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"Khmer vert", bosseur acharné et père du Vélib' : qui est Denis Baupin, l'élu écologiste accusé d'agression sexuelle ?

Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire contre l'ancien élu d'Europe Ecologie-Les Verts, accusé de harcèlement sexuel. Francetv info dresse le portrait du député.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Denis Baupin à l'Assemblée nationale, le 13 janvier 2015. (AURELIEN MORISSARD / CITIZENSIDE.COM / AFP)

Denis Baupin est dans la tourmente. Mediapart et France Inter révèlent, lundi 9 mai, les témoignages de quatre élues d'Europe Ecologie-Les Verts ou ex-EELV qui affirment avoir été victimes de harcèlement et d'agressions sexuelles de la part du député et ancien vice-président de l'Assemblée nationale. "J’étais au courant que Denis avait un comportement, disons, un peu lourdingue avec les femmes. Je n’avais pas idée qu’il allait aussi loin", reconnaît Yves Contassot, conseiller écologiste de Paris, interrogé par BFMTV.

Denis Baupin faisait pourtant figure de "gendre idéal" il y a une dizaine d'années, à en croire le portrait que lui consacrait Libération en 2006. "Avec ses grands yeux clairs et son allure de poussin ébouriffé, on lui donnerait le bon Dieu sans confession", écrivait le quotidien. Il faut dire que le Normand de 53 ans a eu un début de carrière politique brillant. Encarté chez les Verts en 1989, il devient conseiller de Dominique Voynet au Parlement européen un an plus tard. Il l'assiste à nouveau au ministère de l'Environnement, entre 1997 et 1998.

Un "ayatollah anti-voitures" qui ne chôme pas

Quatre ans plus tard, Denis Baupin est élu à la mairie de Paris et devient l'adjoint aux transports de Bertrand Delanoë. Il entreprend alors de "libérer Paris de la bagnole". Taxé de "khmer vert" et d'"ayatollah anti-voitures" par ses détracteurs, il engage une série de mesures de grande ampleur : élargissement des trottoirs, mise en place de couloirs de bus et de pistes cyclables, création de lignes de tramway et du Vélib'. De ce dernier projet, il dit au magazine Le 13 du mois : "Avoir fait tout ça, c'est un luxe, comme pour Jean Dujardin aux Oscars. Le Vélib', c'est mon Oscar à moi."

"C'est un gros bosseur, pas dilettante du tout, une rareté chez les Verts !" glisse le socialiste David Assouline à Libération. Il n'est pas le seul à reconnaître cette qualité à l'ancien centralien. Noël Mamère voit en lui un "spécialiste incontestable et incontesté des questions énergétiques", rapporte Le FigaroSelon Jean-Vincent Placé, l'ingénieur de formation a même "un ordinateur dans le cerveau".

Denis Baupin a aussi beaucoup d'ambition. Il avoue au Monde qu'il brigue le poste de ministre des Transports en cas de victoire de la gauche aux élections de 2007. Peine perdue : la droite l'emporte et l'élu reste à la mairie de Paris après les municipales de 2008. Il s'empare cette fois de la question de l'environnement et planche sur le plan Climat de la capitale, visant à réduire de 25% les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020.

Engagé pour l'environnement et... les droits des femmes

Il défend également le thème du développement durable sur les bancs de l'Assemblée nationale. Elu député de Paris en 2012, Denis Baupin s'engage sur le dossier du nucléaire, rappelle 20 Minutes. Partisan de l'arrêt définitif des centrales françaises, il fustige les socialistes alors qu'ils font marche arrière sur cette promesse de campagne de François Hollande.

Le membre d'Europe Ecologie-Les Verts se veut toutefois "pragmatique", selon Europe 1. Prônant le maintien des écologistes dans le gouvernement, il défend la loi sur la transition énergétique de Ségolène Royal, en 2015, et vote en faveur de la loi sur le renseignement et de la réforme constitutionnelle.

Les prises de position de Denis Baupin, situé à l'aile droite d'EELV, irritent ses alliés écologistes. Selon Le Figaro, Noël Mamère lui reproche d'être "devenu mou du genou". "Il voit souvent le verre à moitié plein quand il est à moitié vide !" s'agace le député Sergio Coronado. La situation devient intenable : après 27 ans chez les Verts, Denis Baupin quitte EELV le 18 avril 2016, évoquant des "désaccords stratégiques".

Mais les embouteillages et le nucléaire ne sont pas les seuls chevaux de bataille de Denis Baupin. Dans ce qui ressemble aujourd'hui à un double-discours, l'élu s'est également engagé à plusieurs reprises pour les droits des femmes, note LibérationEn 2011, il relaye par exemple un tweet demandant à Dominique Strauss-Khan de "présenter ses excuses" à Nafissatou Diallo, la femme de chambre qui accuse l'ex-directeur du FMI d'agression sexuelle. Un an plus tard, sur Twitter, il se dit "fier" de l'adoption de la loi contre le harcèlement sexuel.

Des textos lubriques aux attouchements

Le 8 mars dernier, le député poste cette fois un message en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes. Elen Debost, l'une des huit élues d'EELV qui affirme avoir été victime harcèlement sexuel, voit rouge. "Je suis tombée sur une photo de députés, qui, à l'occasion de [la journée de la femme], se sont barbouillés de rouge à lèvres, raconte-t-elle. J'ai littéralement eu la nausée."

Denis Baupin aurait envoyé des centaines de "SMS d'incitation sexuelle" à Elen Debost. "Du type : 'Je suis dans un train et j’aimerais te sodomiser en cuissardes'. Ou encore : 'J’ai envie de voir ton cul'", affirme-t-elle. Il aurait en outre agressé sexuellement Sandrine Rousseau alors qu'elle se rendait aux toilettes, lors d'une réunion d'EELV en 2011. "Il m’a plaquée contre le mur en me tenant par la poitrine, et a cherché à m’embrasser, raconte la porte-parole du parti. Je l’ai repoussé violemment."

A en croire les témoignages de plusieurs membres de la classe politique, ces révélations ne sont toutefois pas une surprise. Dès 2006, une élue parisienne souffle à Libération que, "comme beaucoup d'hommes politiques, [Denis Baupin] ne résiste pas à son envie de séduire". L'élu avoue alors que sa vie privée est une "succession d'histoires" et qu'il n'a "pas encore" choisi de se poser.

Un homme "odieux avec les femmes"

Dix ans plus tard, la réputation de Denis Baupin n'a pas vraiment changé. Yves Contassot, interrogé par Europe 1, évoque encore un "cavaleur un peu pénible". "Denis Baupin est odieux avec les femmes", insiste l'eurodéputée Michèle Rivasi, dans un autre entretien avec la radio.

L'élue EELV affirme que des rumeurs de comportements déplacés sont arrivées jusqu'aux oreilles des responsables du parti. "Ils n’ont pas vu l’ampleur du problème, estime-t-elle. Ils pensaient qu’ils pouvaient le résoudre en convoquant Denis Baupin pour lui demander d’arrêter. Alors effectivement, il arrêtait, mais il n’arrêtait pas son système."

Emmanuelle Cosse, épouse de Denis Baupin depuis juin 2015 et ancienne secrétaire nationale d'Europe Ecologie-Les Verts, avait-elle connaissance de ces accusations ? La ministre du Logement affirme que non, mardi 10 mai. "J'ai été très touchée [par ces révélations] en tant que femme, en tant que compagne, en tant que mère et aussi en tant que ministre, confie-t-elle à France Info. Si ces faits sont avérés, il faut que ça soit réglé devant la justice. Si ces faits ne sont pas avérés, il faut aussi que cela soit réglé devant la justice."

Le parquet de Paris a justement ouvert une enquête préliminaire contre l'ancien élu des Verts, mardi 10 mai, bien qu'aucune plainte n'ait pour l'instant été déposée contre lui. "S’il y a des femmes, qu’elles n’hésitent pas, on sera là en soutien, nous pour lesquelles les faits sont prescrits", assure Sandrine Rousseau. Denis Baupin, lui, continue de nier les faits. Il a porté plainte mardi contre Mediapart et France Inter pour diffamation.

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