Cet article date de plus de cinq ans.

Affaire Benalla : ce qu'il faut retenir des enregistrements révélés par Mediapart

Le site d'information a authentifié les enregistrements d'une rencontre entre Alexandre Benalla et Vincent Crase, tous deux mis en examen dans les violences du 1er-Mai à Paris.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'ancien chargé de mission de l'Elysée, Alexandre Benalla, après son audition par la commission d'enquête du Sénat, à Paris, le 21 janvier 2019. (ALAIN JOCARD / AFP)

Une discussion interdite, des liens avec un oligarque russe, le soutien de l'Elysée à Alexandre Benalla… Dans une longue enquête publiée jeudi 31 janvier, Mediapart diffuse des "enregistrements qui changent tout". Le site d'investigations affirme avoir authentifié les enregistrements sonores d'une rencontre entre Alexandre Benalla, l'ancien chargé de mission de l'Elysée, et Vincent Crase, ancien chargé de sécurité de La République en marche. La scène se déroule le 26 juillet 2018 et les deux hommes y abordent des sujets sensibles, de l'enquête sur les violences du 1er-Mai à un contrat de sécurité passé avec un sulfureux oligarque russe.

Benalla a enfreint son contrôle judiciaire

Le 22 juillet 2018, Alexandre Benalla et Vincent Crase ont été mis en examen, notamment pour "violences en réunion", après les événements du 1er-Mai, point de départ de l'affaire. Les deux hommes avaient été filmés en train d'interpeller violemment un couple, à Paris.

Ce que révèle Mediapart. Le site affirme qu'Alexandre Benalla et Vincent Crase se sont rencontrés "en petit comité", le 26 juillet, quelques jours après leur mise en examen. On ignore où le rendez-vous s'est déroulé et si quelqu'un d'autre était présent, mais la rencontre a été enregistrée et l'on entend les deux hommes échanger des informations sur l'enquête et les perquisitions en cours. Vincent Crase dit même avoir envisagé de se rendre au siège de LREM, une nuit "mais le problème, c'est qu'il y a les flics devant".

Pourquoi c'est embarrassant. Comme l'explique Mediapart, cette rencontre est illégale puisqu'elle viole les termes de leur contrôle judiciaire, qui interdit "tout contact" entre les deux mis en examen. Une mesure destinée à ne pas entraver l'enquête en cours. 

Benalla revendique le soutien du "patron"

Au cours de cette rencontre, Alexandre Benalla assure à Vincent Crase qu'Emmanuel Macron, qu'il appelle "le patron""fait plus que (les) soutenir"

Ce que révèle Médiapart. Dans l'enregistrement de la rencontre, on entend Alexandre Benalla se vanter du soutien de la présidence, citant notamment un SMS d'Emmanuel Macron. "Truc de dingue, le 'patron', hier soir il m'envoie un message, il me dit : 'Tu vas les bouffer. Tu es plus fort qu'eux, c’est pour ça que je t'avais auprès de moi. Je suis avec Isma [Ismaël Emelien, conseiller spécial du président], etc., on attend Le Monde, machin, etc.'" Relancé par Vincent Crase, il ajoute : "Il fait plus que nous soutenir (...) Il est comme un fou (...) C'est énorme quand même." Alexandre Benalla assure en outre avoir le soutien de "Madame", à savoir Brigitte Macron, ainsi que celui d'Ismaël Emelien, conseiller spécial du président de la République, qui le "conseille sur les médias et compagnie", assure-t-il.

Pourquoi c'est embarrassant. Le soutien d'Emmanuel Macron à Alexandre Benalla n'est pas exactement une surprise. Le chef de l'Etat l'avait affirmé quelques jours plus tôt devant des élus LREM, en affirmant être le "seul responsable", avant de lancer "qu'ils viennent me chercher !". Mais Mediapart rappelle que l'enquête judiciaire en cours met "en grande difficulté" Ismaël Emelien, qui aurait pu recevoir, des mains d'Alexandre Benalla, "des images obtenues illégalement de la préfecture de police, qui vont être diffusées dans les heures qui suivent sur les réseaux sociaux par des comptes En Marche ! en défense de Benalla". Ismaël Emelien apparaît donc comme un "point de contact important de Benalla à l'Elysée", explique Mediapart.

Ce que répond l'Elysée. Contacté par Mediapart, "l'Elysée dément l'existence de ce SMS" d'Emmanuel Macron à son ancien chargé de mission, ainsi que l'idée selon laquelle Ismaël Emelien aurait pu conseiller Alexandre Benalla. Ce très proche d'Emmanuel Macron n'a pas répondu aux sollicitations de la rédaction.

Benalla serait "impliqué dans un contrat" avec un sulfureux oligarque russe

Selon l'enquête de Mediapart, c'est "un sujet qui inquiète le tandem Benalla-Crase". Le site d'informations avait révélé, au mois de décembre, l'existence d'un "contrat de sécurité" entre l'oligarque russe Iskander Makhmudov et la société Mars, qui appartient à Vincent Crase, "à une date où ce dernier était encore chargé de la sécurité du parti LREM, tandis qu'Alexandre Benalla travaillait encore à l'Elysée"

Ce que révèle Mediapart. "Benalla est personnellement impliqué dans ce contrat, y compris dans ses montages financiers", affirme l'enquête de Mediapart. L'ancien chargé de mission de l'Elysée a "rencontré à plusieurs reprises le représentant de l'oligarque en France, l'homme d'affaires Jean-Louis Hagenauer", ajoute le site, photo de Benalla et Hagenauer jouant au babyfoot à l'appui. Les discussions remonteraient à l'hiver 2017, alors qu'Alexandre Benalla est en fonction à l'Elysée, et Benalla aurait touché de l'argent en lien avec ce contrat.

Pourquoi c'est embarrassant. D'abord, parce que Iskander Makhmudov, proche de Vladimir Poutine, a un profil "sulfureux". Il est "soupçonné par plusieurs magistrats européens d'accointances avec l'un des pires groupes criminels moscovites" et "la justice française s'intéresse à lui", écrit Mediapart. Ce lien entre un proche d'Emmanuel Macron, alors habilité "secret défense", et un "milliardaire proche du pouvoir poutinien", "interroge pour le moins", estime Mediapart. 

En outre, Alexandre Benalla, interrogé à plusieurs reprises sur ce contrat, a toujours nié être impliqué, notamment lorsqu'il témoignait, sous serment, devant la commission d'enquête du Sénat. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.