Du Front national au Rassemblement national : ce qu'il faut savoir sur le nouveau nom proposé par Marine Le Pen
Marine Le Pen a annoncé, dimanche après-midi, le nom qu'elle soumet au vote des militants pour remplacer celui de Front national, choisi par son père en 1972.
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![Marine Le Pen, au congrès du FN, à Lille, samedi 10 mars 2018. (YANN CASTANIER / HANS LUCAS / AFP)](https://www.francetvinfo.fr/pictures/5xx0jn70dw7vT1qtzX15DIFqLzc/0x138:5312x3123/432x243/2018/03/11/phpq9GJAF_1.jpg)
Le Front national deviendra le Rassemblement national. Marine Le Pen a proposĂ©, dimanche 11 mars, aux adhĂ©rents du FN de rebaptiser le parti d'extrĂŞme droite. Lors de son discours de conclusion du 16e congrès du parti, prĂ©sentĂ© comme celui de la "refondation" après les dĂ©faites Ă©lectorales et les dĂ©fections de l'annĂ©e 2017,  la prĂ©sidente frontiste a mis fin au suspense qu'elle laissait planer sur ce nouveau patronyme censĂ© marquer une rupture avec l'ère Jean-Marie Le Pen.Â
Via un questionnaire envoyĂ© Ă l'automne, les militants s'Ă©taient prononcĂ©s Ă 52% en faveur d'un changement de nom.Â
Pourquoi "Rassemblement national" ?Â
"J'ai beaucoup rĂ©flĂ©chi et beaucoup consultĂ©", a prĂ©venu Marine Le Pen à la tribune, dimanche après-midi, avant de dĂ©voiler le nom qui sera soumis au vote des militants : Rassemblement national. Vantant la pertinence du terme "national", elle a estimĂ© que le nom devait "porter un message politique et mĂŞme clairement indiquĂ© le contenu de notre projet politique pour la France. Ce nom doit ĂŞtre plus encore qu'un projet, il doit ĂŞtre un cri de ralliement (...)."Â
Marine Le Pen a rappelé à la tribune la raison pour laquelle elle a écarté le mot "front", lié au concept "d'opposition." Or, "notre objectif est clair : c'est le pouvoir", a-t-elle encore lancé. Par ailleurs, le nom Rassemblement national, propose une fusion sémantique de Front national et de Rassemblement bleu marine.
L'Union nationale avait Ă©galement Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e comme une alternative, tout comme le nom Mouvement national. Mais ce dernier Ă©tait jugĂ© trop proche du Mouvement national rĂ©publicain, crĂ©Ă© par Bruno MĂ©gret, après avoir fait sĂ©cession Ă la fin des annĂ©es 1990. Ajoutant qu'elle trouvait "ringard" le nom Les Patriotes, choisi par son ancien bras droit Florian Philippot, la prĂ©sidente du Front national avait dĂ©jĂ assurĂ© prĂ©fĂ©rer le terme "nation". Elle avait toutefois Ă©cartĂ©Â Les Nationaux, une option suggĂ©rĂ©e par Gilbert Collard.Â
Pourquoi changer de nom  ?
"Ce nom, Front national, est porteur d'une histoire épique et glorieuse que personne ne doit renier (...) Mais vous le savez, il est pour beaucoup de Français, même de toute bonne fois, un frein psychologique." A la tribune, dimanche, Marine Le Pen a donné les raisons derrière ce changement de nom.
La veille, les militants ont  adoptĂ© Ă 79,9% les nouveaux statuts, lesquels suppriment le titre de prĂ©sident d'honneur, jusqu'alors attribuĂ© Ă son fondateur, Jean-Marie Le Pen. Une autre façon de tourner la page consistait donc Ă se sĂ©parer du nom choisi par ce dernier lors de la crĂ©ation du parti, en 1972. "On ne peut pas chercher l’ouverture, clĂ´turer l’ère Jean-Marie Le Pen et garder le nom d’un groupuscule des annĂ©es 1970", analysait ainsi l'entourage de Marine Le Pen dans Le Monde. "Les gens associent ce nom aux dĂ©rapages de Jean-Marie Le Pen, Ă une histoire tourmentĂ©e", estime Hugo, membre du Front national de la jeunesse (FNJ), interrogĂ© par franceinfo.Â
Marine Le Pen, elle, avait déjà publiquement qualifié le changement de nom comme un "premier compromis incontournable" pour convaincre de nouveaux électeurs et réaliser des alliances, en France et à  l'international. "Le Front national est devenu adulte. Il est passé d'un parti d'abord de protestation dans sa jeunesse, puis d'un parti d'opposition à un parti de gouvernement", a fait valoir Marine Le Pen vendredi, sur le plateau du "20 heures" de France 2. Le parti "doit acquérir la culture des alliances, acquérir la culture d'un parti de gouvernement. (...) Et changer le nom, c'est une des manières de le faire savoir", avait-elle précisé.
Changer de nom est ainsi la prochaine Ă©tape du processus de "dĂ©diabolisation" entamĂ©e par Marine Le Pen lorsqu'elle a pris les commandes du parti en 2011, asseyant donc la lĂ©gitimitĂ© de la ligne Marine. Mais pour StĂ©phane Wahnich, professeur-associĂ© Ă l’universitĂ© Paris-Est-CrĂ©teil en communication politique et publique et co-auteur, avec CĂ©cile Alduy, de Marine Le Pen prise aux mots (Seuil), le changement de nom ne suffira pas Ă changer l'image du parti. "Non, un changement de nom doit enclencher un changement de politique", a-t-il estimĂ© sur franceinfo, dimanche.Â
Un nouveau nom signifie-t-il un changement plus profond ?
"Est-ce que le FN va se recentrer, c’est-Ă -dire abandonner le 'ni gauche-ni droite', ou est-ce qu'il va rester idĂ©ologiquement le mĂŞme ? A priori Marine Le Pen veut garder le 'ni gauche-ni droite' donc je ne suis pas sĂ»r que le changement de nom sera suffisant", a commentĂ© StĂ©phane Wahnich. Pour lui, certains signaux, comme l'invitation au congrès de l'AmĂ©ricain Steve Bannon, figure de l'extrĂŞme droite amĂ©ricaine et artisan controversĂ© de la victoire de Donald Trump, ne trompent guère : "Structurellement, ça ne met pas les signes que le FN va devenir un parti national de gouvernance. C'est plutĂ´t le signe que le FN reste dans l'extrĂŞme droite traditionnelle." D'ailleurs, le nom Rassemblement national rappelle celui du groupe parlementaire frontiste Ă l'AssemblĂ©e nationale entre 1986 et 1988 ("Front national-Rassemblement national"). A l'Ă©poque, Jean-Marie Le Pen avait fait campagne avec ce slogan.Â
#RassemblementNational + maintien de la flamme = une image pic.twitter.com/9DQJLSNWle
— Abel Mestre (@AbelMestre) 11 mars 2018
Enfin, pour AnaĂŻs Voy-Gillis, gĂ©opolitologue spĂ©cialiste de l'extrĂŞme droite et des droites radicales en France et en Europe, citĂ©e par L'Express, ce changement de nom pourrait, Ă vouloir sĂ©duire de nouveaux publics, dĂ©stabiliser une partie des fidèles. "Marine Le Pen veut montrer qu'elle tient toujours les rĂŞnes, qu'elle prend les choses en main pour sortir le parti de la crise qu'il traverse depuis le dĂ©bat du second tour. Le problème, c'est qu'elle risque de dĂ©stabiliser sa base, ses militants, mais aussi ses sympathisants. Et donc, tout son Ă©lectorat potentiel", prĂ©vient la spĂ©cialiste. Â
Que pensent les militants sur le changement ?
Selon les données du Monde, 27 000 des 51 000 adhérents consultés par le parti sur les éventuelles mesures de refondation (dont le nom), les ont approuvées. Cela représente donc 52% des votants, comme l'a communiqué le porte-parole du parti. Le Monde précise toutefois que "ce questionnaire a été dépouillé sans huissier, et donc sans aucun moyen de contrôler les chiffres annoncés", laissant la place pour les critiques des opposants à cette nouveauté, à commencer par Jean-Marie Le Pen.
Dans un communiquĂ© partagĂ© sur Twitter, le fondateur du parti estime que "cette annonce faire entre deux portes est contredite par toutes les sources internes qui depuis des semaines font au contraire Ă©tat de l'attachemement de la base Ă l'Ă©tiquette FN."Â
Communiqué de presse https://t.co/lUTgfDTH6L pic.twitter.com/iQVtslKNPD
— Jean-Marie Le Pen (@lepenjm) 9 mars 2018
Du cĂ´tĂ© des militants, le changement de nom divise. "Je milite depuis dix ans. Ce nom, ce sont nos valeurs, j'ai votĂ© contre le changement. Mais il y a beaucoup de jeunes dans le parti maintenant, ils n'ont pas les mĂŞmes attentes que nous", commente un militant de 40 ans, citĂ© par Le Parisien. Autrefois favorable Ă un changement de nom, le dĂ©putĂ© Gilbert Collard, qui a rĂ©cemment rejoint le parti, estime pour sa part que "ce n'est pas ça qui nous dĂ©diabolisera", selon France 3 Occitanie.Â
Comment va se dĂ©rouler ce changement ?Â
La proposition de nom, soumise dimanche par Marine Le Pen, va devoir être entérinée par un vote militant dans les prochaines semaines. Ce vote, qui se réalisera par voie postale, devrait prendre au minimum "six semaines à mettre en place", précise Le Monde. "Si une majorité des adhérents l'acceptent, le nom (...) entrera en vigueur. Sinon, retour au FN."
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