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Document France 2 "Vous m'emmerdez avec vos questions !" : l'audition houleuse de Patrick Balkany dans l'affaire des chauffeurs

L'ancien maire de Levallois-Perret, déjà condamné pour fraude fiscale et blanchiment, voit se profiler un nouveau procès pour détournement de fonds publics dans l'affaire des chauffeurs. L'émission "Complément d'enquête" révèle, ce jeudi, le contenu de son audition par la juge en juillet 2020.

Article rédigé par franceinfo - Tristan Waleckx
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Patrick Balkany salue ses soutiens, le 12 février 2020, à sa sortie de la prison de la santé, à Paris.  (JEROME GILLES / NURPHOTO / AFP)

C'est une affaire sur laquelle Patrick Balkany a refusé de s'expliquer pendant près d'une décennie. Accusé depuis 2013 d'avoir détourné trois policiers municipaux de leur mission à des fins personnelles, l'ancien maire de Levallois-Perret avait toujours gardé le silence... jusqu'à son audition par une juge, le 23 juillet 2020. Une comparution particulièrement houleuse, dont "Complément d'enquête" dévoile le contenu, jeudi 2 décembre.

>> Regardez la nouvelle enquête de "Complément d'enquête" consacrée à la police municipale

"On ne peut pas considérer le justiciable comme de la merde et interroger sur des faits qui datent de 10 ans", attaque Patrick Balkany, déjà condamné pour fraude fiscale et blanchiment, et qui vit alors avec un bracelet électronique depuis sa sortie de prison, cinq mois auparavant, pour raisons de santé. "Il serait temps qu'on me fiche la paix, on m'a déjà foutu au trou, j'ai failli crever en prison, j'ai 72 anset vous venez me chercher des poux dans la tête."

"Je n'ai jamais lu nulle part que c'était interdit"

Interrogé sur le fait d'avoir fait travailler des agents municipaux comme chauffeurs personnels, l'ancien édile de Levallois-Perret ne semble pas voir le problème : "Vous me parlez comme s'il y avait 12 employés municipaux et qu'en enlever un c'était la cata. Je n'ai forcé personne, ils étaient heureux de le faire. Ça leur ouvre des perspectives, et ça leur apprend à être plus aimables et serviables avec les habitants et le temps qu'ils ont passé auprès de moi, ce n'est pas du temps perdu. Il vaut mieux être avec le chef qu'avec le sous-fifre pour apprendre."

Alors que la magistrate rappelle à l'ancien maire que cette pratique est interdite, les enquêteurs notent que "M. Balkany se lève, s'énerve et insulte le juge d'instruction en ces mots 'vous m'emmerdez, vous m'emmerdez avec toutes ces questions'.". Après une vingtaine de minutes d'interruption, l'interrogatoire reprend par un mea-culpa de l'intéressé. "Je suis désolé pour tout à l'heure. Je suis fatigué, je suis mal, j'ai peur de rester sur le billard. Je suis énervé, s'excuse Patrick Balkany. Si vous êtes en train de me dire que je n'aurais pas dû prendre des policiers municipaux, j'aurais préféré qu'on me le dise avant, à l'époque et on aurait réglé ça en deux minutes. Je n'ai jamais lu nulle part que c'était interdit." 

"Je ne savais pas que la justice n'avait rien d'autre à faire"

Mais la tension revient rapidement lorsque la juge Céline Garrigues lui précise avoir fait d'autres découvertes, à savoir que les policiers municipaux auraient aussi suivi le maire lors de trajets très privés, lors d'un dîner à Deauville ou encore pendant ses vacances à Saint-Martin, dans les Antilles... Les agents de la Ville auraient aussi servi de chauffeur pour toute la famille Balkany, les enfants, les petits-enfants, et même la nounou. "Je ne savais pas que la justice n'avait rien d'autre à faire, s'indigne alors Patrick Balkany. On passe une journée entière à parler de ça alors qu'il y a des délinquants dans les rues, des choses beaucoup plus graves, des gens qui se font agresser... Je trouve ça désolant, je suis navré. Quelle hypocrisie, tout ça est d'une bassesse."

Quant aux autres tâches privées confiées à ces policiers municipaux, à savoir aller au tabac pour lui acheter des cigarettes, l'ancien édile assume : "Je demande au chauffeur d'aller chercher des cigarettes, alors qu'il est là en train de glander, je ne vois pas où est le mal." Et de conclure son interrogatoire par ces mots : "Que vous puissiez me reprocher de gratouiller sur du personnel, c'est tellement pas moi. J'ai passé ma vie à être généreux, ma vie a été belle et malheureusement, elle est en train de se terminer de manière vilaine, jugement, prison, j'ai failli crever. Je vais crever donc ne vous cassez pas la tête. Je suis fatigué j'en ai marre." 

Pas de quoi attendrir la juge qui finit, au terme de cette audition, par le mettre en examen. Vingt-cinq ans après avoir été condamné une toute première fois pour avoir fait travailler trois agents municipaux à l'entretien de son domicile, Patrick Balkany devrait donc de nouveau être jugé de nouveau pour "détournement de fonds publics par personne dépositaire de l'autorité publique". Ultime décision attendue avant ce probable renvoi devant le tribunal : la demande de nullité de cette nouvelle mise en examen déposée par Patrick Balkany sera tranchée le 14 décembre prochain.

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