Uber Files : trois questions sur l'action des lobbies en France
Les révélations Uber Files ont mis en lumière les pratiques de lobbying du géant du VTC, notamment auprès d'Emmanuel Macron. En France, le lobbying est désormais encadré par des lois.
Les Uber Files, révélées par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), dont fait partie la cellule investigation de Radio France, ont mis au jour les relations entre le géant des VTC Uber et Emmanuel Macron. L'enquête met notamment en avant l’ampleur du lobbying mis en place par Uber pour conquérir le monde. Peu à peu, la société a tissé un puissant réseau dont faisait notamment partie Emmanuel Macron lorsqu’il était ministre de l'Économie en 2014.
>> Uber Files : comment Emmanuel Macron s'est impliqué lors de l'arrivée du géant des VTC en France
Deux jours après les révélations, mardi 12 juillet, Emmanuel Macron s'est "félicité" de son travail avec Uber, lors d'un déplacement en Isère. "On a créé des milliers d'emplois", a affirmé le chef de l'État. Il assure avoir été "un ministre de l'Economie qui s'est battu pour attirer des entreprises".
Les lobbies sont-ils contrôlés ?
Oui, en particulier depuis la loi Sapin II, entrée en vigueur en septembre 2017. Elle oblige tous les lobbyistes à s'inscrire auprès de la Haute autorité de la transparence de la vie publique (HATVP). Chaque année, ils doivent lister leurs activités de lobbying.
Par exemple, la société Uber s'est déclarée auprès de la Haute autorité fin 2017, après l'entrée en vigueur de loi. Sur sa page, qu'on trouve facilement sur le site de l'autorité, tout est public. Il y a une liste de tous les débats, les sujets sur lesquels Uber déclare être intervenu. Des rencontres avec le cabinet du président Emmanuel Macron, avec des députés, des sénateurs et le ministère des Transports. Au total, plus de 3 millions d'euros dépensés en lobbying. Mais tout cela seulement depuis 2017 et l'entrée en vigueur de la loi.
Avant cette date, et notamment la période des Uber Files, quand Emmanuel Macron était au ministère de l'Économie, pas d'info sur le site de la Haute autorité puisque la société Uber n'est pas obligée de le déclarer.
Cette loi de 2017 a-t-elle vraiment changé la donne ?
Sur le plan judiciaire, tant que les activités de lobbying sont déclarées à la fin de chaque année, la loi est respectée. Même avec cette loi, Uber n'aurait pas judiciairement parlant été épinglée. Dans le cas contraire, sans déclaration annuelle, la sanction encourue peut aller jusqu'à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.
Si on regarde les bilans de la Haute autorité, on peut penser que les entreprises jouent le jeu. Aujourd'hui, 2 400 lobbies se sont déclarés et plus de 50 000 actions de lobbying sont recensées.
Qu'est-ce qui doit être déclaré ?
C'est l'un des problèmes : il n'y a aucune obligation d'indiquer la nature du lobbying. Des repas, des cafés ? Ou des amendements, des projets de loi prêts à l'emploi envoyés aux députés, aux sénateurs ? Impossible de savoir ce que fait exactement chaque lobbyiste. Autre inconnue, les lobbyistes déclarent qu'ils rencontrent des sénateurs, députés, membres du gouvernement, mais ne disent pas qui exactement. Ils ne doivent pas préciser l'identité de la personne, seulement sa fonction, son mandat. La HATVP pointe, elle-même, un manque de transparence dans un rapport publié en 2021.
Lorsque ce sont les politiques qui sollicitent les lobbies, qui leur demandent conseil, il n'y a aucune obligation de déclaration auprès de la Haute autorité.
L'ONG Transparency France par exemple demande que les membres du gouvernement, les députés et sénateurs présidents de commission parlementaire, les présidents de groupes parlementaires, publient leur agenda précis, toutes les rencontres qu'ils ont avec les lobbyistes. Elle alerte également sur les moyens de la Haute autorité pour contrôler toutes les activités de lobbying. Ils sont une petite vingtaine d'employés, pour des milliers d'actions déclarées des lobbies.
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