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PLAT LOUIS LAFORGE DEBAT 10' 00

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Article rédigé par franceinfo
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Moyennant quoi, nos résultats se valent à peu près. On n'est pas autres.

L. Laforge : Peter Heusch, est-ce que les Allemands suivent la chute dans les sondages du couple Hollande-Ayrault.

P. Heusch : On la suit, mais il faut être honnête, c'est moins la cote de popularité qu'on suit, ce sont surtout les indicateurs économiques de la France qui continuent à se dégrader qui nous inquiètent. La France reste le partenaire le plus important de l'Allemagne, c'est la deuxième économie de l'Europe. Si cela tourne vraiment très mal ici, on va tous plus ou moins être impactés.

L. Laforge : L'un des dossiers que François Hollande partage avec Angela Merkel et David Cameron, c'est celui de l'Europe de la Défense. Je vous propose un reportage à Istres et Taverny, pour voir si des économies sont envisageables dans les forces aériennes de la dissuasion nucléaire française.

A 10.000m d'altitude et 900 km/h, le ravitaillement de ce Mirage 2000 N, "N" comme nucléaire. En moins de 4 mn, près de 5.000 litres de carburants passent du gros porteur à l'avion de combat.

Aujourd'hui, nous allons ravitailler du Mirage 2000, du Rafale.

Voilà très exactement 50 ans que ce même Boeing 707 très particulier, le C135, exerce le métier de pompiste volant. Acheté en 1963, il ravitaillait déjà les Mirage IV de la force de frappe du général de Gaulle. Retour à terre, après 6 heures de mission. Le vieil avion accuse le coup.

Il arrive en bout de vie. Il demande une maintenance très élevée pour continuer à rendre les services qu'il nous rend. Nous attendons son successeur avec grande impatience.

Mais il faudra attendre encore un peu et bichonner cet ancien toujours plus car le successeur coûtera très cher: 180 millions d'euros l'unité, et il en faudra 14. Au bout de kilomètres de galeries souterraines, le PC nucléaire de Taverny, un autre survivant de la guerre froide. Les forces aériennes stratégiques, c'est ici. Avec les sous-marins, elles assurent la dissuasion nucléaire au budget annuel de 3,5 milliards d'euros. Mais cette composante aérienne est-elle encore indispensable? Pourquoi ne pas la supprimer? On économiserait ainsi 230 millions d'euros par an.

Le gros intérêt de cette composante aérienne, c'est qu'elle n'a pas une mission dédiée uniquement au nucléaire. Tous les moyens qui la composent interviennent dans la mission de tous les jours de l'armée de l'air. Par exemple, le Boeing ravitailleur C135: aujourd'hui j'en ai 5 au Mali, j'en avais 6 en Libye.

Bref, économiser sur le nucléaire, c'est techniquement difficile, budgétairement peu efficace dit-on ou alors très compliqué.

Il est extrêmement difficile de trouver les vrais chiffres. On a ceux donnes parle ministère de la Défense mais on ne peut pas avoir vraiment les détails de ce que cela comprend et voir quels sont les coûts dilués dans d'autres domaines. Je pense notamment au coût des démantèlements.

Ce missile nucléaire a été remplacé par un autre, encore plus moderne et plus cher. Coût unitaire: 15 millions d'euros. La seule marge de manœuvre restante est donc de ne pas le moderniser, voire de ne pas lui prévoir de descendants. Gain total attendu: 1,5 milliard d'euros sur 2, voire 3 décennies mais là, c'est très compliqué politiquement.

L. Laforge : On vient de le voir, c'est difficile, mais pas impossible de faire des économies dans le budget français de la Défense. Néanmoins, ce n'est pas ce qu'a annoncé François Hollande jeudi soir sur France 2. Officiellement, le budget est "gelé". Dans la réalité, ça veut dire qu'il va quand même augmenter.

P. Heusch : Oui, si on enlève l'inflation, en maintenant le budget en l'état, en réalité le budget va diminuer. C'est quand même dans la ligne droite du gouvernement précédent. François Fillon avait imposé un plan de 54.000 suppressions d'emplois chez les militaires en 7 ans. Mais geler le budget, c'est un problème, il y aura moins d'argent pour le remplacement du matériel ou la modernisation de l'armée. Cette tendance à la baisse est vraie partout dans l'Union européenne. En matière militaire, l'Europe est un nain: le budget militaire des 27 pays représente 194 milliards d'euros. Celui des Etats-Unis représente 500 milliards d'euros pour beaucoup moins d'habitants.

L. Laforge : En Grande-Bretagne, le gouvernement a été beaucoup plus radical.

P. Heusch : Les coupes dans les dépenses publiques ont été plus radicales, et le pari, c'est que cela va faire redémarrer le secteur prive. Pour l'instant, ce n'est pas encore avéré. Concernant la défense, il n'y a que deux pays qui sont réellement des pays à visée stratégique en Europe, c'est le Royaume-Uni et la France. Ils ont des budgets militaires à peu près équivalents. Les Allemands sont en dessous de 1% mais c'est aussi une question de culture stratégique. Les Britanniques et les Français sont membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et ils considèrent qu'ils ont des responsabilités pour la sécurité internationale, que ce soit en Afrique, au Proche et Moyen-Orient, voire au-delà. Alors que la plupart des Européens sont absolument réticents à ce genre d'engagement. La guerre, c'était un mauvais souvenir, quelque chose à oublier. On fait à la limite du maintien de la paix, dans des conditions sans morts ni blessés.

L. Laforge : Peter Heusch, la situation en Allemagne est très différente. Vous n'avez pas besoin de faire des économies dans le budget de la Défense, vous.

P. Heusch : Elles étaient déjà faites avant. On a très fortement réduit l'armée allemande. En plus, il y a une transformation maintenant car nous avons une armée professionnelle. Ce n'était pas le cas jusqu'à il y a un an. En même temps, le nombre des soldats a encore été réduit. Il y a en revanche une chose qui change, si on parle d'intervention à l'extérieur, on abandonne de plus en plus la défense territoriale pour avoir plus de forces de projection.

L. Laforge : Nous allons retrouver, en direct d'Athènes, Effy Tselikas. Bonsoir. Les Grecs possédaient l'un des budgets de la Défense les plus importants en Europe. Évidemment, ils ont dû sacrément couper dans ce budget.

P. Heusch : Oui, c'est aussi le régime d'austérité pour l'armée grecque. De 6% du PIB, on est descendu à 3%, et cela chute encore, avec des coupes dans les salaires et les retraites. 7 officiers sur 10 seraient en dessous du seuil de pauvreté. Il y a aussi la fermeture de garnisons, l'arrêt du recrutement dans les écoles militaires. Et la semaine passée, c'était la fête nationale, et dans le défilé, il n'y avait plus que des fantassins, il n'y avait plus aucun équipement, plus aucun char, plus aucun avion de combat. Dans les économies, il n'y a plus non plus d'exercice, faute de carburant, plus de pièces détachées et plus d'achat de matériel. Tout cela risque de poser un vrai problème d'opérationnalité pour les Grecs, face à la menace turque. C'est pour cela que vous avez des manifestations de militaires en uniforme qui en appellent a la dignité nationale.

L. Laforge : En temps de crise, la tendance, c'est plutôt chacun pour soi. La solution ne serait-elle pas, au contraire, de s'unir? Véronique, la politique européenne de Défense existe, il suffirait d'aller plus loin.

P. Heusch : Elle existe en tout cas dans les traités. Ce sont les Britanniques et les Français qui ont relancé en 1998 cette fameuse politique. Les objectifs, ce n'est pas de défendre le territoire européen, c'est la gestion des crises extérieures, comme en Afghanistan ou au Mali. Il y a une mission européenne qui va partir prochainement, forte de 500 hommes. Il y a une personne chargée au plus haut niveau de cette politique, c'est Catherine Ashton, la haute représentante européenne. Mais elle est inaudible? On ne l'a pas entendue au moment de l'intervention de la France au Mali. Elle a été incapable de pousser les européens s'unir. Les 27 Etats membres restent maîtres chez eux en matière de défense.

L. Laforge : Peter Heusch, on a senti l'Allemagne assez frileuse, pourquoi.

P. Heusch : C'était quand même honteux. Le soutien logistique que les Allemands ont apporté à cette opération, en déclarant haut et fort que c'était utile, louable. Ils ont quand même laissé les Français tout seuls, comme les autres. La politique se cache toujours derrière l'opinion publique. Mais pour la première fois, il y a quand même eu de la critique de la part au moins des médias. Pourquoi on a une brigade franco-allemande si on ne l'envoie pas à ce moment-là? Ils étaient contre le réarmement, contre l'intégration dans l'Otan. Les politiques doivent toujours l'imposer contre l'opinion publique. Les Anglais ont aidé dans le renseignement au Mali. C'est vrai qu'ils sont encore très engagés en Afghanistan, et que personne ne s'attend à un engagement sur le terrain. En revanche, la difficulté de trouver une soixantaine de militaires capables de protéger les formateurs de la force d'intervention africaine et l'armée malienne, c'est là qu'on voit l'absurdité.

P. Taylor : Cela dit, il y a beaucoup de choses pratiques qu'on peut faire dans la défense européenne, par exemple former les pilotes ensemble. On ne fera plus comme par le passé deux avions bombardiers séparés entre Français et Britanniques. Même un sous-marin nucléaire commun n'est pas inimaginable.

L. Laforge : Merci Peter Heusch, Paul Taylor. Véronique, on vous retrouve samedi dans "Avenue de l'Europe". Quel sera le thème.

V. Auger : L'armée, justement.

L. Laforge : Le Grand Soir 3 vous donne déjà les titres de vos journaux demain matin, c'est la revue de presse.

P. Loison : Dans la presse nationale, "Les Echos" nous donnent les pistes chocs pour tailler dans "Le Figaro" s'interroge: et si Hollande remaniait le gouvernement? Et "Libération" consacre sa une à Michel Houellebecq pour la sortie de son recueil de poésies "Configuration du dernier rivage".

L. Laforge : Et dans la presse régionale, "Ouest-France" s'intéresse aux caméras qui traquent les voitures mal garées.

P. Loison : Et "La Nouvelle République" titre sur la polémique tragique de Koh-Lanta.

L. Laforge : Le Grand Soir c'est aussi toute l'actualité dans votre région. A tout de suite.

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