Procès d'Eric Dupond-Moretti devant la Cour de Justice de la République : à un mois du procès, de nombreuses questions toujours en suspens
Dans un mois, le 6 novembre, débutera le procès d’Éric Dupond-Moretti devant la Cour de Justice de la République, seule instance habilitée à juger les membres du gouvernement pour des crimes ou délits commis dans l'exercice de leur mandat. Une première pour un ministre de la Justice en exercice. Il lui est reproché d'avoir profité de sa fonction pour ordonner des enquêtes administratives contre des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir quand il était avocat, lui conteste ces conflits d'intérêts.
Ce procès avant même d'avoir débuté est miné par beaucoup de questions. Et la première d'entre elles : comment Eric Dupond-Moretti va-t-il concilier pendant ces deux semaines d'audience son statut de prévenu et ses missions de Garde des Sceaux ? Ça paraît compliqué. Pour autant, sa démission n'est pas l'ordre du jour. Depuis le début de cette affaire, le ministre de la Justice conserve la confiance d'Emmanuel Macron. Alors va-t-il se déporter le temps de l'audience et donc confier ses missions à la Première ministre ? Ce serait inédit.
Une organisation "en cours de définition"
Du côté de Matignon, on se contente de dire que le ministre est au travail. Aujourd'hui, il sera à Caen avec Elisabeth Borne pour inaugurer une prison. Tout juste est-il ajouté que, pour le procès, une organisation est "en cours de définition pour assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l’Etat".
Le ministre pourrait traiter ses dossiers tôt le matin, à la pause déjeuner et le soir et ainsi participer à toutes les audiences. L'ancien ténor souhaite au maximum y assister. Ça pourrait coincer toutefois pour les mercredis matins, où il sera attendu dans le même temps en salle d'audience et à l’Elysée pour le conseil des ministres.
La situation est peut-être plus délicate encore pour Rémy Heitz. Le procureur général de la Cour de Cassation a dit, il y a quelques jours, qu'il exercerait sa fonction avec "l'exigence d'impartialité et d'indépendance" qui a toujours été la sienne. Et s'il a besoin de le préciser, c'est parce qu'Eric Dupond-Moretti est... son supérieur hiérarchique. Porter l'accusation contre son propre patron ne sera pas forcément très confortable.
Conscient de cette difficulté, Eric Dupond-Moretti s'était d'ailleurs engagé, il y a plusieurs mois, à ne pas être celui qui choisirait le successeur de François Molins à la tête de la Cour de cassation.
Le risque d'un procès politique ?
Dernier point de délicatesse, la Cour de Justice de la République est composée de 3 juges professionnels mais aussi de douze parlementaires, six députés et six sénateurs, censés se muer le temps de l'audience en dignes et loyaux magistrats. Pour eux, rester objectif va nécessiter un sacré effort. Ils ont tous prêté serment, et aucun n'a donc logiquement accepté de nous répondre.
Parmi eux : 4 parlementaires de la majorité, 8 issus des oppositions, comme le député RN Bruno Bilde ou la députée insoumise Danièle Obono. On peut légitimement se demander s'ils n’ont pas un intérêt politique à une condamnation du prévenu Dupond-Moretti, poids lourd du gouvernement en place.
Inversement, la député Renaissance Emilie Chandler, qui a travaillé avec le garde des Sceaux et lui a remis un rapport il y a quelques mois n'a-t-elle pas elle un intérêt à le voir relaxé ?
"C'est vrai que ce n'est pas sain, reconnaît le député Liot Charles de Courson, qui a été juge parlementaire à trois reprises en 30 ans. Ce n'est pas un service à rendre aux parlementaires, c'est les mettre dans une situation pas saine."
"J’ai prêté serment de ne rien dire sur le secret des délibérés mais je peux vous dire que j'ai vu fonctionner de l'intérieur cette institution, je pense qu'il faut l'abroger."
Charles de Courson, député Liot de la Marneà franceinfo
La Cour de Justice de la république a toujours été décriée mais là, la critique prend plus de sens encore, avec un prévenu qui est encore aux affaires et soutenu par le chef de l'Etat.
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