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"Dire la vérité aux Français" : la promesse de tous les candidats

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"Dire la vérité" : la promesse que tous les candidats font (Bastien Hugues)
Article rédigé par franceinfo
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Crise oblige, fini les paroles en l'air. Cette année, tous les candidats à la présidentielle ont pris la même résolution : vous dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

A chacun son slogan, son mot fétiche. A Sarkozy, "le courage". A Hollande, "le changement". A Bayrou, "le pays uni"... Et puis il y a ce mot que tous, à de rares exceptions près, ont sur la bouche : "la vérité". Crise oblige, fini les belles promesses que l'on ne serait pas capable de tenir une fois élu : promis juré, 2012 sera le millésime de la raison.

De François Hollande à Nicolas Sarkozy en passant par Eva Joly, Marine Le Pen ou Hervé Morin, les candidats à la présidentielle ressassent la promesse à tout bout de champ. Mercredi 1er février, François Bayrou s'est lui aussi engouffré dans la brèche. En guise d'introduction à la présentation de son programme, le candidat centriste a cru bon de préciser que "pour la première fois, ce doit être une élection fondée sur la vérité". Une phrase qui sous-entend que les précédentes reposaient... sur le mensonge ? D'autant plus étrange qu'en 2002, l'affiche officielle de la campagne de François Bayrou présentait déjà la vérité comme "une idée neuve" !

Co-auteure de Parlez-vous le politique ?, Pascale Wattier soulignait, début janvier sur L'Express.fr, que cette obsession sémantique "doit allumer un signal d'alarme" chez l'électeur. "En gros, cela veut dire : 'attention, je vais vous refourguer mon argumentaire et je vais vous enfumer'. Parce que quand on a quelque chose à dire, on n'a pas besoin de dire 'je vais vous dire la vérité'", fait-elle valoir.

"Il n'a jamais fait de doute pour personne que la vérité et la politique sont en assez mauvais termes, et nul n'a jamais compté la bonne foi au nombre des vertus politiques", observait en 1972 la philosophie Hannah Arendt dans La Crise de la culture. Quarante ans plus tard, le constat est toujours d'actualité.

Pour un Français sur deux, la sincérité des politiques se dégrade

Selon une étude Ipsos publiée mercredi 1er février, un Français sur deux considère que "la sincérité des femmes et des hommes politiques" s'est dégradée au cours des deux dernières décennies, alors que seulement 9% pensent qu'elle s'est améliorée. Dans ce contexte, 80% des sondés considèrent que les hommes politiques ont "intérêt à dire la vérité sur la situation du pays s'ils veulent être élus". Une exigence qui semble "concomitante d'une certaine lassitude de l’opinion à l’égard des 'promesses non tenues', qui se classent au deuxième rang des attitudes jugées les moins acceptables en politique", observe l'institut Ipsos.

Un constat nuancé cependant par le politologue Dominique Reynié : "Les électeurs pestent contre l'absence de sincérité, mais jamais aucun président de la République n'a été élu sur un discours de vérité", souligne-il dans cet article de La Croix. Lors de la dernière élection, le candidat choisi n'a-t-il pas été élu sur le slogan "Ensemble, tout devient possible" ? "En 2007, on pensait sincèrement que tout était possible, jure aujourd'hui le député UMP Pierre Méhaignerie. Il est clair que cette expérience peut nous servir de leçon : il ne faut pas promettre ce que l'on n'est pas certain de pouvoir réaliser, sans quoi les électeurs, déçus, nous le feront payer cash."

"Dire la vérité est une promesse qui revient de façon cyclique dans le débat politique, observe son confrère Philippe Braud. Michel Rocard, par exemple, préconisait le 'parler vrai' dès la fin des années soixante-dix, mais il est en réalité impossible pour un homme politique de dire toute la vérité. Tout simplement parce que, pour le résumer de manière familière, on n'attrape pas des mouches avec du vinaigre ! Quand on veut être élu ou réélu, il faut certes dire des choses possibles, mais il faut d'abord séduire les électeurs. Il faut donc bluffer, à la condition, évidemment, que cela ne se voit pas. C'est une véritable logique de positions."

La crise économique que la France traverse actuellement ne change-t-elle donc rien à la donne ? "Quelqu'un qui, aujourd'hui, ferait campagne en disant 'tout va bien madame la marquise' et promettrait monts et merveilles aurait peu de chances d'être élu, concède Philippe Braud. En fait, tout est une question de dosage entre le réalisme dont on doit faire preuve et l'espoir que l'on doit susciter chez les Français", note la porte-parole d'un candidat à la présidentielle. Une façon de reconnaître qu'entre promettre la vérité aux Français et leur proposer "du sang et des larmes", façon Winston Churchill, il y a un fossé qu'il ne vaut mieux pas franchir pour quiconque voudrait être élu le 6 mai.

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