Municipales 2020 à Bordeaux : tout comprendre des enjeux du scrutin, surtout si vous pensez que Juppé est encore maire
Qui incarnera l'après-Juppé ? Son successeur naturel, le maire sortant, Nicolas Florian ? Ou l'un de ses opposants ? Avant d'avoir la réponse les 15 et 22 mars, franceinfo se penche sur les enjeux de l'élection municipale à Bordeaux.
Bordeaux synonyme d'Alain Juppé, vous ne le savez peut-être pas, mais c'est terminé. Depuis mars 2019, Nicolas Florian, son deuxième adjoint aux finances, a pris les commandes de la cité girondine, après 22 ans au pouvoir de l'ancien Premier ministre. Les Bordelais et Bordelaises vont donc pouvoir décider, lors de ces municipales, s'ils décident de fermer le chapitre Juppé, en lui préférant l'un de ses opposants, ou s'ils préfèrent la continuité avec son héritier. D'ici les 15 et 22 mars, franceinfo vous résume tout ce qu'il faut savoir sur ce scrutin bordelais.
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Qui est le maire en place (et veut-il rester) ?
Non, non, on vous le répète, ce n'est plus Alain Juppé ! Son ancien adjoint, Nicolas Florian a été élu en février 2019 par le conseil municipal de Bordeaux, après la démission surprise de l'ancien Premier ministre, nommé au Conseil constitutionnel. Investi par Les Républicains et soutenu par le MoDem, Nicolas Florian conduit, pour ces élections, une liste sans étiquette. "Je ne m'implique plus dans l'appareil politique, je suis maire de Bordeaux à 100%", justifie-t-il. Si Alain Juppé ne s'implique pas dans la campagne de son successeur, son épouse, Isabelle Juppé, est le "trait d'union" entre les deux élus. Elle occupe la première place de son comité de soutien.
Nicolas Florian est considéré comme "Macron-compatible". Pourtant, il a eu la surprise de constater que le parti présidentiel avait investi un candidat face à lui, sur lequel il refuse de faire un commentaire.
Qu'est-ce qu'on retient de son mandat ?
Bon, ce n'est pas facile de faire le bilan d'un maire en place depuis moins d'un an. Puisque Nicolas Florian appartenait à l'équipe municipale d'Alain Juppé, faisons le bilan de leur tandem. On commence par un raté, celui de l'aménagement des boulevards. Au programme : pistes cyclables, parkings relais… Comme le note 20 Minutes, ce projet est très en retard puisque la concertation publique sur le sujet n'a eu lieu qu'en octobre.
Concernant le logement, Alain Juppé voulait atteindre l'objectif de 20% de logements sociaux en 2020. Si 5 500 logements sociaux ont été construits, la cité girondine n'atteint pas l'objectif fixé et se situe entre 18 et 19% de logements sociaux, selon 20 Minutes. En matière d'attractivité économique, c'est mieux. La municipalité a créé 13 000 emplois nets à Bordeaux entre 2014 et 2019, selon les chiffres de l'Urssaf. Elle a aussi réussi à attirer de grandes entreprises, comme Ubisoft et Betclic.
Et l'opposition, qu'est-ce qu'elle en dit ?
L'opposition est – fait rare en politique – plutôt clémente avec Alain Juppé, et même satisfaite, pour certains. "Nous n'avons pas la même vision des choses, mais c'est un animal politique avec lequel j'ai pu travailler en compromis", souligne auprès du Figaro le socialiste Jean-Luc Gleyze, président du département de Gironde. "Son bilan est celui d'un bon maire, qui a réveillé la ville", juge auprès du même journal son ex-concurrent socialiste aux municipales de 2008, le président de Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset.
Sans surprise dans un contexte électoral, son successeur Nicolas Florian est jugé beaucoup plus sévèrement par ses adversaires. "Le pouvoir sortant est fragilisé par le départ d'Alain Juppé, explique au Point le candidat écolo, Pierre Hurmic. Nicolas Florian n'a pas su imprimer sa marque : il fait du Juppé sans Juppé et cela ne convainc pas les Bordelais."
Qui veut devenir maire à la place du maire ?
Il sera sans doute le principal adversaire du maire, si l'on en croit les sondages : Pierre Hurmic, conseiller municipal EELV depuis 1995, investi fin septembre par son parti. "Nous, écologistes, depuis des années, on prêche dans le désert. Comme le désert avance, on finit par être entendu", avait estimé cet avocat de 64 ans, lors d'une conférence de presse. L'écologiste, allié à la gauche locale, entend déclarer Bordeaux "en état d'urgence climatique", une fois élu.
En embuscade, on retrouve aussi le candidat de LREM : Thomas Cazenave, ex-cadre d'Orange et de Pôle emploi, ancien délégué interministériel de la transformation publique. Ce dernier se présente comme "le nouveau visage", avec un projet "au centre", "face à un match installé depuis 30 ans" entre le maire sortant et Pierre Hurmic.
Philippe Poutou, ancien candidat aux présidentielles de 2012 et 2017, présente une liste "anticapitaliste" rassemblant le NPA (Nouveau parti anticapitaliste), LFI (La France insoumise), des associatifs et des "gilets jaunes". Il exclut tout futur accord avec les écologistes et la gauche.
Du côté du Rassemblement national, Bruno Paluteau, conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine et conseiller municipal de la ville voisine de Bègles, a été désigné comme tête de liste. Enfin, Pascal Jarty, ancien directeur du Centre d'information jeunesse d'Aquitaine et ex-conseiller municipal, sous Chaban-Delmas, entre 1983 et 1995, conduira une liste baptisée "Servir Bordeaux".
En bref, qui propose quoi ?
Cap sur l'écologie ! Encore plus qu'ailleurs, la thématique environnementale est ici au cœur des programmes. Nicolas Florian propose ainsi la création d'un jardin suspendu sur toute la toiture de la base sous-marine. Il veut une ville "zéro déchet" d'ici à 2026, avec la création du plus grand centre de recyclage de matériaux de construction de France et il souhaite réserver 25% des espaces de parking publics pour les vélos et les deux-roues. Selon France Bleu, le successeur d'Alain Juppé voudrait aussi créer un 9e quartier, le quartier du fleuve, avec neuf pontons supplémentaires, installer une piscine sur les quais et créer des patrouilles mixtes entre la police nationale et municipale.
Pierre Hurmic, lui, mise tout sur l'écologie et promet de prendre, s'il est élu, une série de "mesures urgentes". Il promet "zéro artificialisation des sols", l'interdiction de l'accès aux quais des paquebots trop polluants, le développement des pistes cyclables et la réduction du stationnement longue durée dans les rues de la ville.
Le candidat LREM Thomas Cazenave veut, lui, faire de Bordeaux "une ville pour tous". Il veut proposer 7 000 logements à prix réduits, projette de renforcer les moyens de la police municipale, ou encore ouvrir une grande cité de la transition écologique créatrice d'emplois. Il vise aussi 200 km de pistes cyclables sécurisées, pour faire de Bordeaux "la première métropole du vélo en France". De son côté, Philippe Poutou prévoit la réquisition des logements vacants, les transports gratuits, la défense des services publics, la dénonciation des violences policières ou l'aide à la culture.
Qui a ses chances d'être élu ?
Eh bien, on ne va pas faire de pronostic, au risque de se tromper. Contrairement à d'autres grandes villes, le scrutin bordelais promet d'être serré. "Avec le départ d'Alain Juppé (...), tout semble désormais possible, écrit Le Point. La ville devrait même connaître un second tour aux municipales, pour la première fois depuis fort longtemps".
Selon un sondage Ipsos réalisé mi-décembre, Nicolas Florian ne devance Pierre Hurmic que de trois petits points. Le maire sortant est crédité de 33% des voix, et son opposant vert de 30% des suffrages. Thomas Cazenave arrive troisième avec 16% des suffrages, tandis que Bruno Paluteau (7%) et Pascal Jarty (1%) passe sous les barres des 10%. Attention, ce sondage est à prendre avec des pincettes, puisque l'ancien socialiste Vincent Feltesse était crédité de 7% des voix. Or, ce dernier a renoncé à se présenter, en décembre. On ignore vers qui se dirigeront ses soutiens.
Pour la petite histoire…
A Bordeaux aussi, les frontières partisanes sont brouillées. Vous pensiez que le député LREM du coin soutiendrait le candidat du mouvement présidentiel ? Raté. Benoît Simian, député LREM de Gironde, a officialisé fin janvier son soutien à Nicolas Florian. L'élu du Médoc sera même sur la liste du maire sortant. Ce dernier a expliqué sa présence comme une "marque de confiance au-delà des clivages partisans", car "il faut laisser les 'chicayas' politiques à Paris".
Ce ralliement ajoute donc à l'imbroglio bordelais, où vont s'affronter un maire sortant "Macron-compatible" ayant pris ses distances avec LR, allié localement au MoDem, et Thomas Cazenave, un candidat investi par LREM, dont le MoDem est l'allié national. Vous suivez toujours ?
Dans le cadre de ma contribution apportée au projet territorial du maire de @Bordeaux & fidèle au travail accompli @alainjuppe ,je rejoins aujourd’hui l’équipe de @nflorian33
— Benoit Simian (@BenoitSimian) 31 janvier 2020
Je veux en faire une coopération gagnante avec nos territoires et relever le défi des mobilités ! https://t.co/2hSRDdUsUN
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