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"Sous prétexte de changer de méthode, Macron ne fait rien" : la colère du maire de La Courneuve après le discours du président sur la banlieue

"Je ne m'attendais pas à grand chose, mais je suis quand même très déçu", réagit Gilles Poux, édile de cette ville emblématique de Seine-Saint-Denis, contacté par franceinfo.

Article rédigé par Kocila Makdeche - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une photo de la Cité des 4000, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), le 21 mai 2018. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

Pas de plan chiffré, mais un changement de méthode. Pendant près d'une heure et demi, mardi 22 mai, sur la scène de la salle des fêtes de l'Elysée, Emmanuel Macron a fait une série d'annonces pour lutter contre "l'assignation à résidence" des habitants des quartiers défavorisés. "Je ne vais pas annoncer un plan ville, un plan banlieues", a martelé le chef de l'Etat, fustigeant une vision de la politique de la ville "aussi âgée que [lui]".

>> Cinq annonces faites par Macron lors de son discours sur les banlieues

Avec cette présentation, le chef de l'Etat a donc pris ses distances avec les préconisations de Jean-Louis Borloo, pourtant mandaté pour plancher sur des solutions concrètes afin d'améliorer la situation des quartiers populaires. Un désaveu critiqué par plusieurs maires de banlieue, dont Gilles Poux, maire communiste de La Courneuve. L'édile de cette ville emblématique de Seine-Saint-Denis fait part de sa déception à franceinfo.

Franceinfo : Quel est votre sentiment après ce long discours d'Emmanuel Macron ?

Gilles Poux : Je suis déçu. Je ne m'attendais pas à grand chose, mais je suis quand même très déçu. Une nouvelle fois, on passe complètement à côté de la réalité de la situation dans les banlieues. Dans son rapport, Jean-Louis Borloo avait pourtant établi un diagnostic simple : ces territoires sont abandonnés par la République, sont mal dotées et n'ont pas un accès au même titre que les autres aux services publics, ce qui crée de graves inégalités.

Pour pallier tout cela, Borloo a remis des propositions concrètes. Mais le président n'en a pas tenu compte.

Emmanuel Macron préfère affirmer qu'il ne faut pas de nouveau plan pour les banlieues pour justifier le fait qu'il refuse d'allouer des fonds à ces quartiers qui devraient pourtant être prioritaires.

Gilles Poux

à franceinfo

A l'inverse, on continue de demander aux collectivités territoriales de réduire leurs dépenses de fonctionnement. Donc de réduire l'accès des populations aux services publics de proximité. C'est le serpent qui se mord la queue.

En refusant d'annoncer un nouveau "plan banlieues", Emmanuel Macron a expliqué vouloir rompre avec des décennies de politique de la ville qui se sont avérées inefficaces...

D’abord, ce n'est pas tout à fait vrai. Les différents plans pour la banlieue ont tout de même permis de faire évoluer certaines choses sur nos territoires. Malgré le peu de moyens alloués pour les mettre en place, les précédents plans affirmaient au moins une ambition. Là, c'est pire : il n'y a rien.

Sous prétexte de changer de méthode, Emmanuel Macron ne dit rien et ne fait rien. Si ce n'est quelques annonces sur la sécurité qui continuent de stigmatiser ces quartiers.

Gilles Poux

à franceinfo

Bien sûr, il y a des problèmes de sécurité de drogues et de radicalisation dans ces quartiers. Mais le véritable problème, c'est qu'il n'y a jamais eu de réels engagements sur les questions sociales. Je parle de l'école, de l'accès aux services publics, de l'emploi...

Sur ces questions, Emmanuel Macron a promis 30 000 stages pour les élèves de troisième de ces quartiers et la mise en place d'un "testing" anti-discrimination dans les entreprises. Ce n'est que de la poudre aux yeux ?

Je ne dis pas que cela sert à rien. Il faut accompagner les jeunes en troisième. Pour la discrimination à l'embauche, évidemment que cela existe. On le sait depuis très longtemps. Mais globalement, ce ne sont pas ces annonces qui vont inverser les logiques auxquelles nous sommes confrontés.

Il faut des ambitions bien plus fortes si on veut lutter contre la relégation sociale.

Gilles Poux

à franceinfo

Je prend un exemple : au Pôle emploi de La Courneuve, il y a un conseiller pour 250 chômeurs ! En France, la moyenne c’est un conseiller pour moins de 100 chômeurs. C'est justement sur ce point qu'on l'attendait. Et encore une fois, cela ne changera pas.

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