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Présidentielle : "François Fillon est dans une logique d'enfermement mortifère"

Franceinfo a interrogé Arnaud Mercier, spécialiste de la communication politique, pour décrypter la conférence de presse de François Fillon, au cours de laquelle le candidat a annoncé qu'il resterait dans la course à l'Elysée, malgré sa probable mise en examen à la mi-mars.

Article rédigé par Clément Parrot - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
François Fillon, lors d'une visite d'usine à Romilly-sur-Seine (Aube), le 7 février 2017. (FRANCOIS NASCIMBENI / AFP)

François Fillon a vécu une journée décisive pour sa candidature à l'élection présidentielle, mercredi 1er mars. Après avoir reporté à la dernière minute sa visite au Salon de l'agriculture, le candidat de la droite a prononcé une allocution vers 12h30 à son QG de campagne. Coupant court aux rumeurs sur un éventuel retrait, il a une nouvelle fois annoncé sa volonté d'aller jusqu'au bout, malgré sa convocation le 15 mars en vue d'une mise en examen dans l'enquête sur les emplois présumés fictifs de Penelope Fillon. Franceinfo a sollicité l'analyse d'Arnaud Mercier, professeur à l'université Panthéon-Assas et spécialiste de la communication politique.

Franceinfo : La séquence de mercredi, avec la conférence de presse de François Fillon, vous paraît-elle réussie au niveau de sa communication ?

Arnaud Mercier : Pour la première fois, François Fillon a été en mesure d'anticiper son problème, plutôt que de courir derrière. Il s'est ainsi offert le luxe d'annoncer sa mise en examen à venir, plutôt que d'être confronté à une fuite dans la presse, avec l'obligation de réagir de manière plus ou moins ordonnée. Pour une fois, il répond aux critiques qui lui sont habituellement adressées sur le désordre de sa communication.

Comment expliquez-vous qu'il ait pris tant de temps pour faire son annonce, après avoir reporté sa venue au Salon de l'agriculture ?

Il était obligé d'anticiper, en tentant de déminer toutes les réactions négatives sur sa possible mise en examen. Il a pu prendre le temps de préparer attentivement sa communication avec son équipe, travailler les éléments de langage, la posture. Il a aussi pris le temps de téléphoner aux uns et aux autres, notamment à Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, pour s'assurer de leur soutien. Il a, enfin, profité de ce temps utile pour dramatiser la situation, créer une attente médiatique autour de son annonce.

Il est certain que cela laisse la place à toutes les rumeurs, mais il y en a toujours dans ces cas-là. Le seul problème dans la séquence, selon moi, c'est qu'il n'avait pas prévenu toute son équipe ce matin, au moment de l'annonce de sa non-venue au Salon de l'agriculture. Du coup, les images de ses proches décontenancés sur les plateaux de télévision n'étaient pas top. Ensuite, si j'en crois Le JDD, ils avaient quand même été prévenus par un SMS d'une conseillère presse.

"Viol", "assassinat"… François Fillon utilise un vocabulaire très offensif. Comment l'interprétez-vous ?

Première explication : il est avéré que François Fillon prend désormais conseil auprès de Nicolas Sarkozy, et on retrouve les jeux de posture et la rhétorique de l'ancien président, qui nous a habitués à dénoncer les juges. Autre explication : il est dans une sorte de fuite en avant, qui consiste à solidariser son électorat de base. Sa rhétorique se destine presque exclusivement à ceux qui ont voté pour lui à la primaire, et on constate une réelle efficacité auprès de ses partisans. Il s'agit d'un discours guerrier et mobilisateur pour appeler son camp à faire bloc derrière lui.

Mais il me semble que cette stratégie peut se révéler suicidaire. Tout ce qu'il gagne du côté de son électorat, il prend le risque de le perdre du côté de ceux qui auraient pu voter pour lui et qui vont désormais se dire qu'il tient des propos excessifs, qu'il perd son sang-froid. Il s'agit donc d'une logique d'enfermement mortifère dans un discours et une posture destinés à ceux qui sont déjà convaincus, alors que la logique d'une élection présidentielle est d'élargir sa base électorale au fur et à mesure. Il paye d'ailleurs déjà le coût de cette stratégie, avec la défection des partisans de Bruno Le Maire et de l'UDI

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