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"Fin de l'abondance" : "Ce cynisme peut être dangereux pour Emmanuel Macron", analyse un communicant

Le politologue et communicant Jean-Christophe Gallien voit dans les propos du président un "décalage", mais aussi une manière de prendre l'avantage sur l'opposition en cette fin de vacances. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Emmanuel Macron prononce un discours lors d'une réception à l'occasion du 60e anniversaire des accords d'Evian, au palais de l'Elysée à Paris, le 19 mars 2022. (GONZALO FUENTES / POOL / AFP)

"On entre dans la saison politique par quelque chose d'assez inédit : cette intervention qui n'est pas destinée aux Français mais qui est destinée à coacher" le gouvernement, explique Jean-Christophe Gallien, politologue et communicant, jeudi 25 août sur franceinfo, après les propos d'Emmanuel Macron en préambule du conseil des ministres, mercredi. Le président a déclaré "la fin de l'abondance" et "la fin de l'insouciance", "quelque chose que les Français vivent depuis très longtemps", commente le politologue qui y voit à la fois "un décalage provoquant" de la part du chef de l'Etat afin de "pré-justifier des mesures difficiles", mais aussi une façon de prendre l'avantage sur les oppositions. "Ce cynisme peut être dangereux pour lui", conclut Jean-Christophe Gallien.

franceinfo : Est-ce que c'est une erreur de communication ?

Jean-Christophe Gallien : Le décalage entre ce qui est dit et la réalité vécue par les Français peut en effet apparaître abyssal, voire provocant, pour ne pas dire insultant. Vouloir prendre l'avantage et s'installer comme quelqu'un qui lance le débat politique en le commentant, sans parler de mesures, sans parler d'annonces concrètes, peut apparaître comme quelque chose qu'on ne comprend pas. Mais c'est un peu la marque d'Emmanuel Macron.

Quel est l'effet recherché ?

En fait, il faut le voir comme une espèce de télé-réalité du gouvernement. On entre dans la saison politique par quelque chose d'assez inédit : cette intervention qui n'est pas destinée aux Français mais qui est destinée à coacher son équipe. Sauf que pour les Français, ce commentaire, "la fin de l'abondance", c'est quelque chose qu'ils vivent depuis très longtemps et donc ça peut apparaître comme très largement décalé. Le seul avantage qu'il a, c'est que l'écho global en Europe est assez important. Cela vient ouvrir, pendant le temps des vacances, une conversation politique à la fois en France et en Europe. Ça peut effectivement choquer mais il a le mérite au moins de prendre l'avantage.

Est-ce qu'il y a un changement de cap de la part du président qui utilise cette fois des propos anxiogènes alors qu'il tentait jusqu'à présent d'avoir des discours positifs ?

C'est vrai qu'à l'intérieur des crises, il a plutôt joué le rôle de celui qui voulait calmer le jeu, qui disait "on va s'en sortir". Mais vouloir dramatiser, c'est aussi pré-justifier des mesures difficiles, peut-être des annonces sur l'énergie, les prix, sur le chauffage cet hiver, les coupures d'électricité. Forcément les oppositions sont obligées de se réveiller et c'est un peu ce qu'il recherche.

Il déclare la fin de l'abondance alors que les dividendes versés aux actionnaires ont atteint un niveau record au deuxième semestre et que le projet de taxe sur les superprofits a été rejeté par la majorité. Est-ce que ça ne donne pas l'impression d'un décalage entre les mots et les actes ?

En effet, il y a ce décalage entre le constat et l'intervention. Les ONG, les observateurs le dénoncent. Le président est coincé dans une neutralité, qui fait qu'il ne prend pas en compte le fait que dans nos poches il va y avoir de moins en moins d'argent, tandis que les résultats boursiers sont bons. Le président incarne ce décalage. C'est le danger. A jouer avec les mots, dans un contexte qui est mouvant, il prend un risque. Il prend un risque pour choquer, prendre l'avantage, marquer les gens pendant leurs vacances et dire aux opposants qui sont encore en vacances que lui est au travail. Ce cynisme peut être dangereux pour lui.

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