.

Le dircab du ministre a eu une réunion avec le club à propos de la fiscalisation de l'opération

La justice s'interroge sur le rôle d'intermédiaire que l'ancien député LREM Hugues Renson, vice-président de l'Assemblée nationale de 2017 à 2022, pourrait avoir joué. "Une semaine avant la finalisation du transfert le 3 août 2017, Ribes bombarde le député de synthèses rédigées par une petite main du club et autres 'mémos ultra confidentiels'", révèle Libération. Comme l'AFP et Mediapart, le journal a dévoilé des extraits, début janvier, d'un rapport de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), remis à des juges d'instruction parisiens le 21 novembre 2023, auquel franceinfo n'a pas eu accès.

D'après l'IGPN, chargée d'enquêter, car trois anciens policiers sont mis en examen dans cette affaire, Hughes Renson a déclaré, le 24 juillet 2017, avoir relayé auprès de Gérald Darmanin, alors ministre des Comptes publics, un "sujet PSG" qui semble être la fiscalisation du transfert. "Il a bien le truc en tête et me dit qu'il y travaille", assure l'ancien député à Jean-Martial Ribes par SMS, d'après les trois médias qui ont consulté le rapport, et selon lesquels "il" désigne Gérald Darmanin. Hughes Renson, qui travaille désormais pour EDF, précise que les "supérieurs" du ministre, c'est-à-dire le "président" et son équipe, sont également impliqués. Interrogé par Mediapart sur un éventuel rôle d'Emmanuel Macron, l'Elysée n'a pas répondu.

Mediapart affirme que le soir du 24 juillet 2017, le directeur général du PSG s'est entretenu avec le directeur de cabinet de Gérald Darmanin, Jérôme Fournel, devenu depuis patron de la Direction générale des Finances publiques. Ce dernier lui a soumis "des pistes pour échapper aux cotisations sociales", dans une note blanche intitulée "transfert joueur", selon Mediapart, qui en publie des extraits. D'après le site d'information, Jean-Martial Ribes, qui a obtenu la note, la transfère immédiatement à Hugues Renson. Le lendemain, Hugues Renson semble interférer pour que le PSG soit présent à une réunion ad hoc du ministère des Comptes publics, qui a lieu le surlendemain. Puis, d'après le rapport de l'IGPN, au lendemain du transfert de Neymar, "M. Renson remercie M. Ribes" qui aurait permis à ses deux fils d'accompagner les joueurs du PSG au Parc des princes, lors de leur entrée sur le terrain, pour la reprise de la Ligue 1, le 5 août 2017. "Neymar est un non-sujet pour M. Ribes qui n'a participé à aucune réunion en lien avec les sujets économiques du transfert", défend toutefois Romain Vanni, l'avocat de l'ex-dirigeant parisien, auprès de l'AFP et Mediapart.

La justice a été saisie pour "des faits susceptibles de constituer une complicité de fraude fiscale"

Pour Manon Aubry, ces révélations montrent que "par l'intermédiaire du député de Paris, Hugues Renson, le PSG contacte Gérald Darmanin". Si la députée européenne de La France insoumise écrit à la procureure de la République de Paris, c'est parce qu'elle estime qu'il existe "des preuves de l'implication personnelle de Gérald Darmanin dans une opération visant à permettre au PSG de se soustraire à ses obligations fiscales et à ne pas payer l'impôt et les cotisations sociales normalement dus aux comptes publics français à la suite du transfert du joueur de football Neymar". Elle met ainsi en évidence le contenu d'un SMS envoyé "juste après la réunion" du 26 juillet 2017 par Hugues Renson à Jean-Martial Ribes, révélé par les trois médias : "J'étais avec Gérald. On a parlé. Il considère que c'est bon. Le calendrier a l'air fixé. Et ce qui compte, c'est que les documents que nous avions évoqués soient produits. Ils protégeront."

Selon Mediapart, le PSG a reçu quelques jours avant l'officialisation du transfert "deux rescrits fiscaux adressés par le fisc et l'Urssaf d'Ile-de-France, qui annoncent au club qu'il n'y aura ni impôt ni cotisations sociales à payer au sujet de la clause libératoire de Neymar". Pour l'élue insoumise, cela confirme "qu'un système a été mis en place pour permettre au PSG de contourner ses obligations fiscales". "Croyez-vous que nous, le PSG, avec tout ce qu'on a payé en impôts, on a besoin de faire ça pour Neymar ? répond Nasser Al-Khelaïfi dans Le Parisien. En France, il n'y a pas de cadre légal pour les rachats des clauses libératoires et quand vous souhaitez en racheter une vous devez forcément vous adresser à ceux qui dirigent."

"Neymar est venu en France et a concouru à la richesse de notre pays et à un rayonnement d'une partie de notre foot. Je n'ai pas de commentaire à faire encore une fois, rien d'illégal dans tout ça", a réagi de son côté Amélie Oudéa-Castéra, la ministre des Sports, désormais également chargée de l'Education nationale, de la Jeunesse et des Jeux olympiques et paralympiques, interrogée à ce sujet sur RMC Sport. Je laisse Gérald Darmanin apporter les précisions qu'il souhaiterait éventuellement." Mais ni l'entourage du ministre, ni Jérôme Fournel, sollicités par Mediapart, l'AFP et Libération, ne se sont exprimés à propos de cette affaire.

A l'époque du transfert du footballeur brésilien, Gérald Darmanin s'était publiquement "réjoui des impôts que Neymar [allait] pouvoir payer en France" et avait garanti que ses services allaient analyser de près le montage financier du transfert.

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