Infographies Aides publiques : combien touchent les formations politiques en 2023 ?

Les partis ou groupement politiques se partagent en 2023 près de 66,5 millions d’euros d’aides publiques. La répartition est liée en grande partie aux élections législatives, et pour la première fois les résultats du scrutin de 2022 ont été pris en compte.
Article rédigé par Thomas Destelle
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
L'Assemblée nationale le 24 octobre 2023. (THOMAS SAMSON / AFP)

Comment sont financés nos partis politiques ? Les Français ne sont pas forcément au courant mais derrière les élections législatives se cache un enjeu financier majeur. Les subventions de l'État versées aux formations politiques dépendent majoritairement du dernier renouvellement de l'Assemblée nationale. Et pour l'année 2023, les résultats des élections de juin 2022 ont été intégrés pour la première fois. Car l'année dernière, en 2022, c'était encore ceux des législatives de 2017 qui étaient pris en compte.

Le décret indiquant la répartition de ces aides publiques en 2023 est passé un peu inaperçu. Il a été publié le 11 juillet 2023 alors que l'actualité politique était dominée par les conséquences des émeutes liées à la mort du jeune Nahel. Une publication durant l'été au lieu de l'habituelle période hivernale, en début d'année civile, qui s'explique notamment par les nombreux litiges portant sur les élections législatives.

Un parlementaire rapporte 37 000 euros, une voix 1,61 euro

Au final, près de 66,5 millions d'euros ont été répartis à une quarantaine de partis de métropole et d'outre-mer pour l'année 2023. Ce montant des aides est régi par la loi et se divise en deux volets. Une partie est liée au nombre de parlementaires élus (députés et sénateurs). En 2023, un parlementaire rapporte précisément 37 119,28 euros. Selon la loi, les parlementaires doivent se déclarer inscrits ou rattacher à une formation politique au bureau de leur assemblée au cours du mois de novembre, en l'occurrence en novembre 2022. Les récentes élections sénatoriales de septembre 2023 n'ont donc pas été intégrées.

L'autre fraction est liée au nombre de voix obtenues lors des législatives. Pour y accéder, il faut que le parti politique obtienne 1% dans au moins 50 circonscriptions. Si ce seuil est dépassé, chaque bulletin va rapporter de l'argent aux partis. Et le "prix" d'une voix en 2023 est de 1,61 euro. Les formations politiques qui ont présenté exclusivement un ou des candidats dans des territoires d'outre-mer doivent avoir obtenu 1% des suffrages exprimés, dans l'ensemble des circonscriptions dans lesquelles ils se sont présentés, pour avoir accès à l'aide publique.

Près de 20 millions d'euros pour la majorité présidentielle

S'ils n'ont pas obtenu la majorité absolue lors des législatives de 2022, le groupe Ensemble pour la majorité présidentielle - avec notamment Renaissance (ex-LREM), MoDem et Horizons - est à la première place du classement grâce à ses résultats électoraux et récolte un peu plus de 19,5 millions. Les 5,8 millions de voix obtenues ont permis d'obtenir 8,8 millions d'euros et les 288 parlementaires comptabilisés (248 députés et 40 sénateurs) apportent 10,7 millions d'euros.

Même s'il n'a pas réussi à faire élire un député en 2022, le parti Reconquête !, qui n'était pas présent en 2017, touche près de 1,6 million d'euros. Une somme qui s'explique principalement en raison des 950 000 voix prises en compte, mais aussi de deux sénateurs qui ont rejoint les rangs du parti d'Éric Zemmour. Le Rassemblement national est quant à lui en deuxième position avec plus de dix millions d'euros. Le parti d'extrême droite double sa dotation par rapport à 2022 grâce notamment aux 6,8 millions de voix et à un nombre bien plus important d'élus, avec 90 parlementaires, alors qu'ils n'étaient que huit en 2022. La France insoumise voit pour les mêmes raisons sa dotation largement augmenter, passant de 4,4 millions à 7,9 millions d'euros.

À l'inverse, les moins bons résultats aux législatives de 2022 des Républicains entraînent une baisse de leur dotation de 13,1 millions à 9,7 millions. Le parti limite la casse, comme d'autres, grâce à ses parlementaires élus - en tout ils sont 201 - et notamment ses sénateurs, au nombre de 139. Mais Les Républicains auraient pu gagner davantage d'argent s'ils avaient respecté les règles de la parité. Une partie de la dotation peut en effet être retirée en cas de non-respect de l'équilibre entre le nombre d'hommes et de femmes candidats. Avec 157 femmes et 256 hommes, le parti LR s'est vu retirer 1,3 million d'euros.

Ensemble pour la majorité présidentielle ne respecte pas non plus la parité. Il y a eu 264 candidates contre 284 candidats. Une différence de 20 élus qui coûte plus de 500 000 euros. Europe Ecologie-Les Verts s'est vu enlever sur sa dotation 78 374,02 euros mais cette fois parce qu'il a présenté trop de femmes (54) par rapport aux hommes (51). Idem pour le parti fondé par Nicolas Dupont-Aignan : avec 95 candidates et 84 candidats, ce sont plus de 18 000 euros qui lui sont enlevés

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Des alliances pour respecter les seuils

Ce financement public n'est pas anodin. Il est devenu la première source de revenus pour de nombreuses formations politiques devant les dons, les contributions des élus ou encore les cotisations des adhérents. La présence aux législatives est donc primordiale et des petits partis réussissent à accéder à ces fonds publics. Par exemple, le dernier du classement en métropole, Le mouvement de la ruralité (anciennement Chasse, pêche, nature et traditions) récolte près de 88 000 euros. Les Patriotes, le parti créé par Florian Philippot après son départ du Front national, touche près de 200 000 euros grâce à ses 123 000 voix aux législatives. De son côté, le Parti animaliste accède à plus de 400 000 euros. Cependant, comme l'indiquait la coprésidente du parti Hélène Thouy à franceinfo, cette somme ne va pas forcément permettre de rembourser les frais nécessaires pour une élection, même si elle sera versée chaque année. 

Autre grief, le seuil nécessaire pour toucher ces subventions - au moins 1% des voix dans 50 circonscriptions au minimum - n'est pas atteint par toutes les formations politiques. Certains petits partis n'ont pas d'autre choix que de s'allier puis de se répartir l'argent récolté. C'est le cas du Parti pirate qui a conclu un accord avec Régions peuples et solidaires, qui touche plus de un million d'euros en 2023. Le Parti pirate indiquait à franceinfo au lendemain des législatives pouvoir accéder à une somme aux alentours de 20 000 euros. Ces accords techniques sont souvent liés à des alliances passées. Ils ne sont donc pas contre-nature, mais certains peuvent être surprenants. L'hebdomadaire Marianne avait notamment révélé que le parti La France qui ose de Rama Yade s'était allié en 2017 à la Confédération pour l'homme, l'animal et la planète (CHAP), permettant à l'ancienne ministre d'accéder à un financement public de 700 euros par mois pendant cinq ans.

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