Affaire Bygmalion : Nicolas Sarkozy, Jérôme Lavrilleux, Guillaume Lambert... On vous présente les 14 prévenus
Aux côtés de l'ex-chef de l'Etat, treize autres personnes comparaissent devant le tribunal correctionnel, dont son directeur de campagne, des cadres de l'UMP, des experts-comptables, et les dirigeants de Bygmalion.
Pour la première fois depuis l'ouverture du procès Bygmalion, l'ex-président Nicolas Sarkozy s'est présenté mardi 15 juin au tribunal correctionnel de Paris, pour son interrogatoire sur les dépenses excessives de sa campagne 2012. Nicolas Sarkozy n'avait encore assisté à aucune audience depuis le début du procès le 20 mai, et se faisait représenter par son avocat historique, Me Thierry Herzog.
Dans cette affaire, ils seront quatorze à garnir le banc des prévenus. Les juges vont se pencher sur les irrégularités financières de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012, qui a coûté plus de 42 millions d'euros au lieu des 22,5 millions autorisés par la loi.
Pour masquer cet énorme dépassement, un système de double facturation a été mis en place par la filiale de Bygmalion, l'entreprise chargée d'organiser les meetings du président-candidat. D'un côté, des factures – intégrées dans le compte de campagne – largement sous-évaluées afin de faire rentrer les dépenses dans les limites légales ; de l'autre, de fausses notes correspondant à des événements fictifs, réglées par l'UMP, qui permettaient à Bygmalion de récupérer sa juste rémunération pour l'organisation de ces meetings.
Qui a décidé de mettre en place ce système frauduleux ? Qui était au courant, tout en fermant les yeux ? Nicolas Sarkozy lui-même était-il averti ? Pendant un mois, le tribunal va tenter d'évaluer la responsabilité de chacun. Membres de l'équipe de campagne, responsables financiers de l'UMP, dirigeants de Bygmalion, experts-comptables... Franceinfo revient sur les profils des quatorze personnes mises en cause.
Nicolas Sarkozy, le candidat
La présence de Nicolas Sarkozy sur le banc des prévenus va donner à ce dossier très technique un fort retentissement médiatique et politique. L'ancien chef de l'Etat est poursuivi dans le cadre du financement de sa campagne de 2012.
Que lui reproche-t-on ? Contrairement à ses 13 autres coprévenus, il ne comparaît pas pour les infractions de faux, d'usage de faux, d'abus de confiance ou d'escroquerie. Seul le délit de financement illégal de campagne électorale lui est reproché. Une infraction réprimée par l'article 113-1 du Code électoral et pour laquelle il encourt un an de prison et 3 750 euros d'amende.
La justice lui reproche d'avoir signé un compte de campagne falsifié, sous-estimant largement les dépenses réelles. Rien dans l'enquête ne permet d'affirmer qu'il avait eu connaissance de l'existence de la fraude. Le juge d'instruction, Serge Tournaire, a en revanche estimé que le candidat n'avait pas tenu compte de plusieurs alertes concernant un risque de dérapage de ses comptes de campagne, donnant l'instruction à son équipe de prévoir toujours plus de meetings. Au total, 44 réunions publiques ont été organisées en deux mois et demi, loin de la quinzaine envisagée initialement.
Quelle est sa version des faits ? Nicolas Sarkozy a d'abord tenté de contester sa mise en examen en invoquant le non bis in idem, ce principe juridique qui veut que nul ne puisse être condamné deux fois pour les mêmes faits. Or, en 2013, le Conseil constitutionnel avait déjà rejeté ses comptes de campagne après avoir constaté un dépassement (bien moins important) du plafond de dépenses autorisé, obligeant l'ancien président à lancer un "Sarkothon" pour éponger 11 millions d'euros de dettes.
Saisie par Nicolas Sarkozy pour contester son renvoi en correctionnelle, la Cour de cassation a estimé en 2019 qu'il revenait au tribunal de trancher sur ce point. Sur le fond du dossier, Nicolas Sarkozy assure avoir signé son compte de campagne sans en avoir vérifié la sincérité. "Il y a 46 cartons de factures. Fallait-il que je me plonge dans les 46 cartons ? (...) La vérité, c'est que je n'ai rien lu", a-t-il expliqué au juge. Il affirme également n'avoir pas su que sa campagne dépassait le plafond de dépenses car elle était exactement "la même" que celle de 2007.
Enfin, il a souligné devant les enquêteurs que le choix de la société Bygmalion n'était pas de son fait, mais de celui des proches de Jean-François Copé. Comme le relate Le Monde, les partisans de Nicolas Sarkozy continuent d'ailleurs à mettre en cause l'ancien secrétaire général de l'UMP, qui n'a pourtant pas été poursuivi.
Jérôme Lavrilleux, le proche de Copé
Jérôme Lavrilleux est l'autre visage médiatique de l'affaire. Celui qui, le 26 mai 2014, reconnaissait la larme à l'œil et en direct sur BFMTV que "des factures présentées à l'UMP correspondaient à des dépenses faites pour la campagne". Proche de Jean-François Copé, alors secrétaire général de l'UMP, dont il était le directeur de cabinet, il est également un ami de Bastien Millot, le président de Bygmalion. Pendant la course à la présidentielle de 2012, il occupait aussi la fonction de directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy.
Que lui reproche-t-on ? Il est désigné par Franck Attal, cadre d'Event & Cie, la filiale de Bygmalion, comme le responsable de la campagne lui ayant proposé de mettre en place un système de falsification de factures. Il est poursuivi pour usage de faux, recel d'abus de confiance, complicité de financement illégal de campagne électorale et complicité d'escroquerie.
Quelle est sa version des faits ? Jérôme Lavrilleux assure ne pas être l'instigateur du système de fraude mis en place, et n'en avoir été informé qu'en mai 2012, soit après le second tour de la présidentielle. Une version jugée peu crédible par les enquêteurs. Il assure en outre ne pas avoir évoqué ce sujet avec le secrétaire général du parti, Jean-François Copé. "Cela l'aurait mis dans une alternative impossible, a-t-il expliqué durant l'enquête. L'obliger à être soit complice, soit responsable d'un événement politique majeur. J'ai estimé que le travail d'un directeur de cabinet était de protéger son patron."
Des dirigeants de Bygmalion
Quatre prévenus sont des anciens dirigeants de Bygmalion ou de sa filiale, Event & Cie, qui avait été mandatée pour organiser les meetings de la campagne de Nicolas Sarkozy.
Franck Attal. Directeur général adjoint d'Event & Cie, il suivait de près l'organisation des meetings de Nicolas Sarkozy, accompagnant régulièrement le candidat jusqu'à son pupitre lors de son arrivée sur scène. C'est à lui que des responsables de la campagne auraient demandé de falsifier les factures, dès le mois de mars 2012. Demande à laquelle il a reconnu avoir accédé, sur ordre des dirigeants de Bygmalion. Il est poursuivi pour faux, usage de faux, complicité de financement illégal de campagne électorale et complicité d'escroquerie.
Guy Alvès. Directeur général de Bygmalion, il reconnaît l'existence de la fraude. C'est d'ailleurs son avocat qui, dès 2014, a remis aux enquêteurs une clé USB contenant la double comptabilité attestant des fausses factures. Il est poursuivi pour complicité de faux et usage de faux, complicité de financement illégal de campagne électorale et complicité d'escroquerie.
Sébastien Borivent. Directeur général adjoint de Bygmalion, il a lui aussi indiqué être au courant de la fraude. Informé par Franck Attal de la demande de l'équipe de campagne d'établir des fausses factures, il soutient en avoir informé directement son patron, Bastien Millot. Il est poursuivi pour complicité de faux et d'usage de faux, complicité de financement illégal de campagne électorale et complicité d'escroquerie.
Bastien Millot. Président du groupe Bygmalion, il est un proche de Jean-François Copé, alors secrétaire général de l'UMP, et de son directeur de cabinet, Jérôme Lavrilleux. Parmi les dirigeants de l'entreprise poursuivis par la justice, il est le seul à nier avoir eu connaissance du système de double-comptabilité. Il est poursuivi pour complicité de faux et d'usage de faux, complicité de financement illégal de campagne électorale et complicité d'escroquerie.
Les cadres de l'UMP
Comme Jérôme Lavrilleux, trois anciens cadres de l'UMP (parti désormais nommé Les Républicains) sont poursuivis pour avoir mis en œuvre le système de fausses facturations, en validant les dépenses correspondant aux factures sous-estimées des meetings et celles surestimées ou portant sur des événements fictifs prétendument organisés par le parti.
Eric Cesari, Fabienne Liadzé et Pierre Chassat, tous trois licenciés de l'UMP en 2014 après le scandale, sont poursuivis pour usage de faux, abus de confiance, complicité de financement illégal de campagne électorale et complicité d'escroquerie. Ils nient en bloc avoir eu connaissance du montage financier frauduleux et s'accusent mutuellement.
Eric Cesari. Ancien collaborateur de Charles Pasqua au ministère de l'Intérieur et de Nicolas Sarkozy au conseil général des Hauts-de-Seine, il est l'homme de confiance du président sortant, qui lui a confié plusieurs années auparavant le poste stratégique de directeur général de l'UMP. Selon plusieurs témoignages recueillis au cours de l'enquête, il avait la haute main sur tous les aspects administratifs et financiers du parti. A ce titre, il a apposé sa signature sur les devis frauduleux et les engagements de dépenses correspondants.
Fabienne Liadzé. Parfois présentée comme la directrice administrative et financière du parti, elle occupait le poste de directrice des ressources à l'UMP. Pour certains protagonistes de l'affaire, c'est elle qui gérait, en lien étroit avec un comptable de Bygmalion, le système de "ventilation" des comptes mis en place pour dissimuler le dérapage des dépenses de la campagne.
Pierre Chassat. A la fois directeur de la communication et adjoint du directeur de cabinet Jérôme Lavrilleux, il a lui aussi signé des engagements de dépenses, notamment liées à des conventions inexistantes dont il était censé être l'organisateur.
Les membres de l'équipe de campagne
Les trois membres de l'équipe mis en cause sont ceux qui étaient chargés des aspects financiers de la campagne. Ils sont poursuivis pour usage de faux, abus de confiance, recel d'abus de confiance, complicité de financement illégal de campagne électorale et escroquerie.
Guillaume Lambert. Ancien chef de cabinet de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, ce haut-fonctionnaire discret est devenu en 2012 le directeur de campagne du candidat. Les enquêteurs le soupçonnent d'avoir été informé de la fraude et de n'avoir rien fait pour y mettre un terme, ce qu'il conteste. Par ailleurs, il assure avoir fait passer à Nicolas Sarkozy deux notes dans lesquelles les experts-comptables alertaient sur un risque important de dépassement du plafond de dépenses autorisé.
Philippe Briand. Député UMP d'Indre-et-Loire, il a été désigné au début de la campagne président de l'Association de financement pour la campagne de Nicolas Sarkozy (AFCNS), qui était censée régler les dépenses du candidat.
Philippe Blanchetier. Avocat de l'UMP avant cette affaire, il a été désigné trésorier de l'AFCNS lors de la campagne de 2012. C'est lors d'une perquisition à son cabinet que les enquêteurs ont mis la main sur des documents montrant que le prix initial de nombreux meetings avait été revu à la baisse.
Les experts-comptables
La loi prévoit que les comptes de campagne sont contrôlés par un expert-comptable. Pour cette mission, l'équipe de Nicolas Sarkozy a fait appel au cabinet Akelys, qui avait déjà travaillé avec le RPR puis l'UMP lors des présidentielles de 1995, 2002 et 2007. Selon les enquêteurs, Marc Leblanc et Pierre Godet n'ont pu ignorer le système frauduleux. En fin de campagne, ils auraient également écarté du compte de campagne certaines factures, sans rapport avec Bygmalion, afin de rester dans la limite des dépenses autorisées.
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