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Nouvel emprunt du RN : cela permet "de faire oublier les banques russes" qui "ont financé" le parti, analyse un sociologue de l'extrême droite

Pour financer sa campagne pour les élections européennes, le Rassemblement national a besoin de plus de quatre millions d'euros qu'il voudrait emprunter à ses militants.
Article rédigé par franceinfo
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Jordan Bardella, candidat RN lors de la campagne des élections européennes en mai 2019. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

"Le premier avantage" du nouvel emprunt du RN auprès de ses sympathisants, "c'est de faire oublier les banques russes et d'autres banques non-françaises qui ont financé le Front national puis le Rassemblement national", analyse le sociologue Erwan Lecoeur, mardi 31 octobre sur franceinfo, alors que le parti d'extrême droite lance un emprunt auprès de ses militants pour financer la campagne pour les élections européennes de 2024

Franceinfo : Quels sont les bénéfices pour le RN à se faire financer par des particuliers ?

Erwan Lecœur : D'abord, il faut noter que c'est une très ancienne histoire que de demander à des particuliers, des militants, de participer à l'élaboration du budget des différentes campagnes. C'était déjà le cas dans les années 80. Certains candidats payaient même très cher pour être candidat du Front national de l'époque et donc il y a plusieurs avantages. Le premier avantage, c'est de faire oublier les banques russes et d'autres banques non-françaises qui ont financé le Front national puis le Rassemblement national. Le deuxième intérêt énorme, c'est à nouveau de mettre le Rassemblement national dans une posture de victime, face à un système qui ne voudrait pas lui prêter d'argent. Le troisième avantage, c'est aussi que d'une certaine façon, cela permet aux militants et aux sympathisants, mais aussi aux dirigeants du Rassemblement national de ne pas poser tellement de questions sur la manière dont est géré l'argent du Rassemblement national. Ça a été rappelé récemment : aujourd'hui, le Rassemblement national est très largement financé, comme tous les partis, par le financement public, puisque le financement public en France dépend des législatives. Or, le rassemblement national, désormais, a un nombre important de députés. Il a donc une manne financière de 10 millions d'euros par an qui, pour l'instant, a été principalement consacrée non pas aux prochaines élections, mais au remboursement du fameux prêt russe.

Le parti a toujours environ 20 millions d'euros de dettes qui sont issus de ces emprunts aux particuliers…

Tout à fait. Il y a 20 à 30 millions euros de dettes, dont une dizaine de millions d'euros pour ce prêt russe. Mais il y a aussi une façon de gérer l'argent. Le Rassemblement national et le Front national ont géré l'argent, comme on l'a appris dès les années 90, d'une façon un peu particulière, en payant relativement cher certains cadres, en faisant en sorte que tout l'argent aille à certains endroits et pas à d'autres. On l'a su notamment quand Bruno Mégret a expliqué comment le Front national de la fin des années 90, dont il fut exclu par Jean-Marie Le Pen, gérait son argent. À l'époque,cela avait défrayé la chronique puisqu'on voyait que la famille Le Pen coûtait extrêmement cher. Et Bruno Mégret était parti notamment sur ces questions-là.

Le parquet de Paris a justement requis récemment un procès sur la gestion des fonds publics par le RN. 27 personnes sont suspectées d'utiliser l'argent de l'Union européenne pour rémunérer des assistants travaillant pour le parti. Est-ce un coup dur pour le RN ?

C'est un coup dur au sens où ça arrive maintenant. Mais on sait depuis très longtemps que la problématique est là. L'accusation porte sur un système de financement, c'est-à-dire le détournement de centaines de milliers d'euros de l'Europe vers le parti, directement vers des gens qui travaillent uniquement pour le parti ou précisément pour Marine Le Pen parfois. François Bayrou a d'ailleurs démissionné de son ministère pour sensiblement le même type d'accusation, avec le MoDem. Donc on sait très bien qu'il y a un problème avec la manière dont le Rassemblement national a utilisé les élections européennes et les députés européens comme une source de financement pour le parti, ce qui est strictement interdit a priori.

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